LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Biennale d’art contemporain autochtone

Un événement 100 % féminin

Pour sa quatrième édition, la Biennale d’art contemporain autochtone est signée par deux commissaires autochtones, Niki Little et Becca Taylor, qui ont concocté un événement 100 % féminin. Une première, avec les œuvres d’une quarantaine d’artistes autochtones du Canada et d’ailleurs présentées à Montréal, Pointe-Claire et Sherbrooke.

La Biennale d’art contemporain autochtone (BACA) fait peau neuve. D’abord, l’événement d’art autochtone contemporain fondé en 2012 par les galeristes Rhéal Olivier Lanthier et François St-Jacques se déploie cette année en cinq lieux. À Montréal, dans leur galerie Art Mûr, à La Guilde et au musée McCord ; à Pointe-Claire, à la galerie d’art Stewart Hall ; et au Musée des beaux-arts de Sherbrooke.

Et puis l’originalité de cette quatrième édition, intitulée Níchiwamiském – Nimidet – Ma sœur – My sister, réside dans son commissariat signé par Niki Little et Becca Taylor, établies respectivement à Winnipeg et à Edmonton. Venues en résidence à Montréal pour concevoir l’exposition, elles sont membres du Collectif des commissaires autochtones.

Cette nouvelle façon d’élaborer la BACA a généré un fil conducteur plus précis que lors des éditions précédentes. Les œuvres choisies explorent « les liens de sororité multiples qui unissent les femmes autochtones ». Les femmes y sont envisagées comme des sœurs, des mères, des tantes, des confidentes. Elles peuvent être transgenres, précise-t-on, non binaires (hors norme) ou des « individus bispirituels autochtones ».

Variété d’expressions

Sélectionner 41 artistes n’a pas été facile, convient Kiri Little en entrevue, tant les productions d’artistes autochtones contemporaines abondent. Mais les deux commissaires sont parvenues à dégager une grande variété d’expressions d’une même volonté d’affirmation identitaire.

Nous avons visité les expositions présentées à Art Mûr et à La Guilde. Toutes les œuvres exposées n’ont pas la même intensité ni le même intérêt. À Art Mûr, le film de trois minutes de Caroline Monnet, Creature Dada, montré l’été dernier au festival Présence autochtone, est une des œuvres les plus fortes. Il met en scène des Amérindiennes partageant un repas pantagruélique. Homards, huîtres, champagne, c’est la fête ! Voici des autochtones élégantes qui assument leurs désirs. Des femmes libres, si loin de l’image souvent véhiculée d’autochtones victimes, appauvries, inactives, violentées ou tout simplement ternes.

Dans la lignée de ce corpus est tirée une photographie, Renaissance, exposée à La Guilde. Une image magnifique, forte, tellement rafraîchissante, où Caroline Monnet et cinq autres femmes autochtones, richement vêtues, posent fièrement, notamment la designer Swaneige Bertrand, la réalisatrice Alanis Obomsawin et l’actrice Dominique Pétin.

Skeena Reece

L’œuvre la plus émouvante chez Art Mûr est sans doute la vidéo Touch Me. Une femme en assiste une autre pour le bain. Des images de tendresse, de douceur, de respect, de tranquillité et de partage signées Skeena Reece.

Belle installation également que celle de Brittney Bear Hat et de Richelle Bear Hat qui relatent une expérience de camp de chasse avec des boîtes en bois accrochées au mur et contenant des objets qu’on emporte en forêt : vestes de denim, cordes, lampe à huile, bâche, poignards, sachets de thé, etc. Mais la narration s’arrête là.

Plus loin, l’artiste aztèque Gilda Posada formule le désir de l’autochtone de prendre la place qui lui est due, avec des sérigraphies appelant notamment à l’abolition des frontières. Comme l’avait fait, en 1992, l’artiste mohawk Shelley Niro, avec sa série photographique This Land Is Mime Land, qui rappelle que la hantise de l’autochtone, comme de toute personne, est d’être prisonnier de son passé.

Skawennati

Les commissaires ont justement retenu une impression numérique de Skawennati avec des femmes autochtones projetées dans l’avenir, représentées comme de véritables conquérantes. L’artiste expose aussi à La Guilde des dessins sur l’évolution vestimentaire des femmes autochtones de 1490 à… 2488 ! Avec le costume « authentique » précolonial, celui influencé par les colons français, l’adaptation à la mode des années 60 (avec des jeans) jusqu’au métissage futuriste du milieu du XXVe siècle. Un sujet qui pourrait être approfondi.

À La Guilde, le vêtement de Lita Fontaine est par contre plus traditionnel. L’artiste d’origine dakota, anishinaabe et métis dispose sur ses tissus des perles, des plumes et des coquillages.

D’origine européenne et dénée, Catherine Blackburn y présente Our Mother(s) Tongue, une série de petits coussins de velours avec, en impression, des photos… de langues des membres de sa famille. Des photos sur lesquelles elle a planté des épingles qui forment des mots en langue dénée évoquant les pensionnats canadiens où l’on empêchait les enfants amérindiens de parler leur langue. Une série troublante et évocatrice.

