Programme d’aide aux médecins du Québec

Médecins en détresse

Les demandes d’aide au programme de soutien connaissent une hausse significative pour une deuxième année consécutive

Alors que déjà, l’an dernier, les demandes d’aide reçues au Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) avaient atteint des proportions « alarmantes » et « témoignaient d’une situation d’urgence », « cette année encore, force est de constater que l’urgence perdure ».

C’est le portrait du niveau de détresse des médecins québécois que dresse le PAMQ dans son rapport annuel 2017-2018, obtenu par La Presse.

Au total, le PAMQ est venu en aide à 1618* médecins en 2017-2018, en hausse par rapport à l’année précédente où 1581 médecins avaient interpellé le programme d’aide.

Déjà l’an dernier, le PAMQ avait observé une augmentation marquée des demandes de soutien attribuée, entre autres, à la pression accrue que les médecins disent subir au travail.

Pour une deuxième année de suite, les demandes d’aide individuelles connaissent une hausse significative tant chez les médecins de famille que chez les médecins spécialistes.

« Nombreux sont les médecins qui se disent “dépassés”, empêtrés dans des problématiques complexes, où vie professionnelle et vie personnelle deviennent inconciliables. »

— Extrait du rapport du Programme d’aide aux médecins du Québec

« Loin d’une accalmie ou d’une tendance à la baisse, les appels à l’aide continuent d’affluer : on observe une hausse de 20 % des nouveaux clients chez les médecins spécialistes et de 12 % chez les médecins de famille [par rapport à l’an dernier] », peut-on lire dans le rapport.

La pression du système, l’épuisement professionnel et l’impact des processus d’enquête sont les trois principaux motifs de consultation des médecins.

« La nouvelle organisation du travail dans le système de santé crée un sentiment de surcharge au sein de la communauté médicale. », écrit le PAMQ.

Plusieurs médecins ont rapporté une « impression d’enfermement, où les portes de sortie sont inexistantes, et certains font le choix de réorienter leur carrière en dehors du système de santé, voire de prendre leur retraite prématurément », souligne le PAMQ.

Milieux de travail « dysfonctionnels »

Certains se sont plaints de milieux de travail « dysfonctionnels », « où l’application de nouveaux règlements peut créer des conflits ».

Le PAMQ est indépendant des fédérations, des organismes médicaux, du Collège des médecins et des facultés de médecine – et a une politique stricte de non-divulgation des renseignements à des tiers –, si bien que les médecins s’adressent à lui en toute confiance.

Le PAMQ a noté une hausse de la fréquence des demandes d’aide relativement aux impacts des enquêtes entamées par le Collège des médecins, la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou les établissements de santé.

« Parfois le médecin a commis une erreur réelle, parfois c’est une mauvaise compréhension, mais chose certaine, un médecin à qui on reproche une erreur ne vit pas ça facilement. Ça crée en soi de la détresse. Le médecin veut aider les gens, il ne veut pas leur nuire », explique la Dre Anne Magnan, directrice générale du PAMQ, en entrevue avec La Presse.

Le PAMQ remarque aussi une augmentation du sentiment d’épuisement professionnel. 

« L’écart qui se creuse entre les conditions attendues et les conditions réelles de l’exercice de la médecine provoque chez certains une baisse de la satisfaction au travail et une hausse de l’anxiété. »

— Extrait du rapport du PAMQ

En d’autres mots, des médecins ont l’impression de ne plus offrir aux patients des soins qui répondent à leurs standards de qualité.

« Les situations observées au programme ont toutes en commun le potentiel d’engendrer des impacts psychologiques pouvant ultimement nuire à la qualité des soins aux patients », souligne le rapport.

Jusqu’au suicide

Le PAMQ fait aussi des interventions de groupe dans des établissements, notamment à la suite du suicide d’un collègue. Il n’existe pas de registre concernant le suicide de médecins.

Quatre suicides et une tentative de suicide ont été rapportés au PAMQ cette année, mais il n’est pas exclu qu’il y en ait eu davantage. Parmi ces cinq cas, trois médecins faisaient l’objet d’une enquête relativement à leur pratique professionnelle lorsqu’ils sont passés à l’acte.

« Les médecins ne sont pas très conscients du risque de détresse psychologique qui vient avec le fait de faire l’objet d’une enquête », affirme la Dre Magnan.

L’âge moyen de la clientèle du PAMQ – excluant les résidents – est de 43 ans, alors que l’âge moyen des médecins au Québec est de 51 ans (il est un peu plus élevé chez les spécialistes, soit 53 ans). « Si je compare avec le début des années 2000, clairement, il y a moins de tabou à demander de l’aide. Mais les médecins ne viennent pas nous voir assez tôt, analyse la Dre Magnan. Le PAMQ est associé à “quasiment sur le bord du pont”. Il faudrait qu’ils viennent chercher de l’aide plus tôt. »

* Ce chiffre inclut les nouvelles demandes d’aide individuelles, les demandes de ceux qui ont eu besoin d’un soutien en groupe ainsi que ses clients qui bénéficiaient déjà d’un suivi après une demande déposée l’année précédente et dont le suivi est toujours en cours.

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