Chronique

Le CH toujours en contrôle

KANATA — Combler un déficit de trois matchs à zéro durant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley est une tâche herculéenne. Les chances que les Sénateurs réussissent l’exploit sont faibles. Mais l’équipe surprise de la dernière saison n’a pas dit son dernier mot. Et sa belle victoire d’hier soir, devant ses partisans, le démontre bien.

Le Canadien a été solide. Mais les Sénateurs méritaient ce gain. Malgré le gouffre profond dans lequel ils se trouvaient au début de la rencontre, ils ont joué avec acharnement, encouragés par une foule enthousiaste. Et devant son filet, le vétéran Craig Anderson a été intraitable.

Bien sûr, une victoire en quatre rencontres consécutives aurait été extraordinaire pour le Canadien. Cela lui aurait notamment valu un repos bienvenu en vue de la suite des séries. Mais en remportant un duel sur deux à Ottawa, l’équipe a rempli son contrat.

« On est toujours déçus de perdre un match, a commenté Michel Therrien. Mais notre objectif était d’en gagner un à Ottawa. C’est sûr qu’après avoir remporté le premier, tu te mets en position de gagner le deuxième. Mais il faut regarder le tableau d’ensemble. Ce n’est pas facile de jouer ici. On retourne maintenant à la maison, où on profitera de l’énergie de la foule. »

Max Pacioretty a abondé dans le même sens : « Nous avons gagné un match d’un but, ils ont gagné l’autre. C’est frustrant de parler d’une défaite toute fraîche, mais on doit maintenant se regrouper et trouver un moyen de remporter le prochain. »

Le Canadien aura la chance d’éliminer les Sénateurs demain, au Centre Bell. Toute la pression sera sur les Montréalais, qui voudront à tout prix éviter de revenir dans la capitale fédérale dimanche. En séries, la dynamique change vite. Un deuxième triomphe consécutif des Sens pourrait avoir cet effet.

D’ailleurs, dans le vestiaire du Canadien, on sentait la déception de ne pas avoir expédié les Sénateurs en vacances dès hier. Lorsque l’adversaire a un genou au plancher, il faut en profiter. Mais comme Pacioretty l’a noté, le Canadien n’a pas suffisamment montré « l’instinct du tueur ».

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Avec une avance de trois matchs à un et la prochaine rencontre à domicile, le Canadien demeure en plein contrôle de cette série.

En revanche, l’attaque suscite des inquiétudes. Sur ce plan, le séjour du Canadien à Ottawa n’a pas été fructueux. À peine deux buts, dont un en prolongation.

Si Therrien a longtemps souhaité le réveil de ses joueurs de soutien en attaque, il doit maintenant espérer que ses canons retrouvent le fond du filet. Il faudra la contribution offensive des Pacioretty, Galchenyuk, Plekanec, Desharnais et Gallagher pour vaincre les Sénateurs. Les difficultés de l’avantage numérique, blanchi par trois fois, devront aussi être résolues.

Bref, si le Canadien peut être fier de sa performance depuis le début de cette série, il devra néanmoins trouver une manière de créer plus d’occasions de marquer. Craig Anderson est un bon gardien, mais il n’est pas dans la catégorie des Carey Price ou Pekka Rinne. Il faudra le mettre davantage à l’épreuve.

Cela dit, le délai additionnel d’une journée entre les troisième et quatrième affrontements a joué en faveur des Sénateurs. Démoralisés après leur revers en prolongation de dimanche, ils ont eu le temps de panser leurs plaies. « Ça nous a fourni l’occasion de prendre du recul », a reconnu l’entraîneur Dave Cameron.

Les Sénateurs ont évité l’élimination hier. Ils auront maintenant la chance de flanquer la frousse au Canadien demain.

Québec et le sang bleu

Les dirigeants de Québecor ont découvert que du sang bleu coulait toujours dans les veines de milliers d’amateurs de hockey de Québec. Et après avoir commis un impair diplomatique, ils ont eu le mérite de vite le corriger.

L’affaire a commencé mardi, lors de l’annonce de la programmation d’ouverture du Centre Vidéotron. Hélas pour les gestionnaires du nouvel amphithéâtre, ce ne sont pas les spectacles de Madonna, Metallica et RBO qui ont retenu le plus d’attention. Mais plutôt une rencontre d’avant-saison du Canadien, le 28 septembre.

À première vue, la visite de l’équipe devrait être une bonne nouvelle. Depuis des années, le CH débarque au Colisée durant le calendrier préparatoire et reçoit un accueil chaleureux.

Mais cette fois, les circonstances sont différentes. Il s’agira de la présence initiale de la LNH au Centre Vidéotron. Sa construction a nécessité une somme colossale d’argent public, près de 400 millions. But avoué de l’opération : ramener les Nordiques à Québec.

Or, si les partisans des Bleus sont résignés à ne pas revoir leurs favoris dès l’automne prochain, ils ont mal accepté que le Canadien, l’ennemi historique, ait l’honneur de fouler le premier la nouvelle patinoire. Le symbole, très puissant, les a fait frémir.

Le Canadien, après tout, est l’organisation qui s’est battue jusqu’à la dernière minute pour empêcher les Nordiques d’accéder à la LNH en 1979. Comme elle avait tenté d’empêcher les As d’entrer dans la Ligue américaine, 20 ans plus tôt.

