Série (4/5) Transfert d’entreprise

Éviter de mélanger les rôles

Chez Groupe Meloche, un fabricant de pièces d’aéronautique de Salaberry-de-Valleyfield, le transfert d’entreprise, commencé en 2004, se poursuit encore aujourd’hui. Mais au-delà de ce long processus, Hugues Meloche, président, chef de la direction et releveur avec son frère et sa sœur, croit beaucoup à une gouvernance bien organisée. Il faut éviter, dit-il, de mélanger les rôles de dirigeant, d’actionnaire et de membre d’une famille qui fait des affaires. Et ça fonctionne !

LE REPRENEUR

Hugues Meloche a fait ses études en génie mécanique à Ottawa. Durant ses stages, il a travaillé dans une PME ontarienne, chez BRP à Valcourt, puis chez Ateliers Meloche, PME fondée par son père en 1971. Son bac en poche, le jeune ingénieur s’est joint à l’entreprise familiale. Après un an, il a volé de ses propres ailes en fondant une petite boîte d’ingénierie, où il a acquis l’expérience d’un entrepreneur. En 2004, son entreprise et la PME de son père ont fusionné, ce qui a donné naissance au Groupe Meloche et jeté les bases du processus de relève auquel sa sœur Anne-Renée et son frère Vincent se sont joints.

L’ENTREPRISE

Dans ses deux usines de Salaberry-de-Valleyfield et dans celle de Bromont, Groupe Meloche fabrique des pièces usinées pour les structures et les moteurs d’avions commerciaux et d’affaires. Du très petit composant à la pièce d’un mètre cube, elle utilise l’aluminium, le titane et l’inox. Ses clients s’appellent Bombardier, Mitsubishi, GE, Pratt & Whitney et Stelia (filiale d’Airbus). La PME, dont le chiffre d’affaires est de 40 millions, réalise 70 % de ses ventes au Canada, 25 % aux États-Unis et 5 % en Europe.

LA MOTIVATION

Réjean Meloche ne voulait pas nécessairement voir ses enfants prendre les rênes de son entreprise. « Ma mère nous a souvent répété que diriger une PME, ce n’est pas toujours un cadeau, dit Hugues Meloche. Mais faire grandir quelque chose de déjà grand me plaisait beaucoup. J’ai le côté entrepreneur de mon père, mais je crois avoir en plus le côté gestionnaire, ce qui fait de moi une sorte d’hybride. » En 2004, lorsque Hugues Meloche et son frère benjamin ont fusionné leur entreprise d’ingénierie et les ateliers de fabrication de leur père, et que leur sœur Anne-Renée s’est greffée au processus, le sort en était jeté.

LA RECETTE

S’il n’y a pas eu de remise en question, de chicane, bref, de crise chez les Meloche, c’est parce que cette famille s’est intéressée aux divers aspects de la gouvernance. La formation d’un conseil de famille s’est imposée. « Ça peut faire peur, car ça crée d’autres structures, soutient Hugues Meloche. Moi-même, je trouvais ça long et presque inutile, toutes ces rencontres pour entre autres distinguer les valeurs de la famille et les valeurs de l’entreprise. Aujourd’hui, je réalise combien cela nous a aidés. La famille, c’est la plus grande force, mais aussi la plus grande faiblesse d’une entreprise familiale. »

L’ AIDE

En 2004, la famille Meloche a fait appel – et continue à le faire – à un conseiller en relève familiale. 

« À la base, notre conseiller est un psychologue industriel. Il sait déceler les malaises et sait comment faire pour que les gens s’expriment au lieu de tout refouler. » 

— Hugues Meloche, président et chef de la direction de Groupe Meloche

La firme d’avocats embauchée en marge du transfert devait elle aussi comprendre les nombreuses réalités auxquelles fait face une famille qui fait des affaires. « Même chose pour le comptable. Avant, c’était un ami de mon père. Il a été remplacé par une firme de Montréal, plus neutre à notre égard », précise le jeune entrepreneur.

LA VISION

Avec des revenus de 40 millions, Groupe Meloche est un « assez gros » acteur au Québec, dit Hugues Meloche. « Mais sur la scène internationale, explique-t-il, nous ne sommes pas assez gros. On ne peut pas uniquement miser sur une croissance organique qui a été de 15 à 20 % depuis cinq ans. Nous sommes donc sur le mode acquisition. D’ici cinq ans, on veut atteindre les 100 ou les 150 millions de chiffre d’affaires. » Depuis trois ans, l’entreprise a investi quelque 10 millions pour automatiser davantage ses usines de Salaberry-de-Valleyfield et de Bromont. Aussi, Groupe Meloche souhaite augmenter ses relations avec Airbus.

L’ ANECDOTE

« Lors de mon premier comité de direction à titre de PDG, ç’a été difficile d’installer mon leadership, relate Hugues Meloche. Nous avions quelques divergences d’opinions, mon père et moi. Or, dès qu’il ouvrait la bouche, les gens autour de la table acquiesçaient. Il a fallu que je lui dise de ne plus assister aux comités de direction. Il ne l’a pas mal pris. Même chose dans les activités quotidiennes : mon père se promenait dans l’usine et faisait des suggestions aux employés. C’était dur pour lui de s’abstenir. Là encore, il a vite compris que, pour aider l’entreprise, il devait plutôt inspirer les employés. »

GROUPE MELOCHE EN BREF

Fabrication de pièces usinées pour les structures et les moteurs d’avions commerciaux et d’affaires

INSTALLATIONS : deux usines à Salaberry-de-Valleyfield et une autre à Bromont

SIÈGE SOCIAL : Salaberry-de-Valleyfield

Employés : 140

CHIFFRE D’AFFAIRES : 40 millions

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