Famille séparée par un renvoi

Sursis rejeté, famille expulsée et séparée

La Cour fédérale a refusé hier de surseoir au renvoi de Kiakanda Dimbu et de deux de ses quatre enfants, Elsa et Joe, dont l’expulsion est prévue pour ce soir, à 19 h. Ayant épuisé tous leurs recours, ils devront s’envoler pour l’Angola, laissant derrière eux le père, deux autres enfants et une grand-mère grièvement malade. Ceux-ci ont fait une demande d’asile au Canada et attendent que leur cause soit entendue par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans sa décision, le juge Richard Bell a statué qu’en cas d’expulsion, la séparation d’une famille « ne constitue pas, en soi, un préjudice irréparable ». — Agnès Gruda, La Presse

Chronique

Donald, le king Kodak

Jeudi dernier, à Bruxelles. Les leaders des pays membres de l’OTAN se rassemblent pour la photo officielle. Tout en marchant, Dusko Markovic, premier ministre du Monténégro, converse avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Soudain, une main se pose sur le bras de Markovic et le tasse.

Ben voyons ! Qui ça peut bien être ? On n’est pas au Cocothon de Laval. Ni à une assemblée de Hells Angels. Markovic tourne la tête vers l’arrière, s’apprêtant à dire : « Qu’essé tu veux toé ? » Oups ! C’est le président des États-Unis. Markovic se retient. Il sourit. Il pense : « Le président des États-Unis m’a touché, il va sûrement me parler. »

Même pas. Donald Trump ne le regarde pas. Il ne s’excuse pas. Il l’a tassé comme un malotru tasse un quidam pour avoir une place assise dans le métro. Sans aucun égard. Le plus choquant dans le geste de Trump, ce n’est pas sa poussée, c’est son attitude après. Il semble fier de son coup. Tasse-toi, le Monténégro ! Je vais être en avant sur la photo ! Aucune complicité avec la personne qu’il vient de bousculer. Pas de rire. Pas de clin d’œil. Pas de petite attention pour transformer un geste brusque en marque d’affection virile. Au contraire. Regard hautain du big qui tasse la poussière de son chemin.

Le secrétaire général de l’OTAN semble abasourdi par ce qu’il vient de voir. Il regarde les autres leaders, tous aussi étonnés. Ils se font des yeux entre eux : « On est pris avec ça. » Ben oui, on est pris avec ça. Trump se met à parler avec Dalia Grybauskaité, la présidente de la Lituanie. Comme si de rien n’était.

Cette action de 10 secondes va faire le tour du monde. Elle devient virale instantanément. Le premier ministre du Monténégro est maintenant une star. Nouvelle victime de l’ego du Donald. Il n’est pas offusqué de s’être fait tasser. Bon joueur, sa seule déclaration est la suivante : « C’est normal que le président des États-Unis soit en avant sur la photo. »

Ben oui. Et c’est ça le problème. Trump n’avait besoin de bousculer personne pour avoir la place de choix sur le portrait. Il n’avait qu’à attendre un peu. Et tout le monde se serait écarté élégamment pour le laisser rejoindre le devant du groupe. C’est ça que Trump n’a pas assimilé encore. Tu es le président des États-Unis, mec. Tu n’as plus besoin de flasher. Tu n’as plus besoin d’attirer l’attention. Tu n’as plus besoin d’être entouré de mannequins et de lutteurs pour être dans les journaux. On te regarde tout le temps. Plus besoin de tasser les autres par peur de rester dans l’ombre. Tu n’es jamais dans l’ombre. Le spotlight est toujours sur toi. La preuve, cette vidéo. On te regarde même quand tu bouscules les autres pour passer en avant.

Tu n’as plus besoin d’être un « kid Kodak ». Tous les kodaks sont sur toi. Même Narcisse serait tanné de se voir la face aussi souvent. On ne voit que toi. Pas besoin d’agresser le Monténégro. Tu es le king Kodak !

Et nous, que faire devant ce monstre imbu ? Il faut se tenir debout. Dans la vidéo de 10 secondes, il y a deux éléments malheureux : le manque de savoir-vivre de Trump et le silence des autres. Les chefs d’État témoins de la scène ont tous été dérangés par le sans-gêne de Trump, mais personne n’a osé le lui dire. Si Trump a du toupet, il faudrait que les autres chefs en aient aussi. Voyons, président Trump, pas besoin de pousser personne !

Tout le monde a peur des États-Unis, mais ce n’est pas une raison pour accepter les comportements de Trump. Même les États-Unis s’en offusquent.

J’ose espérer que si Donald avait tassé Justin de la sorte, le premier ministre ne se serait pas laissé faire. Sans lui démontrer toutes ses qualités de boxeur, il aurait fallu qu’il lui donne au moins une bine. Lui passer le message qu’il ne peut faire tout ce qu’il veut.

Les leaders de la planète devraient imiter le pape. Lors de la visite de la famille Trump au Vatican, François ne leur a pas baisé les pieds. Il semblait profondément ennuyé. Et Trump n’a pas reçu le bon Dieu sans confession. Il a reçu les discours écologiques et pro-immigration de Sa Sainteté.

Si on n’a pas élu de Trump à la tête de nos pays, c’est parce que nous n’en voulions pas. Que nos représentants ne lui laissent donc pas faire tout ce qu’il veut. Qu’ils ne soient pas ses soumis. Ayez des couilles ! Quand Trump vous tasse, dites : Wô mon oncle ! Prends ton gaz égal !

C’est déjà inquiétant que les États-Unis aient élu un être rustre comme Trump à la tête de leur empire, si les autres leaders se couchent devant lui, le pire risque de se produire.

Il est temps de le remettre poliment à sa place.

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