Dénonciations sur Twitter

Le mot-clic #moiaussi gagne La Mecque

Des musulmanes du monde entier dénoncent à leur tour des agressions ou des inconduites sexuelles, et cette fois, elles abordent un double tabou. Avec le mot-clic #mosquemetoo, elles sont des milliers à oser raconter sur Twitter la mauvaise expérience qu’elles ont vécue dans un lieu sacré, notamment lors du pèlerinage à La Mecque, la ville la plus sainte de l’islam. Un mouvement qui ne vient pas sans de vives critiques. Explications.

QUELLE A ÉTÉ LA BOUGIE D’ALLUMAGE DE CETTE NOUVELLE VARIANTE DU MOUVEMENT #METOO ?

Tout a commencé il y a 10 jours alors qu’une Pakistanaise, Sabica Khan, a raconté dans un long statut Facebook avoir été victime d’une agression sexuelle lors du hadj, pèlerinage musulman à La Mecque, en Arabie saoudite. Bien que sa dénonciation soit doublement délicate, son statut – supprimé depuis – a engendré un nombre inattendu de confidences semblables. Le courage de sa sortie publique a aussi été largement salué, notamment par Mona Eltahawy, auteure et personnalité publique musulmane américano-égyptienne.

COMMENT LE MOT-CLIC ASSOCIÉ AU PHÉNOMÈNE est-il ensuite apparu ?

Mona Eltahawy est suivie par 287 000 abonnés sur Twitter. La militante a rappelé dans un statut publié le 7 février dernier qu’elle avait elle aussi été victime d’une agression sexuelle durant le hadj.

« C’est difficile de parler des agressions qui arrivent dans des lieux sacrés. J’espère que toutes celles qui prennent la parole aujourd’hui peuvent aider celles qui, pour quelque raison que ce soit, ne peuvent pas parler maintenant. #mosquéemoiaussi », a-t-elle enchaîné dans son tweet.

Le mot-clic a rapidement été repris, et des centaines, voire des milliers de gazouillis ont suivi.

« J’ai été harcelée sexuellement quand j’avais 21 ans alors que je faisais le tawaf [la circumambulation], au cœur du plus sacré des lieux censés être l’un des plus sécuritaires. […] Ça m’a tellement brisée que je ne m’en suis jamais remise #mosqueemetoo », a écrit une internaute.

« J’ai été harcelée sexuellement durant le tawaf. Je croyais que c’était accidentel, mais le gars n’a pas arrêté de me tripoter. Si les hommes ne sont même pas capables de se retenir dans le plus SACRÉ des lieux de la Terre, j’ai réellement perdu espoir que les hommes nous respectent un jour », a confié une autre.

Est-ce que le phénomène #moiaussi, essentiellement occidental jusqu’à maintenant, gagne le Moyen-Orient ?

Sami Aoun, directeur de l’Observatoire du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (OMAN) à la Chaire Raoul-Dandurand, croit que l’utilisation du mot-clic #mosquéemoiaussi est encore marginale au Moyen-Orient, la réalité culturelle musulmane et arabe rendant ce genre de dénonciation encore plus difficile.

« Il y a un virus de la liberté et de l’empowerment des femmes, et ça va toucher toutes les grandes civilisations, pas seulement en Occident. Les femmes de plus en plus s’affirment, sont éduquées, scolarisées. Mais c’est très, très difficile pour les femmes musulmanes. Le climat général, c’est qu’avec pareil scandale, mieux vaut l’étouffer. Alors ça va prendre du temps, croit l’expert, néanmoins optimiste. Le sujet, dans sa substance, est un sujet qui touche deux grands tabous : la religion et la sexualité. Il en est dans ses balbutiements, mais je pense qu’il pourrait faire boule de neige. »

LE MOT-CLIC #MOSQUÉEMOIAUSSI A AUSSI SOULEVÉ DE VIVES CRITIQUES. QUE DÉNONCENT SES OPPOSANTS EXACTEMENT ?

Des internautes accusent le mot-clic d’entacher la réputation de l’islam et, par le fait même, des musulmans.

« Ils veulent vraiment salir l’islam avec l’affaire #mosquemetoo, mais plus vous critiquez les musulmans, plus leur foi grandit », dénonce l’abonné Twitter Maudit Salo.

Arkana Sana écrit pour sa part, par exemple : « #mosquemetoo ou vaste campagne de calomnie… Jusqu’où ils/elles iront-ils-elles pour nuire à l’islam et aux musulmanEs ? »

Ce à quoi l’instigatrice du mot-clic a répondu que sa dénonciation ne se voulait en rien une attaque envers l’islam, mais plutôt une intention de « briser le silence et la honte dans les lieux musulmans sacrés ».

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