Stimulation cérébrale

Jeune femme branchée… littéralement

Ce matin-là, la jambe de Mélika Charette-St-Jacques ne répond plus, dépourvue de toute sensation jusqu’au genou. Son corps se transforme peu à peu, et les spasmes se multiplient. Le diagnostic tombe un an plus tard : dystonie paroxystique généralisée. Aujourd’hui âgée de 24 ans, elle a dû subir une batterie de tests et de chirurgies afin de se faire implanter des piles, reliées à son cerveau par des fils et des électrodes. Voici son histoire, ses combats et ses objectifs.

« J’ai mes fils qui passent derrière la tête, dans le cou et qui descendent jusqu’aux piles. »

Mélika n’a que 14 ans le jour où sa vie bascule. Constatant qu’elle ne sent plus sa jambe, ses parents l’emmenent à l’hôpital Sainte-Justine. On la renvoie à la maison, affirmant que le stress est la cause de sa perte de sensation.

Remarquant que la situation ne s’améliore pas, même avec la physiothérapie, la famille se rend plusieurs fois à l’hôpital jusqu’à ce qu’on la dirige vers un neurologue. Après un an d’incertitude, le diagnostic tombe.

La dystonie paroxystique généralisée dont est atteinte la jeune adulte s’apparente à la maladie de Parkinson.

Ce sont deux maladies spastiques ; le corps ne peut s’empêcher de convulser. Sur une période de quatre ans, Mélika a été soulagée par médication jusqu’à ses 18 ans, où elle a pu subir la grande opération, appelée la stimulation cérébrale profonde (SCP).

« C’est 10 heures d’opération pour les électrodes, puis une semaine après, ils installent les fils et les piles pendant 4 heures », se rappelle-t-elle.

Ainsi, sous sa peau, près de chaque clavicule, se cachent deux piles qu’elle recharge quotidiennement. Reliées à son cerveau par des fils et des électrodes, les piles génèrent des chocs qui empêchent son corps d’être secoué de spasmes.

Un quotidien normal, mais…

Grâce à la SCP, Mélika vit pratiquement comme toutes les personnes de son âge, mais avec une routine un peu plus complexe. Tous les matins, elle enfile une orthèse sur sa jambe droite qui n’a pas retrouvé de sensation depuis ses 14 ans.

« Pour savoir comment mon pied est positionné, j’écoute le bruit que fait mon orthèse selon mon articulation. Si ce n’était pas de ça, je marcherais la tête baissée pour regarder les mouvements de ma jambe », explique-t-elle.

Dans sa chambre, on retrouve sur son lit un coussin incliné de positionnement et, dans ses tiroirs et son placard, une vingtaine d’orthèses qui lui ont servi depuis son diagnostic.

Les spasmes causés par la maladie provoquent de fortes douleurs. Pour combattre ces souffrances, Mélika termine toutes ses journées dans le spa où elle reste pendant une quarantaine de minutes. « J’avais une massothérapeute qui venait aux deux à trois semaines à la maison pendant un an. Le spa l’a remplacée. »

C’est surtout lors d’activités qui peuvent sembler ordinaires que les embûches surgissent.

Par exemple, les piles rechargeables de la jeune adulte se désactivent parfois avec les systèmes d’antivol des magasins.

Même histoire à la bibliothèque : « Dans ce temps-là, il n’y a rien à faire, à part préparer mon chargeur et me réactiver le plus rapidement possible. »

Aussi, chaque opération, même la plus simple, doit se faire sous anesthésie générale. « Si je me faisais faire un plombage, il faudrait m’endormir et m’éteindre », explique-t-elle.

Une étudiante presque ordinaire

Ces quelques faits quotidiens ne l’empêchent toutefois pas de vaquer à ses occupations. Mélika est depuis peu bachelière en psychologie de l’Université de Montréal. Elle s’intéresse à ce domaine depuis le cégep. Elle poursuit ses études dans un programme de DESS de la même école dans le but d’intervenir, entre autres, auprès des autistes. « C’est certain qu’il y a un lien avec ma maladie et ce que j’étudie », explique-t-elle.

Elle se lève tous les matins à sa résidence de Terrebonne, prend sa voiture, puis les transports en commun pour se rendre à l’école. En classe, des étudiants sont affectés par l’université à la prise de notes qu’ils rendent à l’étudiante à la fin du cours.

Mais ça n’a pas toujours été aussi simple. À l’école secondaire, la direction et le corps professoral ne prenaient pas sa maladie au sérieux. « Des professeurs pensaient que je faisais semblant, que c’était juste pour avoir plus de temps pour répondre aux questions d’examen », se souvient-elle, encore estomaquée du manque d’empathie de la direction à cette époque.

Lier ou créer des amitiés a aussi été très difficile pour Mélika. « Mes amis ne comprenaient pas ma maladie. Ils ont tous fini par arrêter de me parler », s’attriste-t-elle.

Une forme généralisée plus rare

Bien qu’elle semble inusitée, cette maladie associée au trouble du mouvement est la plus courante après sa maladie cousine, le parkinson. On compte près de 300 000 personnes en Amérique du Nord qui ont reçu ce type de diagnostic. Au Canada, le nombre atteint les 50 000.

C’est la forme généralisée qui est la plus rare : il y a seulement 1,5 % de cas diagnostiqués au Canada.

En entrevue, Ginette St-Hilaire, présidente fondatrice de l’organisme Dystonie-Québec, raconte qu’elle a attendu trois ans avant d’obtenir un diagnostic juste. « Le diagnostic est difficile, ça ressemble à une crampe ou un torticolis, par exemple. Les médecins n’ont pas le réflexe de penser à la dystonie en premier », dénonce-t-elle, ajoutant que le stress est souvent montré du doignt, à tort.

« Je souhaiterais qu’il y ait plus d’information donnée aux médecins sur cette maladie, que ce soit enseigné plus sérieusement », ajoute Mme St-Hilaire. L’organisme qu’elle a mis sur pied avec son mari Steve Tremblay vise à soutenir les gens atteints de dystonie, en plus d’offrir régulièrement des séances d’information. « Ma ligne téléphonique est ouverte 24 heures sur 24 », lance-t-elle.

«  [Les médecins] ne savent pas comment guérir cette maladie, mais ils savent comment la contrôler. Avec les années, j’arrive à prendre conscience de plus en plus de mon corps », conclut Mélika, débordante de projets pour l’avenir. Et bien que cette maladie soit incurable pour l’instant, les spécialistes estiment que la SCP n’interfère pas avec l’espérance de vie. C’est un lot de nouveaux défis, physiques et psychologiques, à affronter pour les gens qui reçoivent le diagnostic.

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