Manque de finition

Le Tricolore n’a pas profité de ses chances. Les Devils, juste assez.

Analyse

Excellent ou légendaire ?

Hier, Carey Price jouait un 556e match avec le Canadien. C’est un exploit exceptionnel, il rejoignait ainsi Jacques Plante au sommet de la pyramide dans l’uniforme bleu-blanc-rouge.

Il a gagné 286 de ces matchs, mais pas celui d’hier, une défaite de 2-1 face aux Devils du New Jersey. Une défaite frustrante sur une échappée de Taylor Hall qui sortait du banc des pénalités.

Price s’est bien tiré d’affaire avec 30 arrêts. Il a fait lever la foule d’un trait quand il a stoppé Nico Hischier, dans une autre échappée en troisième période. Il a permis au Canadien de garder l’espoir en étendant la jambière contre Sami Vatanen dans les dernières minutes.

« Je suis fier. Quand tu es repêché, tu ne sais pas comment ta carrière va évoluer. Je suis déçu de la défaite, mais je suis fier d’avoir porté le CH si longtemps. »

— Carey Price

On sent depuis un moment une certaine cassure entre le Canadien et ses partisans. C’est le prix à payer pour une saison de misère. Price doit prendre sa part du blâme, sa saison suscite la déception. Il nous a aussi habitués à des points de presse ternes cette saison.

Mais sur la glace, parfois, la communion est intacte. C’était le cas hier. On a revécu à petite échelle les saisons magiques. Quand un hommage a joué à l’écran géant, la foule a longuement ovationné le gardien. Price, généralement réservé lors des célébrations, a salué son public. Parce qu’au-delà de la saison actuelle, Price occupera toujours une place de choix dans l’histoire du Canadien.

« De voir la réaction des partisans, c’est flatteur pour un gardien, a reconnu l’entraîneur-chef Claude Julien. Il ne connaît pas sa meilleure saison, mais les gens sont assez intelligents pour réaliser ce qu’il a apporté à l’organisation. Ça va au-delà de ce qui se passe cette saison. »

Justement, quelle est la place de Price dans l’histoire de l’équipe ? Impossible de le comparer à Plante, tellement les époques sont sans commune mesure. Plante a gagné six Coupes Stanley et six trophées Vézina avec le Canadien. L’équipe devant lui était légendaire.

Price a quand même gagné un trophée Vézina et un trophée Hart. Personne ne pourra lui enlever sa saison de 44 victoires, sa moyenne de 1,96 et son efficacité de ,933. Il est à trois victoires de Patrick Roy, certainement l’un des plus grands de tous les temps. Il a gagné l’or olympique. Son palmarès est rarissime.

La Coupe

Mais il manque à Price sa bague de la Coupe Stanley. Elle n’arrivera pas par magie. Price doit se ressaisir et son patron Marc Bergevin doit lui offrir une bien meilleure équipe. Les blessures n’expliquent pas tout. Quand Price s’est blessé une première fois, le Canadien n’était pas dans le coup. Il ne l’était pas plus quand il s’est blessé de nouveau plus tard en saison. Quand Shea Weber a cessé de jouer, le Canadien n’était pas non plus en séries.

En fait, le Canadien n’a jamais été dans le coup cette saison, du calendrier préparatoire atroce au match d’hier.

Ç’a été peut-être le plus grand défaut de Carey Price : il a caché longtemps par ses exploits la faiblesse du Canadien. À coups de soirées exceptionnelles, il a fait oublier que les problèmes de l’organisation ne se réglaient pas vraiment.

Quand on se demandera à quoi auront servi la saison 2015-2016 et la présente saison, elles auront servi à ceci : montrer que le Canadien ne peut gagner sans Price au sommet de son art.

Price a décidé de ne pas représenter le Canada au Championnat du monde et de se reposer. C’est son droit. Il sait ce qui s’en vient. La saison prochaine, Marc Bergevin accordera 13 % de sa masse salariale à Price. C’est énorme. Il misera peut-être sa carrière sur ce contrat, le plus imposant jamais accordé à un gardien. D’autant plus qu’il doit l’entourer, ce gardien.

Price, en revanche, jouera au cours des prochaines années sa place dans l’histoire du Canadien et de la LNH. Il y a eu plusieurs excellents gardiens, très peu d’immortels. Il rêve sans doute à la deuxième catégorie.

