Science

Oui, le contrôle des armes à feu fonctionne

Le contrôle des armes à feu fait diminuer les meurtres par balles ? Pour plusieurs, c’est une évidence. Mais aux États-Unis, les recherches qui tentent d’établir ce lien soulèvent une telle controverse qu’elles font carrément l’objet de censure. Deux études publiées cette semaine jettent un trop rare éclairage sur la question. Explications.

Contrôle efficace

Oui, le contrôle des armes à feu donne des résultats. C’est la conclusion générale d’une recherche publiée lundi dans la revue JAMA Internal Medicine. « Même en considérant les facteurs démographiques et sociologiques, des lois sur les armes à feu plus fortes sont associées à une baisse des homicides par balles », tranche Lois Lee, auteure principale de l’étude et professeure adjointe à la Harvard Medical School, en entrevue à La Presse. Pour établir ce constat, les auteurs ont fouillé dans la littérature et épluché toutes les études sérieuses publiées sur le sujet aux États-Unis depuis 1970. Une telle conclusion peut sembler aller de soi, mais elle fait l’objet d’un intense débat au sud de la frontière.

Vérifications et permis

Ce ne sont pas toutes les lois sur les armes à feu, cependant, qui semblent avoir le même impact. Les chercheurs ont montré que vérifier les antécédents des acheteurs et exiger un permis pour acheter une arme sont des mesures qui font clairement chuter le taux d’homicides par balles. Ils n’ont pas pu établir, cependant, que les lois destinées à combattre le trafic d’armes, à interdire les fusils d’assaut, à restreindre les armes dans les lieux publics ou à s’assurer que les enfants n’aient pas accès aux armes à feu sont efficaces. La Dre Lee explique que les données sur les armes à feu demeurent toutefois très limitées aux États-Unis. « De 1970 à 2016, nous avons trouvé seulement 33 études pertinentes à notre recherche, dit-elle. Considérant l’ampleur du problème, c’est étonnamment peu. Si vous regardez les accidents de voiture, par exemple, il existe une incroyable quantité de données. Elles ont permis de définir des interventions qui ont conduit à un déclin significatif des blessures et des morts. »

Censure

S’il existe si peu de données sur les impacts des armes à feu aux États-Unis, c’est que le financement d’études sur le sujet est extrêmement difficile. En 1996, à la suite des pressions de la National Rifle Association, le Congrès américain a interdit aux grandes agences fédérales sur la santé de financer la recherche sur les armes à feu. Prétexte invoqué : une arme n’est pas une maladie et n’est donc pas un enjeu de santé publique. « Une automobile n’est pas une maladie, pas plus qu’une piscine ou un escalier. Pourtant, ce sont des choses qui peuvent causer des accidents et sur lesquelles on se penche d’un point de vue de santé publique », a déjà répliqué à La Presse David Hemenway, professeur au département de santé publique à l’Université Harvard. Au lendemain de la tuerie dans une école primaire de Newtown, au Connecticut, en 2012, le président Barack Obama avait demandé aux chercheurs de recommencer à étudier ces questions. Mais les budgets n’ont pas suivi, et nombre de chercheurs craignent encore de s’aventurer dans ce champ d’études miné politiquement.

Une défense dangereuse

Dans un autre article aussi publié lundi dans JAMA Internal Medicine, des chercheurs d’Oxford, au Royaume-Uni, ont également montré que l’instauration d’une loi surnommée « défendez votre territoire » (Stand Your Ground) a eu des effets désastreux en Floride. Traditionnellement, la loi américaine stipule qu’un individu qui fait face à une menace doit d’abord chercher à battre en retraite avant de faire usage de la force. Mais 23 États ont annulé cette loi, permettant ainsi aux individus d’utiliser leur arme sans devoir d’abord chercher à fuir. Les chercheurs ont montré qu’en Floride, l’introduction de cette loi, en 2005, a fait bondir le taux d’homicides par balles de pas moins de 32 %. Les chercheurs ont pris soin d’exclure les autres facteurs pouvant expliquer cette hausse et de comparer les chiffres avec les statistiques d’autres États où cette loi n’existe pas.

En bref

3,6

Taux d’homicides commis avec une arme à feu pour 100 000 habitants aux États-Unis

0,44

Taux d’homicides commis avec une arme à feu pour 100 000 habitants au Canada

Depuis 1968, plus de civils américains ont été assassinés avec des armes à feu que de soldats américains ont été tués, tous moyens confondus.

Sources : JAMA Internal Medicine et Statistique Canada

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