L’OCDE relance les négociations avec optimisme
L’OCDE a relancé hier les négociations sur la taxation des géants du numérique et des multinationales, qui butaient sur des positions divergentes, en présentant une « approche unifiée » afin d’obtenir un « accord politique » avec les États d’ici à juin.
« Nous nous rapprochons de notre but suprême : que toutes les multinationales paient la part qui leur correspond », affirme Angel Gurria, secrétaire général de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), dans un communiqué.
Il présentera « l’approche unifiée » lors du G20 Finances qui se tiendra à Washington le 18 octobre.
La taxation des géants du numérique et des multinationales constitue un enjeu majeur pour adapter la fiscalité mondiale à la numérisation de l’économie de ces dernières décennies, afin que les États puissent percevoir des taxes même si les groupes ne sont pas physiquement présents sur leur territoire.
Les négociations, qui se sont ouvertes au sein de l’OCDE en janvier après plusieurs années d’atermoiements, étaient à nouveau bloquées par la présentation de trois positions divergentes et « concurrentes » formulées par le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Inde.
L’OCDE a cherché un compromis en présentant sa propre « approche unifiée » à la table des négociations, auxquelles participent 134 pays.
« Si le G20 et les autres pays acceptent de négocier sur cette base, nous pourrions avancer assez vite vers un accord politique. »
— Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE
« Si nous sommes capables de faire en sorte qu’il y ait une vraie négociation, un accord politique pourrait être conclu, pourquoi pas en janvier, même si ça me paraît trop ambitieux, mais assurément en juin », explique Pascal Saint-Amans, convaincu que « la dynamique est plutôt positive, même si c’est extrêmement compliqué ».
Pour sa part, M. Gurria a lancé un avertissement aux 134 pays qui s’apprêtent à négocier : « Si nous ne parvenons pas à un accord en 2020, cela renforcera le risque que des pays agissent unilatéralement », prévient-il, en allusion à la France, qui a décidé d’imposer les géants du numérique sur leur chiffre d’affaires dès cette année.
La proposition de l’institution se base sur trois piliers. Le premier délimite le champ d’application de la nouvelle taxe : elle stipule que les multinationales qui « ont une interaction significative avec les consommateurs finaux » sont incluses.
En revanche, seraient exclues celles qui n’ont pas de lien direct avec le public, comme les équipementiers automobiles, qui vendent leur production à des constructeurs.
Deuxième pilier, elle prévoit un système pour déterminer si, oui ou non, un pays pourra imposer une multinationale, en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Enfin, elle fixe la « garantie juridique » pour les multinationales avec un mécanisme d’arbitrage en cas de litige entre États et grands groupes, afin d’éviter une double imposition.
Les réactions ne se sont pas fait attendre après la publication de l’initiative de l’OCDE.
« C’est une très bonne proposition. J’espère qu’elle donnera une nouvelle dynamique. »
— Bruno Le Maire, ministre français des Finances
En revanche, Oxfam s’est déclarée déçue. « C’est une montagne qui a accouché d’une souris », regrette Quentin Parrinello, expert de ces questions fiscales, qui qualifie la proposition de l’OCDE d’« extrêmement complexe ».
La Commission pour une réforme de la taxation des multinationales (ICRICT), qui regroupe des économistes comme le Prix Nobel Joseph Stiglitz et le Français Thomas Piketty, a également exprimé sa déception. « Bien qu’il y ait des progrès […], ils sont très limités. »
De son côté, Amazon a qualifié cette proposition d’« important pas en avant » et renouvelé son soutien aux travaux de l’OCDE, tout comme Google, qui a renvoyé à sa prise de position précédente où elle appuyait les efforts de l’institution.
Dans une entrevue accordée aux Échos la semaine dernière, le PDG d’Apple Tim Cook avait lui aussi souhaité que la taxation des multinationales « soit tranchée au niveau de l’OCDE ».