Science de la nature

La pièce de 1 cent 

Disparue en 2013, elle était ornée d’une « brindille d’érable » qui n’était pas conforme à la réalité, parce que les deux feuilles ne se rejoignaient pas sur la branche. Elles sont alternées.

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Le billet de 20 $ 

Il est orné d’une feuille fantaisiste, mais qui se rapproche de l’érable de… Norvège. « C’est comme si le graphiste était sorti sur le trottoir devant chez lui pour choisir son modèle », se moque M. Messier.

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Le drapeau du Canada 

Comme plusieurs symboles héraldiques, la feuille d’érable de l’unifolié a un lien très ténu avec la réalité biologique. Son design à 11 pointes a été choisi après des tests en soufflerie. L’érable à sucre a plus souvent 13 pointes.

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L’ÉRABLE, CE SYMBOLE MALMENÉ

L’érable a remplacé au cours du XIXe siècle le castor comme principal emblème du Canada. Mais le pays ne traite pas son arbre avec suffisamment d’égards, affirme Christian Messier.

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Un prof à la cabane

SAINT-ÉMILE-DE-SUFFOLK, Québec — Dans le calme de cette journée printanière ensoleillée, on n’entend qu’un petit clapotis tout autour. C’est le son des gouttes d’eau d’érable qui tombent dans les chaudières accrochées aux arbres. « C’est le plus beau son au monde ! », dit Christian Messier, nouveau propriétaire des lieux.

Nous sommes dans l’érablière d’un des scientifiques les plus réputés du Québec. Professeur à l’UQAM, il est titulaire de la Chaire sur le contrôle de la croissance des arbres, financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ainsi qu’Hydro-Québec.

Ingénieur forestier de formation, Christian Messier est aussi depuis peu directeur de l’Institut des sciences de la forêt tempérée. Installé à Ripon et affilié à l’Université du Québec en Outaouais, cet institut doit devenir le « Oxford » de la forêt tempérée, précise avec une pointe d’humour M. Messier.

Écartelé entre Montréal et l’Outaouais, M. Messier s’est installé à mi-chemin, au nord de Montebello, sur un terrain laissé en friche où une forêt encore jeune est ponctuée d’érables vénérables que le cultivateur avait épargnés.

Dans sa cabane à sucre tout juste construite, Christian Messier bourre le poêle de son évaporateur flambant neuf. « Je m’assois ici et je travaille sur mon portable, dit-il, en désignant un vieux fauteuil IKEA. Et j’ajoute du bois. »

Ici, le professeur Messier pourra s’adonner à son hobby – il a fait les sucres pendant 25 ans avec son père dans la région de Joliette – et aussi multiplier les expériences terrain.

LES MYSTÈRES DE L’EAU D’ÉRABLE

L’érable existe depuis 100 millions d’années, mais on est loin d’en avoir percé les mystères. Par exemple, on ne comprend pas exactement comment l’eau d’érable monte au printemps.

Quand un arbre est chargé de feuilles, la sève monte par capillarité. Les feuilles laissent sortir un peu de vapeur d’eau et cela attire l’eau des racines vers le haut. Comme une éponge déposée dans une flaque d’eau. Mais au printemps, quand l’eau d’érable monte, il n’y a pas encore de feuilles. C’est donc un autre mécanisme, unique aux érables, aux bouleaux et aux noyers, qui entre en jeu, explique le professeur.

« Au printemps, dans la partie vivante du bois, l’érable libère des enzymes pour transformer l’amidon en sucre, explique Christian Messier. Cette réaction chimique produit du CO2. Le gaz s’accumule dans les fibres du bois adjacentes aux vaisseaux voisins, qui transportent l’eau d’érable. »

« La nuit, quand la température baisse au-dessous de zéro, le CO2 se contracte, traverse la membrane des fibres vers les vaisseaux et se dissout dans l’eau, poursuit M. Messier. Les fibres se contractent et les vaisseaux se dilatent, ce qui crée un effet de pompe. L’eau monte dans l’arbre. »

Ce mécanisme n’explique pas tout, ajoute-t-il : « Il est probablement combiné à un phénomène d’osmose. »

Et à quoi sert tout cela ? « C’est une hypothèse, mais on croit que cela permet à l’érable d’acheminer plus efficacement l’eau aux feuilles quand elles en ont besoin, dit-il. Cela permet d’éliminer les embolies – des bulles d’air – qui peuvent se former l’hiver et qui empêchent l’eau de monter. »

Et le sucre, là-dedans ? Il ne sert pas à « nourrir » l’arbre. Il n’est que le sous-produit de cette réaction chimique.

Bref, la délicate mécanique de l’érable recèle encore bien des secrets.

L’ÉRABLIÈRE VULNÉRABLE

Mais aujourd’hui, l’heure n’est pas à la science. C’est le début de la saison des sucres et il faut faire la tournée des érables. À pied, à l’ancienne. Et ici, les érables sont espacés dans la forêt, contrairement aux érablières commerciales.

Une érablière, naturellement, ne comporte jamais plus que 40 % d’érables, explique M. Messier. « On comprend de plus en plus que plusieurs espèces font qu’un écosystème est plus performant, dit-il. S’il y a plusieurs espèces d’arbres, il y aura aussi plusieurs espèces d’insectes qui vont se contrôler entre eux. »

Les insectes venus d’ailleurs. C’est la principale menace qui plane sur la forêt tempérée qui occupe tout l’est du continent.

Le danger des espèces invasives est amplifié par des circonstances géographiques malheureuses, explique Christian Messier. « Les deux régions avec lesquelles nous avons le plus d’échanges commerciaux sont l’Asie et l’Europe. Et ce sont deux régions où la forêt tempérée domine. Si on avait des échanges avec l’Amérique du Sud et l’Afrique, on n’aurait pas de problème d’espèces invasives. »

On joue à la roulette russe, mais avec des milliers de balles dans le barillet. « On estime qu’il arrive chaque année 10 000 espèces étrangères différentes. La plupart ne parviennent pas à s’implanter. Mais le jour où il y en a une… »

Justement, il y en a une : le longicorne asiatique. On l’a détectée de nombreuses fois depuis 15 ans dans beaucoup de grandes villes de l’est du continent, mais jusqu’ici on a réussi à la contenir – non sans abattre des dizaines de milliers d’arbres, à New York, à Chicago, à Boston, au New Jersey et à Toronto.

Si le longicorne asiatique devait se répandre dans les érablières, ce serait catastrophique.

« Les érablières commerciales où on ne garde que les érables sont plus vulnérables », dit M. Messier.

À côté, la menace des changements climatiques est moins inquiétante, juge-t-il. Du moins pour le sud du Québec, qui demeurera au cœur de la région propice à l’érable à sucre.

Mais la vitesse du changement climatique ouvre un nouveau champ de recherche : l’épigénétique. « C’est un domaine d’avenir, dit le chercheur de 57 ans. C’est la science qui étudie comment les gènes sont exprimés ou pas. C’est un facteur clé dans l’adaptation des organismes à leur environnement. »

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