À propos des oléoducs

« Ça ne va pas faire l’unanimité »

Alors que le débat sur la construction de l’oléoduc Énergie Est a braqué une région du pays contre l’autre après que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) eut annoncé son opposition au projet, Justin Trudeau estime que tout premier ministre a l’obligation de dénicher de nouveaux marchés pour vendre les ressources naturelles du pays « de manière responsable ».

S’il dit comprendre les préoccupations « légitimes » des élus de la région de Montréal et d’autres groupes qui craignent les retombées environnementales d’un tel projet, M. Trudeau a fait valoir que l’option de rechange à la construction d’un oléoduc est nettement moins attrayante.

Le premier ministre a notamment fait allusion à la tragédie de Lac-Mégantic qui a coûté la vie à 47 personnes et défiguré le centre-ville de cette municipalité du Québec en juillet 2013.

« Je comprends qu’il y a des préoccupations à travers le pays, y compris à Montréal et au Québec. Mais ce ne sont pas des préoccupations déraisonnables. Les gens qui disent : "On ne veut pas mettre à risque l’avenir de nos enfants, on ne veut pas mettre à risque nos cours d’eau", ce n’est pas anti-développement, ce n’est pas anti-exploitation de nos ressources », a d’abord affirmé M. Trudeau.

« Je comprends qu’il y a des gens qui ne voudront jamais d’oléoducs. Mais ces gens-là, s’ils préfèrent des trains, eh bien qu’ils essaient de me faire cet argument-là que c’est plus sécuritaire d’amener ce pétrole par train », a-t-il ajouté.

GUERRE DE MOTS

Il y a deux semaines, la CMM a annoncé qu’elle s’opposait à la construction de l’oléoduc Énergie Est proposé par TransCanada en disant craindre les conséquences environnementales d’un tel projet sur son territoire et en mettant en doute les retombées économiques qu’il promet.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, s’est montré particulièrement mordant en expliquant sa position, déclenchant une guerre des mots sur les médias sociaux qui l’a notamment opposé au premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall et à des élus de l’Alberta, qui réclament l’approbation du projet pour soutenir l’économie de l’Ouest, en pleine déroute depuis la chute du prix du baril de pétrole.

Dans la foulée de cette escarmouche, le gouvernement Trudeau a annoncé de nouvelles mesures d’évaluation environnementale pour les grands projets, ce qui aura pour effet de prolonger de neuf mois les délais d’approbation d’Énergie Est. En principe, le gouvernement fédéral sera appelé à statuer sur l’avenir de ce projet au plus tôt à l’automne 2018, une fois que l’Office national de l’énergie aura terminé son examen.

UN CONSENSUS PLUTÔT QUE L’UNANIMITÉ

La semaine dernière, M. Trudeau s’est rendu au chevet de l’économie de l’Alberta, durement éprouvée par la chute du prix du pétrole, et a rencontré la première ministre Rachel Notley et des gens de l’industrie du pétrole et du gaz. Il a toutefois refusé de prendre quelque engagement que ce soit au sujet de la construction de l’oléoduc Énergie Est, qui permettrait d’acheminer du pétrole de l’Alberta jusqu’aux raffineries de Saint John, au Nouveau-Brunswick, en passant par l’Ontario et le Québec.

En entrevue, M. Trudeau a soutenu que le gouvernement fédéral ne pourra jamais prendre une décision qui fera l’unanimité au sein de la population. Son objectif à cet égard est de bâtir un « consensus ».

« Une responsabilité fondamentale de n’importe quel premier ministre canadien, c’est de permettre à nos ressources de se rendre vers les marchés », a affirmé M. Trudeau, soulignant les efforts au tout début de la colonisation pour exporter la fourrure des castors et les poissons, les efforts subséquents des gouvernements pour faciliter l’exportation du blé ou du bois.

« Il n’y a personne au Canada qui veut voir du développement économique qui va bousiller l’avenir de nos enfants, de nos communautés, de notre monde. Mais en même temps, on sait qu’on a besoin de développer l’économie, on a besoin d’exporter nos ressources de façon responsable », a-t-il dit.

BESOIN INCONTOURNABLE

Ce qui a changé depuis son arrivée au pouvoir, c’est que tout projet doit être conçu de manière à satisfaire aux exigences des communautés qui pourraient être touchées, selon lui.

« Il y a des gens qui veulent tout simplement qu’on ne fasse rien en matière d’énergie. Je comprends le désir et je le partage à long terme. Dans 50 ans ou 100 ans, il va falloir qu’on se passe des hydrocarbures. Mais ce n’est pas pour demain. Pour l’instant, nous avons une économie qui a besoin de pétrole. Qu’on dise à ces gens de ne pas prendre leur voiture pendant une semaine, ils vont avoir une réflexion différente », a-t-il ajouté.

« Mon rôle en tant que chef de gouvernement, ce n’est pas de faire plaisir à tout le monde. Mais c’est d’écouter tout le monde, de comprendre leurs préoccupations et d’essayer de façon raisonnable de présenter quelque chose qui a de l’allure. Ça, je dois le faire en partenariat avec les provinces, les municipalités, l’industrie, les groupes environnementaux, tout le monde. Ça ne va pas faire l’unanimité. Il y a des gens qui vont toujours être contre. Mais on peut trouver un consensus quand même qui est raisonnable pour la grande majorité des gens », a-t-il dit.

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