Montréal Des occasions à saisir

Enfin une stratégie pour le centre-ville

Architecte, urbaniste et gestionnaire de projets, Clément Demers porte un regard optimiste sur l’avenir de la métropole. Il identifie trois grands pôles d’intervention incontournable.

Le 8 juin dernier, le maire de Montréal, Denis Coderre, et son principal collaborateur en matière d’urbanisme, Richard Bergeron, ont dévoilé la stratégie qu’ils entendent adopter pour les 15 prochaines années à l’égard du centre-ville. Les actualités du jour ayant quelque peu atténué l’intérêt médiatique pour cet événement pourtant crucial, il m’apparaît essentiel d’y revenir.

La Stratégie centre-ville, qui donnera lieu à une consultation publique dès l’automne 2016, propose quelques axes d’intervention pour soutenir l’élan de développement, de création et d’innovation que connaît actuellement le centre-ville de Montréal, et y attirer au cours des prochaines années quelque 50 000 nouveaux résidants et une offre supplémentaire substantielle d’espaces de bureau et de commerce.

Comment ? D’abord en privilégiant les transports collectifs pour accroître l’accessibilité et faciliter la circulation vers, dans et depuis les quartiers centraux. Cela comprend non seulement le REM (réseau électrique de Montréal) de la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais aussi un réseau de tramway roulant principalement dans l’axe du boulevard René-Lévesque.

Toutefois, l’aspect de la Stratégie centre-ville sur laquelle je veux me pencher plus précisément aujourd’hui est celui qui propose de recycler et de revaloriser de vastes zones industrielles, ferroviaires et portuaires sur pas moins de 20 km, afin de redonner aux Montréalais et aux Montréalaises, non seulement « une fenêtre sur le fleuve », mais, surtout, l’accès tant attendu au fleuve Saint-Laurent et à ses berges, entre le pont Jacques-Cartier et le nouveau pont Champlain.

L’administration de Montréal ne part pas de zéro pour développer cette stratégie fluviale.

Des études ont déjà été réalisées, notamment sur le potentiel de mise en valeur de l’Entrée maritime de Montréal (Bergeron, Coutu, Fournier, 2012, réédité en 2015). Nombre d’autres grandes villes situées en rive, de Barcelone à Hambourg, de Toronto à San Francisco, de Sydney à Vancouver, sont passées à l’action et offrent aujourd’hui à Montréal autant d’exemples inspirants pour un réaménagement, un redéveloppement et une réappropriation du fleuve et de ses berges, avec des retombées à la fois récréotouristiques, économiques et écologiques qui marqueront l’histoire de la ville et décupleront son potentiel d’attraction.

Par ailleurs, les îles Sainte-Hélène et Notre-Dame, qui ont accueilli l’Exposition universelle il y a déjà 50 ans, ont besoin d’un réaménagement qui en facilite l’accès, en renouvelle les usages, et qui les intègre au projet d’ensemble de réappropriation et de mise en valeur du fleuve et de ses rives. Le nouveau pont Champlain, à l’ouest, avec ses qualités esthétiques et fonctionnelles d’avant-garde, et le pont Jacques-Cartier à l’est, centenaire au terme de la mise en œuvre de la Stratégie Centre-ville (1930-2030), encadreront le projet d’ensemble.

UNE MISE EN ŒUVRE COMPLEXE

Cependant, les parties prenantes étant nombreuses et les enjeux majeurs, la mise en œuvre d’une telle vision sera forcément complexe. Il faudra notamment faire disparaître, en souterrain ou en en modifiant radicalement le parcours, les trop nombreuses voies ferrées et autoroutes riveraines coupant l’accès au fleuve. C’est ce que la Ville a décidé de faire, en commençant par l’autoroute Bonaventure dont la démolition a commencé fin juin.

Il faudra en outre désenclaver, décontaminer au besoin et recycler de grands terrains vagues situés en berge et utilisés, les uns à des fins de stationnement, d’autres comme hangars portuaires. On devra donc prévoir les types de propriété et d’usage des berges ainsi rendues accessibles : quelles superficies seront publiques ? Comment et par qui seront-elles gérées ? Quelles autres seront réservées à du développement immobilier ? Quels types de développement seront permis, voire privilégiés ?

On peut concevoir que le détail de telles interventions requerra d’intenses échanges entre la Ville, le gouvernement fédéral (notamment en ce qui a trait au Vieux-Port), le Canadien National, le Canadien Pacifique, le Port de Montréal, et quelques villes voisines de la Rive-Sud.

La vision que se sont donnée les dirigeants municipaux peut sembler très ambitieuse. Mais elle apparaît essentielle à la poursuite de l’essor montréalais et, à ce titre, il faut la saluer et l’appuyer fermement. Les 15 ans que couvre la Stratégie centre-ville peuvent paraître bien longs pour en réaliser toutes les dimensions, mais la mise en œuvre sera complexe et, tout au long de ce processus, elle devra pouvoir s’appuyer sur une direction politique sans faille.

Je ne doute pas que les principaux riverains, les experts de diverses disciplines et un nombre considérable de citoyens et de citoyennes seront au rendez-vous de la consultation de l’automne. Leur présence, les idées et commentaires qu’ils exprimeront, les débats qu’ils amorceront et les intérêts qu’ils défendront, nourriront le plan d’action prévu en décembre, puis la réalisation d’un projet conçu par et pour les Montréalais et leurs visiteurs, qu’ils soient de la région ou d’ailleurs dans le monde.

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