Développement des régions 

Une plus grande place aux acteurs locaux

Comment faciliter le développement économique des régions ? Voici une question qui est loin de faire l’unanimité chez les chercheurs universitaires. Mettons une chose au clair : une solution miracle ça n’existe pas. Comme le disait si bien une ancienne pub : « Si ça existait, on l’aurait. »

Il est vrai que les inégalités régionales préoccupent de plus en plus. Alors que les centres urbains ne cessent de croître et de s’enrichir, de nombreux petits villages font face à un vieillissement accéléré et à une décroissance rapide. Cette situation entraîne indubitablement une pression sur les finances publiques : les urbains cherchent un moyen de financer de nouveaux services publics et de nouvelles infrastructures, alors que les ruraux peinent à conserver leurs acquis. S’il y a d’heureux problèmes liés à la croissance, il y a des défis aussi importants liés à la décroissance.

Une solution longtemps proposée par les gouvernements afin d’aider le développement économique des régions a été de faciliter (et favoriser) l’implantation de grandes entreprises en région. L’arrivée de ces nouveaux acteurs a pour effet de donner du travail à une bonne partie de la population, favoriser une hausse des revenus de travail et stimuler les autres entreprises locales. Si cette solution a l’avantage de donner des résultats positifs à court terme, elle n’est pas sans inconvénient à moyen et long terme, et ce, pour au moins trois raisons majeures.

Premièrement, les grandes entreprises offrent habituellement des salaires plus élevés que les entreprises locales. Ce rapport défavorable aux entrepreneurs locaux a parfois pour effet de décourager l’entrepreneuriat. 

Qui voudrait gagner un salaire de 25 000 $ par an en travaillant 70 heures par semaine alors qu’il est possible d’en gagner le triple en travaillant deux fois moins longtemps ? 

De la même manière, comment être concurrentiel dans le recrutement lorsqu’on ne peut qu’offrir un salaire de 12 $ heure alors que le voisin en offre 25 $ en plus des avantages sociaux ? La présence de « rentiers encombrants », pour reprendre une expression connue en développement régional, a pour effet d’augmenter la dépendance des régions aux décisions de localisation des grandes entreprises.

Deuxièmement, puisque le centre décisionnel des grandes entreprises est localisé ailleurs dans le monde et que les capitaux proviennent de l’étranger, les régions deviennent plus vulnérables lors de ralentissements économiques. Les grandes entreprises sont souvent les premières à rationaliser les effectifs afin de contrôler leurs coûts d’opération à court terme. Ces compressions ne sont pas sans importance pour les commerces locaux qui doivent faire face à une diminution accélérée de la demande.

Troisièmement, les emplois offerts par les grandes entreprises ne visent pas nécessairement une main-d’œuvre spécialisée. En conséquence, les jeunes qui partent étudier dans les villes prennent souvent la décision d’y rester : la possibilité d’y trouver un emploi dans son domaine est plus grande. Cette décision, tout à fait rationnelle de la part des jeunes, a pour effet d’accélérer la spirale de décroissance en plus de contribuer créer une autre forme d’inégalité : celle de la distribution du capital humain.

Miser sur la venue de grandes entreprises pour assurer le développement des régions a finalement laissé de nombreuses cicatrices qui expliquent en partie le portrait actuel de la situation économique des régions que l’on qualifie tantôt de rurales, tantôt de périphériques ou encore d’éloignées.

Quelles solutions ?

Est-ce dire qu’il n’y a pas d’espoir pour le développement des régions ? Certainement pas. Par contre, il faut regarder ailleurs que dans l’attractivité de grandes entreprises ou encore l’application de « recettes » urbaines en vue de stimuler le dynamisme en région.

Il faut admettre que les régions offrent des avantages intéressants. Fini le stress lié aux bouchons de circulation, finies les files d’attentes interminables, finies le bruit excessif et finis les dépenses pour faire des sorties en plein air. C’est donc en partie sur ces avantages qu’il faut miser pour attirer de nouveaux (et jeunes) entrepreneurs. Ces avantages sont de plus en plus recherchés par les nouvelles générations, qui ne souhaitent plus nécessairement poursuivre le rythme de vie effréné des générations précédentes ou encore de la ville.

Il faut également épauler et aider les entrepreneurs qui décident de se lancer en affaires, et ce, peu importe le modèle d’entreprise. 

Il faut notamment mettre à contribution la proximité des liens humains et sociaux dans les milieux non urbains afin de contribuer au succès des petites entreprises régionales. Une ouverture permettant de faciliter le lancement d’initiatives locales et une meilleure écoute des besoins des acteurs économiques locaux sont indispensables au développement des régions.

À mon sens, le développement de politiques publiques devra donc, en partie, passer par le décloisonnement des enveloppes budgétaires afin de donner une plus grande place aux acteurs locaux.

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