Durant 15 ans, la rivalité entre le Canadien et les Nordiques a constitué le point d’ancrage du sport au Québec. Du match du Vendredi saint au but refusé à Alain Côté, le CH est synonyme de souvenirs douloureux pour les fans passionnés des Bleus.

Dans ces circonstances, placer les gilets rouges au cœur du premier événement « LNH » au Centre Vidéotron, cet amphithéâtre dont ils sont déjà si fiers, a provoqué un ressac compréhensible, mais dont la vigueur a étonné les dirigeants de Québecor.

Pierre Dion, le grand patron de l’entreprise, l’a reconnu, hier matin, en entrevue au FM 93, une station de radio de la capitale nationale : il ne s’attendait pas à une telle controverse. « Je vais être honnête avec vous, pas à ce point-là... »

Évidemment, on peut comprendre Québecor de vouloir présenter cet affrontement entre le Canadien et les Penguins de Pittsburgh. Comme Pierre Dion l’a signalé, ce sera une occasion formidable de présenter le nouvel édifice à la LNH. Si les joueurs et le personnel d’encadrement sont impressionnés par les installations, le mot se passera vite aux quatre coins du circuit.

Cela dit, afin de contrer la mauvaise publicité causée par l’affaire, la direction de Québecor a annoncé hier qu’une « activité de commémoration » des Nordiques aura lieu 16 jours avant la visite du Canadien, à l’occasion d’un match des Remparts.

Les oriflammes accrochées au plafond du Colisée, et qui célèbrent l’extraordinaire histoire du hockey à Québec, seront transférées au centre Vidéotron avec tous les honneurs. Et d’anciens joueurs des Nordiques accompagneront ceux des Remparts pour donner les premiers coups de patin. Il s’agit d’une excellente initiative.

Jusqu’au départ des Nordiques en 1995, le hockey dans la capitale nationale a été dirigé par des gens de Québec, sauf pour la brève période où les Flyers de Philadelphie ont détenu les As. Les nouveaux promoteurs, originaires de Montréal ou établis dans la ville depuis des années, devront s’adapter à la réalité du milieu.

Chiarelli et les Oilers

Bob Nicholson a souvent montré du cran à la présidence de Hockey Canada. C’est notamment sous sa gouverne que la politique de tolérance zéro face aux coups à la tête a été instaurée.

Fera-t-il preuve du même leadership aux commandes des Oilers d’Edmonton ? Chose certaine, il en aura l’occasion, puisque l’organisation lui a conféré cette semaine les pleins pouvoirs aux plans hockey et affaires.

Selon Sportsnet, Nicholson a rencontré Peter Chiarelli, l’ancien DG des Bruins, hier. En voilà un qui serait capable de remettre de l’ordre au sein de cette équipe qui n’a pas su profiter de ses énormes atouts.

Chiarellli a connu beaucoup de succès à Boston. Mais on a compris qu’il était sur la corde raide en janvier dernier, lorsque Charlie Jacobs a assumé la succession de son père au poste de chef de la direction. Sa première déclaration a été incisive : « Compte tenu du temps et de l’argent investi dans cette équipe, son rendement est inacceptable. »

Le propriétaire était à bout de patience. Et à moins d’un formidable rebond, un coup de balai s’annonçait. Les Bruins ne se sont pas relevés et ont raté les séries éliminatoires. Chiarelli a payé les pots cassés.

Avec le recul, il est clair que Chiarelli a perdu une partie de son capital de sympathie auprès de la famille Jacobs au printemps dernier. L’élimination en sept matchs aux dépens du Canadien a été durement ressentie à Boston. Les Bruins avaient d’immenses ambitions, ayant terminé au premier rang du classement général.

Le matin du premier match de la série, on a senti combien les Bruins étaient sur les dents. L’entraîneur Claude Julien, habituellement d’un commerce agréable, a répondu aux questions des journalistes en une poignée de mots. Pendant ce temps, Michel Therrien répétait avec le sourire combien le Canadien était heureux d’écrire un nouveau chapitre de cette rivalité. Le contraste était saisissant.

La série terminée, des partisans des Bruins ont conclu que Chiarelli avait été dépassé par les événements. La rapidité était désormais la marque de commerce de la LNH et les Bruins en manquaient cruellement.

Coincé par le plafond salarial, Chiarelli a été incapable de dégager la marge de manœuvre nécessaire pour revigorer les Bruins. Ce piège guette toutes les équipes qui remportent la Coupe Stanley, puisque des joueurs méritent des augmentations importantes. Mais Stan Bowman, des Blackhawks de Chicago, et Dean Lombardi, des Kings de Los Angeles, ont mieux géré la situation, menant leur équipe respective à une deuxième Coupe Stanley.

Chiarelli demeure un excellent homme de hockey. Les Oilers feraient un bon choix en l’embauchant. Ses solides états de service rassureraient sûrement le clan Connor McDavid.

Et si Claude Julien est remercié à son tour par les Bruins, imaginez ce que Chiarelli et lui pourraient réaliser à Edmonton. La carrière de McDavid dans la LNH commencerait sûrement sur des bases plus solides.

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