étude

La dépression de plus en plus fréquente chez les ados

Les dépressions sont de plus en plus nombreuses chez les adolescents américains, particulièrement chez les filles, selon une nouvelle étude. Une augmentation moins rapide est aussi observée chez les jeunes adultes. La tendance serait similaire au Québec.

« Il semble y avoir moins de stigmatisation de la dépression chez les ados, ce qui mène à plus de diagnostics », explique l’auteur principal de l’étude publiée dans la revue Pediatrics, Ramin Mojtabai, de l’Université John Hopkins. « Mais les traitements n’ont pas suivi. Seulement 40 % des cas de dépression majeure chez les ados sont traités et la proportion qui poursuit le traitement à moyen terme est encore plus faible. »

Le risque qu’un adolescent reçoive durant une année donnée un diagnostic de dépression majeure est passé de 8,7 % en 2005 à 11,3 % en 2014, ont calculé les chercheurs à partir des dossiers de 350 000 jeunes Américains. Chez les jeunes adultes (18 à 25 ans), le risque est passé de 8,8 % à 9,6 % durant cette période. L’augmentation était statistiquement significative seulement pour les jeunes de 12 à 20 ans. Les résultats tenaient même si on prenait en compte les facteurs comme la consommation de marijuana ou la monoparentalité.

Au québec aussi

Les chiffres sont comparables au Québec, selon Lila Amirali, psychiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants, qui a accepté de commenter l’étude américaine. « On voit nous aussi une augmentation, particulièrement chez les filles. »

Chez les adolescentes, la prévalence de dépression majeure au cours d’une année donnée est passée de 13,1 % en 2005 à 17,3 % en 2014 (contre respectivement 4,5 % et 5,7 % pour les garçons du même âge). Pour ce qui est des jeunes adultes, les dépressions majeures ne sont pas plus fréquentes pour les femmes (11,8 %) mais elles ont davantage augmenté pour les hommes, de 5,7 % en 2005 à 7,4 % en 2014.

Deux autres raisons pourraient expliquer l’augmentation des dépressions chez les ados, selon le Dr Mojtabai, joint alors qu’il était en Iran en vacances. « Certaines études européennes ont lié les ralentissements économiques, surtout celui de 2008-2009, à une augmentation des taux de suicide et de problèmes de santé mentale. »

« Il se peut aussi que l’utilisation des médias sociaux en permanence sur les téléphones portables crée une pression, particulièrement chez les jeunes filles. »

— Ramin Mojtabai, auteur principal de l’étude

La vulnérabilité des jeunes filles est en partie hormonale, selon la Dre Amirali. « À partir de l’adolescence, il y a plus de risque de dépression chez les filles que chez les garçons. Avant, et après la ménopause, le risque est le même pour les deux sexes. Je pense que c’est aggravé par les modèles de beauté physique et de succès académique qui sont imposés aux filles, et dont elles ne peuvent pas s’échapper parce que leurs téléphones les suivent partout. »

diagnostiquer la dépression plus tôt

Un éditorial accompagnant l’étude du Dr Mojtabai propose une approche multidisciplinaire pour traiter et surtout diagnostiquer plus tôt la dépression chez les adolescents. « Je connais bien la psychiatre qui l’a écrit, dit la Dre Amirali. Je pense qu’au Québec, on a les capacités pour réussir, notamment avec les groupes de médecine familiale, qui pourront avoir des travailleuses sociales pour le côté psychosocial. La dépression à l’adolescence peut se résoudre d’elle-même, mais ça prend du temps et ça endommage l’identité du patient et nuit à son éducation. »

En 2004, des études montrant que certains antidépresseurs peuvent augmenter le risque de suicide chez les adolescents ont fait grand bruit et obligé les autorités réglementaires (FDA) américaines à apposer un avertissement très visible (black box warning) à ce sujet sur les boîtes de médicaments. Quel a été l’impact de la controverse ?

« Ça peut expliquer en partie que de plus en plus d’adolescents dépressifs ne sont pas traités avec des médicaments », dit le Dr Mojtabai.

« Certains chercheurs pensent que ça a pu paradoxalement augmenter le taux de suicide, parce que les dépressions non traitées sont aussi dangereuses. »

— Ramin Mojtabai

L’un des coauteurs de l’étude, Mark Olfson, a publié en 2014 une critique d’une étude publiée dans le British Medical Journal qui faisait le lien entre ces avertissements et une augmentation du taux de suicide chez les ados aux États-Unis. Quant à elle, la Dre Amirali note que la propension à traiter les ados avec des antidépresseurs était beaucoup plus élevée aux États-Unis qu’au Québec avant les avertissements.

Quel suivi le Dr Mojtabai planifie-t-il faire  ? « Nous voulons avoir plus d’infirmation sur les idées suicidaires et le suicide, justement. Et mieux comprendre ce qui explique que les ados dépressifs sont sous-traités. »

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