Prochain match : Jets de Winnipeg c. Canadien, demain soir (19 h 30) au Centre Bell

« On a trouvé le moyen de perdre »

« C’était une bonne performance de l’équipe au complet. Carey Price a été très bon, mais j’ai trouvé qu’on a bien compétitionné. On a fait les bonnes choses. On a joué un match assez dur, physique, on était plus intenses dans les batailles. [...] C’est dommage, parce qu’on a joué un bon match. Encore là, on a trouvé le moyen de perdre. »

— Claude Julien

« On a vu la différence. On demande aux joueurs de s’engager dans le système. Ce soir, c’est un bon exemple. Ça ne prend pas du talent, ça prend de la volonté pour faire de bonnes choses. Les joueurs ont démontré ça ce soir. »

— Claude Julien, au sujet du désavantage numérique du Canadien, parfait en cinq occasions

« Travis a joué à 4 contre 5, puis il a écoulé les 50 secondes du 3 contre 5. Ça prend beaucoup de volonté. C’est dur de faire ça, c’est dur sur le corps, c’est dur mentalement. C’est pourquoi Travis est un meneur pour nous. »

— Brian Boyle, au sujet du jeu de Travis Zajac pour préparer le but gagnant

« La première fois que tu joues contre eux, tu peux être nerveux. Mais se retrouver dans des affrontements contre eux, contre Taylor Hall ce soir, c’est surréel, mais c’est un bon sentiment pour un jeune joueur. »

— Noah Juulsen

« Notre première période n’était pas très bonne, mais on a trouvé nos jambes en deuxième période. C’était serré, il y avait peu d’espace des deux côtés. Beaucoup de batailles dans les coins. On a pu trouver de l’espace en troisième et ça nous a permis de trouver nos marques. »

— Taylor Hall

Propos recueillis par Jean-François Tremblay et Guillaume Lefrançois, La Presse

La première de Rychel

Avec les neuf pénalités mineures décernées hier, il s’est joué l’équivalent d’une période complète sur les unités spéciales. Ça limitait donc les occasions pour voir à l’œuvre le nouveau venu du Canadien, Kerby Rychel. De ses 9 min 24 s de jeu, on retiendra donc surtout ses cinq mises en échec. Avec ses 6 pi 1 po et 207 lb, il a les outils pour pratiquer ce style et déranger de cette façon. Rychel a gardé ses meilleurs coups d’épaule pour les défenseurs Sami Vatanen et John Moore. Sa mise en échec sur Vatanen, en deuxième période, l’a d’ailleurs servi plus tard dans le match, puisque le Finlandais a semblé nettement plus craintif dans une course pour la rondelle avec Rychel. Offensivement, c’était plus tranquille, mais son meilleur jeu de la soirée a provoqué une pénalité aux Devils, pendant laquelle le CH a inscrit son unique du but match. Premier test réussi, mais à 23 ans, on doute de son potentiel de croissance.

Une arme à double tranchant

C’est 1-1 avec 6 minutes à jouer, le Canadien presse le pas et voilà que les Devils sont chassés pour avoir eu trop de joueurs sur la patinoire. Le prodigieux Taylor Hall est désigné pour purger la pénalité. « Il y a un risque à faire ça, car si l’autre équipe est punie et qu’on est à 4 contre 4, je ne peux pas jouer », explique Hall. Puis, Ben Lovejoy est à son tour chassé, et les Devils se retrouvent à 3 contre 5. Mais l’entraîneur-chef John Hynes a eu l’air d’un génie, car au moment où Hall sortait du banc des pénalités, Travis Zajac a courageusement bloqué un tir de Jeff Petry et a envoyé la rondelle à Hall, fin seul en zone neutre. Il a marqué son 37e but de l’année. « Au banc, on criait tous que Taylor s’en venait. Taylor a bien lu la séquence et il a réussi un jeu habile. » On peut au passage s’interroger sur le choix de jeu de Petry, puisqu’avec les Devils qui criaient au banc et Carey Price qui tapait du bâton, il savait très bien qu’il y avait un risque. Mais bon, on sait aussi que ce genre de lecture est plus facile à faire du haut de la passerelle…

Les joies de la loterie

« Ça change pas l’monde, sauf que », disait la publicité de Loto-Québec. Mais la loterie du premier choix, elle, change le monde ! Les Devils en bénéficient pleinement. En passant du 4e au 1er rang au repêchage 2017, ils ont pu mettre la main sur Nico Hischier, qui occupe déjà le poste de centre du deuxième trio. Hier, Hischier a inscrit le premier but des Devils, récoltant au passage son 50e point de la saison. En fait, il aurait très bien pu réussir un tour du chapeau en huit minutes en troisième période, puisqu’il a aussi vu un de ses tirs aboutir sur le poteau, en plus d’obtenir une échappée. Le Canadien occupe actuellement le 28e rang au classement général, ce qui lui vaudra le 4e rang si la loterie ne change pas l’ordre des équipes. Or, l’ultra-prometteur Rasmus Dahlin – futur premier choix – aiderait grandement l’équipe à combler le vide du côté gauche de la défense. À l’inverse, au 4e rang, les solutions immédiates ne sont pas aussi évidentes. La loterie pourrait agir comme accélérateur dans le renouvellement du Tricolore.

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