Opinion Sylvain Charlebois

PESTICIDES ET HERBICIDES L’éthique de recherche au banc des accusés

Les pesticides et les herbicides font l’objet de propos très critiques.

Pour la deuxième fois en quelques mois, Monsanto, entreprise appartenant à la géante allemande Bayer, a été condamnée par un jury californien à verser plus de 80 millions à un retraité de 70 ans malade d’un cancer attribuable au Roundup, aussi connu sous le nom de glyphosate. Même si le jugement sera porté en appel, cette autre tuile tombe sur la tête des géants de la biotechnologie et du secteur agricole.

Au-delà de ces procès, Bayer fait face à plus de 11 000 procédures similaires uniquement aux États-Unis, un pays où le Roundup profite d’une meilleure réputation qu’en Europe.

Il faut rappeler que c’est un jury composé de citoyens ordinaires qui a décidé du sort de Monsanto et du retraité atteint d’un cancer. Des citoyens ont jugé que, malgré la science, les arguments et les ressources, Monsanto était coupable de vendre un produit dangereux pour la santé, un produit cancérigène.

Affaire Louis Robert

Pendant ce temps au Québec, l’affaire du lanceur d’alerte Louis Robert, qui entre maintenant dans la course pour devenir le prochain président de l’Ordre des agronomes du Québec, fait beaucoup jaser sur le sujet des pesticides.

L’affaire Robert nous rappelle à quel point la confiance que nous vouons à l’égard de la science et de l’éthique liées aux pratiques de recherche peut être fragile.

Il n’y a rien de plus subjectif que la perception du risque. Le rôle du secteur privé dans cette affaire a fait l’objet de critiques venues de toutes parts.

Et pour couronner le tout, nous avons appris récemment que certains agronomes qui conseillent les agriculteurs québécois sur l’utilisation de pesticides recevaient des primes et des incitatifs financiers basés sur les ventes de certains produits. Selon des reportages, ces actes contreviendraient au code de déontologie de la profession.

Malgré le fait que les agronomes jouissent d’une réputation presque sans reproches, surtout au Québec, le doute persiste et encore une fois, partout on décrie cette ingérence des entreprises dans le secteur agroalimentaire.

Occasion ratée

Tellement qu’une commission parlementaire à Québec se penchera maintenant sur la question des pesticides, mais pas sur l’indépendance de la recherche dans le secteur agroalimentaire. Une occasion ratée.

Nos connaissances sur les risques liés à l’utilisation des pesticides et des herbicides sont bien documentées, et ce, depuis des années. Il existe même quelques rapports scientifiques qui démontrent qu’avec de bonnes pratiques d’application, les risques demeurent négligeables. Santé Canada a récemment publié un nouveau rapport sur l’utilisation des pesticides, mais l’agence fédérale suggère aussi qu’un la poursuite des recherches est souhaitable.

Ces produits rendent notre agriculture plus efficace et permettent à nos cultivateurs de mieux vivre en produisant plus.

Pour les citoyens, de meilleures récoltes fournissent une abondance de produits et des prix souvent moins élevés. Il devient donc difficile de comprendre en quoi cette commission éclaircira quoi que ce soit. Est-ce différent au Québec qu’ailleurs ?

Un manque de transparence

Le véritable problème se situe dans le champ des conflits d’intérêts et de l’influence du secteur privé. Pour les citoyens, le volet commercial de l’agriculture crée un certain malaise. Plusieurs craignent l’ingérence, et la mise en lumière d’histoires comme Monsanto ainsi que l’affaire Robert et les agronomes leur donnent raison d’une certaine façon.

En réalité, le rôle du secteur privé et le soutien offert à la science demeurent extrêmement précieux.

Les conflits d’intérêts existent depuis toujours, mais là où le bât blesse, c’est de réaliser que tout se passe en catimini. Le manque de transparence crève les yeux.

De la révision éthique des protocoles de recherche jusqu’aux pratiques des experts du domaine sur le terrain, tout demeure un mystère pour les citoyens, surtout au Québec. Les universités et les centres de recherche reçoivent du financement de groupes très influents, à l’insu de la collectivité. Mais où sont les comités d’éthique à la recherche ?

Plusieurs entreprises ont permis la découverte de nouveaux produits et de nouvelles technologies qui font de l’agroalimentaire un secteur innovant. Condamner leur rôle sans préjudice constitue une grave erreur. Mais sans transparence, les citoyens ont le droit de croire ce qu’ils veulent.

Pour ce qui est de la commission parlementaire, on risque de réaffirmer un peu ce que l’on connaît déjà. Alors, puisque le mandat n’inclut pas l’éthique dans la recherche, l’exercice ne vaut pas grand-chose.

* Sylvain Charlebois est également directeur scientifique de l’Institut des sciences analytiques en agroalimentaire.

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