Loterie vidéo

Les quartiers les plus à risque

La population de sept arrondissements de Montréal présente un niveau de risque élevé d’avoir des problèmes de jeu ou d’en subir les contrecoups. Le Sud-Ouest, Ville-Marie ainsi que Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension sont en tête de liste, selon la direction de la santé publique (DSP) de Montréal.

Cette analyse a été menée par une équipe de chercheurs qui a cartographié le risque associé aux jeux de hasard et d’argent – dont les appareils de loterie vidéo (ALV) – dans l’île de Montréal. L’information a été rendue publique mardi sur le site de l’Espace montréalais d’information sur la santé (EMIS).

Les zones à risque sont déterminées en fonction de la combinaison de plusieurs variables comme la concentration de personnes sans diplôme, sans emploi et vivant sous le seuil de faible revenu. Et le risque ne touche pas seulement les joueurs, mais également leur entourage (conjoint, famille, amis), un peu comme le fait la fumée secondaire du fumeur ou le problème d’alcool au volant du consommateur d’alcool.

ZONES SENSIBLES

Sur la carte (voir l’onglet suivant), les habitants des quartiers de Pointe-Saint-Charles et de Saint-Henri, dans le Sud-Ouest, sont parmi les personnes les plus susceptibles d’être aux prises avec des problèmes de jeu. C’est aussi le cas au centre-ville où l’on trouve notamment une concentration de refuges pour sans-abri ainsi que des lieux de thérapie pour le traitement de la dépendance aux jeux de hasard.

L’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension présente également un terreau fertile pour des joueurs compulsifs et leurs proches : 49 % des gens qui y vivent n’ont aucun diplôme et le revenu annuel médian des ménages se situe à 36 000 $ alors que, pour l’ensemble du Québec, il s’établissait à 56 000 $ en 2011, selon les données de Statistique Canada.

Les arrondissements de Montréal-Nord, de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, de Rosemont–La Petite-Patrie et du Plateau-Mont-Royal apparaissent également comme des secteurs jugés à risque. C’est aussi dans ces coins de Montréal que l’on trouve une importante concentration d’appareils de loterie vidéo (ALV) qui, dans certains cas, va au-delà de la norme établie par Loto-Québec (2 ALV/1000 habitants), comme La Presse l’a décrit hier. Par exemple, le taux d’ALV dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension est de 2,4 ALV/1000 habitants et, au centre-ville, il grimpe à 4 ALV/1000 habitants.

« Il n’y a pas eu d’augmentation de l’offre de jeu dans les derniers mois. Ce qui change, c’est notre capacité de porter un regard sur cette problématique-là, de faire un portrait plus fin », a expliqué à La Presse Jean-François Biron, de la DSP de Montréal. 

« On n’est pas en train de sonner l’alarme pour dire qu’il y a un phénomène nouveau. On développe des outils pour mieux comprendre la situation. »

— Jean-François Biron, de la DSP de Montréal 

VULNÉRABILITÉ ET ACCESSIBILITÉ

M. Biron et son équipe s’affairent à terminer des travaux qui permettront de faire le lien entre la vulnérabilité des populations et l’accessibilité aux ALV ainsi qu’aux points de vente de billets de loterie. « Nos analyses préliminaires tendent à montrer qu’il semble y avoir une accessibilité plus grande dans les endroits où il y a davantage de risque », se limite à dire le chercheur pour l’instant.

Ces travaux permettront d’avoir un portrait très précis car ils sont faits sur de très petits secteurs de voisinage. Ainsi, bien qu’un arrondissement ne présente pas de risque, à première vue, une poche de vulnérabilité pourrait s’y trouver.

De telles données devraient être utiles pour le réseau de la santé et les organismes communautaires qui font de la prévention afin de sensibiliser la population, planifient et mettent en place des services dans certains secteurs, souligne Jean-François Biron. « Ça permet aussi de faire une réflexion globale qui n’appartient pas seulement à la santé publique sur la distribution de l’offre de jeu et la présence de vulnérabilité », dit-il.

« À partir de ça, il pourrait y avoir une volonté de réorganiser l’offre de jeu pour réduire l’accessibilité des ALV dans les zones les plus vulnérables. »

— Jean-François Biron, de la DSP de Montréal 

À l’heure actuelle, Loto-Québec déploie 11 600 ALV dans les bars. Le ministre des Finances, Carlos Leitao, responsable politique de la société d’État, a affirmé la semaine dernière qu’une révision à la baisse de l’offre de jeu est envisagée.

LE RISQUE AU QUÉBEC

Des travaux semblables à ceux menés par la DSP de Montréal ont été entrepris cette semaine pour l’ensemble du Québec. Ce n’est donc pas seulement dans l’île de Montréal qu’on pourra connaître et voir les zones les plus à risque, mais dans chaque région du Québec.

La recherche pour « comprendre les déterminants environnementaux et sociaux des préjudices du jeu » est dirigée par la chercheuse Élisabeth Papineau, de l’Institut national de santé publique du Québec. Le financement (300 000 $) est assuré par les Instituts de recherche en santé du Canada. « On va faire un outil cartographique convivial qui va superposer trois indicateurs : l’indice de vulnérabilité aux problèmes de jeu (risque potentiel), l’indice du jeu préjudiciable (les impacts du jeu) et la localisation des opportunités de jeu », explique-t-elle.

Les travaux s’étendront sur quatre ans et toucheront, outre les appareils de loterie vidéo et les terminaux de loterie, les bingos, les Kinzo, les salons de jeu et les casinos. Seul le jeu en ligne ne sera pas couvert puisqu’il n’y a pas d’emplacements physiques qui y sont associés. La collaboration de Loto-Québec, qui devra donner un accès à ses données à l’équipe de recherche, sera nécessaire.

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