Éditorial Réforme de la carte électorale

Le ver est dans le fruit

Même si Québec solidaire a crié victoire jeudi après avoir sauvé sa circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques, rien n’est réglé. Chaque refonte de la carte électorale provoque une crise et cela ne s’améliorera pas avec le temps, car le ver est dans le fruit.

C’est un tabou dont on a peu parlé cette semaine, mais en fixant à 125 le nombre de circonscriptions, la loi mène à un affrontement entre la métropole et les régions. Et pour aggraver les choses, l’arbitre de cette loi n’a pas brillé par sa prévoyance… Tout était en place pour fabriquer une belle tempête.

Chaque révision de la carte risque d’avantager un parti au détriment d’un autre. Pour éviter ces conflits d’intérêts, le travail a été confié à un organisme indépendant, la Commission de la représentation électorale (CRE). Tous les huit ans, elle doit déposer un projet de refonte puis mener une vaste consultation. Elle présente ensuite un second rapport, révisé au besoin, suivi d’un débat… d’une demi-journée.

C’est dans son second rapport que la CRE a proposé à la dernière minute la disparition de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Contrairement à ce que prétend sa députée Manon Massé, ce scénario avait été évoqué en septembre dernier, et ce, à l’Assemblée nationale (voir la capsule sous ce texte). Mais c’était brièvement, au détour d’une phrase.

Pour éviter les mauvaises surprises, la CRE devrait présenter dès son premier rapport tous les scénarios à l’étude. Et si elle les modifie en cours de route, la consultation devrait être prolongée.

La loi le permet, mais la CRE ne l’a pas fait, par imprudence ou par ignorance.

Cela ne réglerait toutefois pas le problème de fond. Au Canada, le nombre de circonscriptions augmente avec la démographie, tandis qu’au Québec, il est fixé à 125. Certes, c’est déjà beaucoup – l’Ontario est plus peuplé et n’en compte que 107. Mais le plafond de 125 sièges crée une mathématique ingérable.

En effet, selon la jurisprudence, le nombre d’électeurs dans une circonscription ne peut s’éloigner de plus de 25 % de la moyenne provinciale. Selon ce critère, huit circonscriptions rurales devraient aujourd’hui être modifiées ou abolies. Et avec le temps, il y en aura de plus en plus à éliminer en région. Or, ces députés ruraux doivent déjà représenter un territoire immense – la circonscription d’Ungava est plus grande que la France !

Si on élargit leur territoire, ils peineront plus que jamais à desservir leurs électeurs.

Il faudra donc faire un choix : donner un poids égal à chaque vote, en abolissant des circonscriptions rurales pour en ajouter en banlieue et en ville. Ou protéger ces circonscriptions éloignées au nom de la représentation efficace des citoyens, en acceptant par contre que tous les votes n’aient pas le même poids.

Dans l’immédiat, le budget des députés ruraux pourrait être haussé pour qu’ils ouvrent de nouveaux bureaux desservant leurs électeurs isolés. Mais il va falloir, au lendemain de la prochaine campagne, oser les questions difficiles.

Le bref avertissement du DGE

Voici ce que disait le Directeur général des élections en septembre 2016 à l’Assemblée nationale :

« Quant à Mont-Royal-Outremont […], nous allons revoir les paramètres de cette portion de l’île de Montréal. Et je pense qu’on va devoir travailler sur un autre secteur, qui est peut-être un secteur un peu plus est ou sud-ouest [comme] Sainte-Marie–Saint-Jacques et Westmount–Saint-Louis. [On va voir si] en retravaillant de ce côté-là, on respecterait davantage les communautés naturelles. »

La carte de 2018

Les deux circonscriptions ajoutées sont dans Lanaudière et les Laurentides. Elles avantagent les péquistes et les caquistes.

Les circonscriptions sacrifiées sont Mont-Royal-Outremont et Saint-Maurice. Dans le premier cas, les libéraux sont perdants. Dans le second, le parti perdant est plus difficile à déterminer. À part bien sûr ses électeurs, dont on a très peu parlé à Montréal. Pourtant, ce sont eux aussi du « fier monde ». Le revenu moyen dans Saint-Maurice est d’ailleurs inférieur à celui dans Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Éditorial Réforme de la carte électorale

Le ver est dans le fruit

Même si Québec solidaire a crié victoire jeudi après avoir sauvé sa circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques, rien n’est réglé. Chaque refonte de la carte électorale provoque une crise et cela ne s’améliorera pas avec le temps, car le ver est dans le fruit.

