Congrès de l’ACFAS

Quand le mentorat
s’adapte aux jeunes

La transmission du savoir et de l’expérience par un mentor n’a plus la cote auprès des jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Bonne nouvelle : les employeurs s’adaptent. Des chercheurs réunis aujourd’hui au congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) à l’Université McGill, discutent des nouvelles approches de mentorat et des limites du numérique. Voici six pistes pour comprendre. 

Une partie de la connaissance

Certains milléniaux disent d’emblée qu’ils ne savent pas ce que pourra leur apporter un mentor, ce sénior qui a développé un savoir-faire et un savoir-être et qui est disposé à le transmettre à un novice. « Il faut présenter le mentorat d’une façon qui leur parle et qui soit adaptée à leurs besoins », explique Kerstin Kuyken, coorganisatrice du colloque. Cette professeure au département de management et technologie de l’UQAM a rencontré des mentors et des mentorés dans le cadre de ses recherches dans le milieu de la haute technologie. « Les jeunes ingénieurs en aéronautique dans des organisations comme Bombardier rencontrent un problème d’obsolescence des connaissances techniques. Mais ce n’est pas le mentorat qui leur permet d’avoir ces connaissances techniques. Ce qui est pertinent dans le mentorat, c’est la partie tacite de la connaissance. L’ingénieur d’expérience qui entend un moteur qui ne sonne pas correctement qui saurait quoi faire dans cette situation inhabituelle. »

L’expérience

La sagesse du mentor est encore nécessaire, renchérit Nathalie Lafranchise, coorganisatrice du colloque et responsable d’un programme de 2e cycle en mentorat à l’UQAM. « En médecine, il y a un programme de mentorat à la Fédération des médecins omnipraticiens. Les médecins doivent, de par leur code de déontologie, se tenir à jour. Les jeunes médecins n’ont pas des connaissances différentes des vieux, mais c’est l’expérience qu’ils n’ont pas. Ils ont encore besoin d’avoir accès à cette expérience pour faire face à des situations qui sont inédites pour eux. »

Après le multitâches, le « multisources »

« Les jeunes vont changer plusieurs fois de milieu de travail, explique Kerstin Kuyken. Dans les recherches, les jeunes mentionnent qu’ils ont besoin d’avoir plusieurs personnes qu’ils peuvent aller chercher en fonction du domaine qui les intéresse ou d’un aspect de la personnalité qui les intéresse. Il y a une tendance à vouloir de l’information rapidement et de multiples sources. On pourrait penser que ce contexte-là influence notre manière d’être en relation avec les autres. Une seule personne ne peut pas correspondre à tous les aspects qu’on veut développer. »

instantanéité

Les milléniaux sont impatients. Une rencontre toutes les deux semaines planifiée trois mois à l’avance ne convient plus. Les jeunes veulent communiquer de façon instantanée et avoir des réponses rapides. « Dans la vie des gens, la temporalité n’est pas la même », soutient Catherine Légaré, présidente fondatrice d’Academos, qui fera part de ses observations sur le terrain, au congrès. « Au début chez Academos, on demandait à nos mentors de répondre à l’intérieur d’une semaine, et les gens étaient très satisfaits avec ça. Maintenant, quand un mentor prend trois jours, les jeunes nous envoient des messages pour nous dire qu’il ne répond pas. Le mentorat doit s’adapter, rester pertinent auprès des jeunes. Durant le colloque, on va discuter des enjeux liés à la technologie. Il ne faut pas que ça devienne un McDo du mentorat et édulcorer ce qui est vécu dans une relation de mentorat. »

Il y a une « app » pour ça

Le service de mentorat virtuel Academos a fait 17 000 jumelages, cette année, avec les 2000 mentors d’entreprises ou d’organismes comme Alcoa, Ubisoft, Provigo, le ministère des Transports du Québec et Agropur. Sa première application mobile (la seule au Canada), lancée récemment, a du succès. « La technologie présente des avantages indéniables. Les jeunes cherchent eux-mêmes leur mentor. On n’a pas à faire de jumelage. Pour les mentors, c’est très facilitant d’avoir les notifications. Avant, ils recevaient ça par courriel et ça se mélangeait avec leurs courriels de travail. L’application aide à la fluidité des communications. »

Quand les diplômes comptent

« Il y a 30-40 ans, on apprenait plus sur le tas dans certains métiers, explique Nathalie Lafranchise. Là, les diplômes ont pris plus d’importance, et les novices ont déjà fait des stages. On ne peut plus voir le rapport mentor-mentoré comme un rapport asymétrique, comme une relation ascendante. On est dans un rapport plus réciproque, et les mentorés aiment contribuer même si la grande différence reste encore l’expérience. »

Témoignage d’un mentor

« Je veux donner aux autres ce que je n’ai pas eu. Dans mon cheminement, je n’ai pas eu droit à un gestionnaire qui pensait au développement de ma carrière. Ça me tient à cœur. Avant de participer à Academos, j’avais déjà fait du mentorat chez Telus, mon ancien employeur, et à l’Association des diplômés de l’Université Concordia. Tu offres tes conseils, tu offres le meilleur de toi-même et tu espères que la personne va en tirer profit. Je parraine actuellement trois diplômés universitaires. L’un d’eux m’a dit : “J’ai un bac, mais je ne sais pas par où commencer.” On a dressé un plan. J’ai aussi retiré des bénéfices du mentorat. Quand j’ai eu l’occasion de diriger une équipe, je me suis pratiqué avec les jeunes mentorés. Ça m’a beaucoup aidé. »

— Kenneth Trueman, consultant en gestion de haute technologie et mentor chez Academos

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