Lors du vernissage à La Guilde, Hovak Johnston, qui travaille à revitaliser le tatouage inuit, a tatoué les doigts de la professeure de Concordia d’origine inuite Heather Igloliorte. Cette tradition du tatouage inuit se retrouve sur l’estampe Mythical Kudlik, de Ningiukulu Teevee. Deux bras tatoués qui portent un kudlik, la traditionnelle lampe à huile en stéatite des peuples arctiques. Une femme qui apporte la lumière, la chaleur et la connaissance aux autres. Dans l’esprit traditionnel des mères et des sœurs autochtones.

« Nous avons tous à apprendre afin d’améliorer nos relations humaines, dit Rhéal Olivier Lanthier. Comme l’apprentissage se fait par observation, le projet de Niki Little et de Becca Taylor saura certainement nous inspirer. »

Le galeriste rappelle qu’en 1885, Louis Riel avait écrit : « Les miens dormiront pendant 100 ans et quand ils se réveilleront, ce seront les artistes qui leur rendront leur esprit. » « Cette prophétie se réalise enfin », dit-il.

À la galerie Art Mûr (5826, rue Saint-Hubert, Montréal), jusqu’au 16 juin

À La Guilde (1356, rue Sherbrooke Ouest, Montréal), jusqu’au 22 juillet

À la galerie d’art Stewart Hall (176, chemin du Bord-du-Lac, Pointe-Claire), jusqu’au 22 juin

Au Musée des beaux-arts de Sherbrooke (241, rue Dufferin, Sherbrooke), jusqu’au 9 septembre

Au musée McCord (690, rue Sherbrooke Ouest, Montréal), pour une table ronde, le 19 mai, de 14 h à 16 h

La VIRÉE DES GALERIES

Autres expositions

Des chefs-d’œuvre à Montréal

Deux visites gratuites d’œuvres d’art sont organisées simultanément cette fin de semaine à Montréal par les maisons d’enchères Heffel et BYDealers qui vendront ces œuvres à Toronto à la fin du mois. Parmi les artistes exposés : Borduas, Riopelle, Lemieux, Harris, Jackson, Milne, Letendre, Molinari, Snow et Gauvreau. Heffel expose ses œuvres consignées à sa galerie du 1840, rue Sherbrooke Ouest, dès aujourd’hui et jusqu’à samedi, de 11 h à 18 h. L’expo des œuvres vendues par BYDealers a lieu dès aujourd’hui (à 16 h) et jusqu’à lundi au Palais des congrès de Montréal (1001, place Jean-Paul-Riopelle, salle 210D).

Simon Beaudry

L’artiste Simon Beaudry expose, jusqu’au 3 juin, le fruit de son séjour en Écosse, en 2014, à l’époque du référendum écossais sur l’indépendance. Son exposition Québécosse présente les actions qu’il avait alors faites localement, des performances et des œuvres créées dans l’espace public. Des vidéos et des photos traduisent le soutien à la cause des souverainistes écossais de cet artiste qui « construit le pays par l’art à défaut de le faire politiquement ».

À la maison de la culture Frontenac (2550, rue Ontario Est, Montréal), jusqu’au 3 juin

Centre canadien d’architecture

Le Centre canadien d’architecture (CCA) présente jusqu’au 7 octobre l’exposition Utopie Radicali : Florence 1966-1976, qui aborde l’idée de l’utopie comme instrument de critique sociale. Dans ce cadre, une visite guidée intitulée Miche curatoriale et animée par le conservateur du CCA Francesco Garutti est organisée aujourd’hui, à 18 h 30. S’ensuivra un repas partagé et composé de pain, de beurre et de sel ! La conversation se tiendra dans plusieurs langues, dont le français et l’anglais. S’inscrire par courriel à rsvp@cca.qc.ca.

Miche curatoriale au Centre canadien d’architecture (1920, rue Baile, Montréal), dans le cadre d’Utopie Radicali : Florence 1966-1976, ce soir à 18 h 30. Exposition organisée jusqu’au 7 octobre.

Exposition sur le compagnonnage

Le Musée des maîtres et artisans du Québec propose une incursion dans l’univers des Compagnons du devoir, mouvement d’origine française qui forme des jeunes dans une trentaine de métiers traditionnels. Le compagnonnage est un modèle de transmission et d’apprentissage de maître à aspirant. Les Compagnons du devoir sont implantés au Québec depuis la fin des années 80. L’expo présente 12 chefs-d’œuvre de compagnons en menuiserie, cordonnerie, couverture-zinguerie, charpente, taille de pierre, métallerie, mécanique de précision, plomberie et sellerie.

Au Musée des maîtres et artisans du Québec (615, avenue Sainte-Croix, Montréal), jusqu’au 3 juin

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