C’est un tabou dont on a peu parlé cette semaine, mais en fixant à 125 le nombre de circonscriptions, la loi mène à un affrontement entre la métropole et les régions. Et pour aggraver les choses, l’arbitre de cette loi n’a pas brillé par sa prévoyance… Tout était en place pour fabriquer une belle tempête.

Chaque révision de la carte risque d’avantager un parti au détriment d’un autre. Pour éviter ces conflits d’intérêts, le travail a été confié à un organisme indépendant, la Commission de la représentation électorale (CRE). Tous les huit ans, elle doit déposer un projet de refonte puis mener une vaste consultation. Elle présente ensuite un second rapport, révisé au besoin, suivi d’un débat… d’une demi-journée.

C’est dans son second rapport que la CRE a proposé à la dernière minute la disparition de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Contrairement à ce que prétend sa députée Manon Massé, ce scénario avait été évoqué en septembre dernier, et ce, à l’Assemblée nationale (voir la capsule sous ce texte). Mais c’était brièvement, au détour d’une phrase.

Pour éviter les mauvaises surprises, la CRE devrait présenter dès son premier rapport tous les scénarios à l’étude. Et si elle les modifie en cours de route, la consultation devrait être prolongée.

La loi le permet, mais la CRE ne l’a pas fait, par imprudence ou par ignorance.

Cela ne règlerait toutefois pas le problème de fond. Au Canada, le nombre de circonscriptions augmente avec la démographie, tandis qu’au Québec, il est fixé à 125. Certes, c’est déjà beaucoup – l’Ontario est plus peuplé et n’en compte que 107. Mais le plafond de 125 sièges crée une mathématique ingérable.

En effet, selon la jurisprudence, le nombre d’électeurs dans une circonscription ne peut s’éloigner de plus de 25 % de la moyenne provinciale. Selon ce critère, huit circonscriptions rurales devraient aujourd’hui être modifiées ou abolies. Et avec le temps, il y en aura de plus en plus à éliminer en région. Or, ces députés ruraux doivent déjà représenter un territoire immense – la circonscription Ungava est plus grande que la France !

Si on élargit leur territoire, ils peineront plus que jamais à desservir leurs électeurs.

Il faudra donc faire un choix : donner un poids égal à chaque vote, en abolissant des circonscriptions rurales pour en ajouter en banlieue et en ville. Ou protéger ces circonscriptions éloignées au nom de la représentation efficace des citoyens, en acceptant par contre que tous les votes n’aient pas le même poids.

Dans l’immédiat, le budget des députés ruraux pourrait être haussé pour qu’ils ouvrent de nouveaux bureaux desservant leurs électeurs isolés. Mais il va falloir, au lendemain de la prochaine campagne, oser les questions difficiles.

Le bref avertissement du DGE

Voici ce que disait le Directeur général des élections en septembre 2016 à l’Assemblée nationale :

« Quant à Mont-Royal-Outremont […], nous allons revoir les paramètres de cette portion de l’île de Montréal. Et je pense qu’on va devoir travailler sur un autre secteur, qui est peut-être un secteur un peu plus est ou sud-ouest [comme] Sainte-Marie–Saint-Jacques et Westmount–Saint-Louis. [On va voir si] en retravaillant de ce côté-là, on respecterait davantage les communautés naturelles. »

La carte de 2018

Les deux circonscriptions ajoutées sont dans Lanaudière et les Laurentides. Elles avantagent les péquistes et les caquistes.

Les circonscriptions sacrifiées sont Mont-Royal-Outremont et Saint-Maurice. Dans le premier cas, les libéraux sont perdants. Dans le second, le parti perdant est plus difficile à identifier. À part bien sûr ses électeurs, dont on a très peu parlé à Montréal. Pourtant, ce sont eux aussi du « fier monde ». Le revenu moyen dans Saint-Maurice est d’ailleurs inférieur à celui dans Sainte-Marie–Saint-Jacques.

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