Portfolio Gestion de patrimoine

Planifier le pire dans une famille recomposée

Le quotidien dans une famille recomposée est parsemé de défis. La gestion du patrimoine peut facilement être oubliée dans le brouhaha. Cette négligence pourrait toutefois amener son lot de problèmes en cas de malheur.

Julie Vézina et son nouveau conjoint sont en couple depuis deux ans. Elle a trois enfants de 12, 15 et 17 ans et lui en a deux de 8 et 12 ans. Ils sont tous en garde partagée. Les conjoints se sont entendus pour partager les dépenses courantes.

Pour loger tous les membres de cette grande famille, le couple a récemment agrandi la maison, propriété de Mme Vézina. « Pour lui, l’argent investi dans les travaux l’est au même titre que dans un loyer, souligne-t-elle. Il n’attend rien en retour. »

Conjoints de fait, ils n’ont pas de convention de vie commune. « J’aimerais bien le marier, mais il ne veut pas pour l’instant, lance Mme Vézina en riant. Il faut dire que notre relation est récente. » Sauf que comme ils sont en couple depuis moins de trois ans, ils pourraient perdre des avantages.

« Si l’un des deux décède, l’autre ne pourra pas recevoir la rente de conjoint survivant du Régime de rentes du Québec, par exemple. Avec un contrat, ils pourraient en bénéficier. »

— Jean-Maurice Vézina, planificateur financier au Groupe Investors

Cela permettrait aussi de clarifier le partage des biens en cas de séparation.

Des papiers clairs : un incontournable

Mme Vézina a mis à jour son testament à la suite de son divorce. Elle ne l’a toutefois pas refait depuis le début de sa nouvelle relation. « Les personnes que j’ai nommées dans mon testament pour s’occuper du bien-être de mes enfants savent combien cet homme-là et ses enfants sont importants pour moi, indique Mme Vézina. Je ne pense pas qu’elles les évinceraient manu militari. De plus, mon conjoint serait en mesure de se trouver un logement quelque part. On se met peut-être un peu la tête dans le sable, on n’en parle pas vraiment. »

Effectivement, les experts consultés recommandent de mettre le tout par écrit pour éviter les problèmes.

« C’est le genre de cas que l’on retrouve souvent en médiation. Les personnes nommées pourraient lui facturer un loyer, par exemple. Sinon, est-ce qu’il devra payer les taxes et l’entretien en attendant ? Mieux vaut clarifier tout cela. »

— Suzanne Hotte, notaire chez Hotte et Associés

La convention de vie commune et le testament pourraient également prévoir un droit de premier refus pour le conjoint pour l’achat de la maison, ajoute M. Vézina. « Le couple pourrait prendre une assurance-vie sur la tête de madame au bénéfice de son conjoint pour qu’il puisse l’acheter », note-t-il. Ainsi, il pourrait continuer d’y vivre avec ses enfants.

Le conjoint de Mme Vézina aurait aussi tout intérêt à faire son testament. « S’il décède sans l’avoir fait, ses enfants mineurs vont hériter, explique Gérard Guay, président de la Chambre des notaires du Québec. C’est donc leur mère qui s’occupera de l’héritage. La nouvelle conjointe va se retrouver à négocier avec l’ex. J’espère que leurs relations sont bonnes parce que ça pourrait s’envenimer rapidement ! »

Pour que ses enfants ne manquent de rien advenant son décès, Mme Vézina a pris une assurance-vie pour couvrir ses dettes. Une autre sera aussi versée au père afin qu’il puisse subvenir à leurs besoins. « C’est une bonne façon de faire », juge Mme Hotte.

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La clarté en priorité

Faire attention au partage de l’héritage. Si l’un des conjoints souhaite léguer des biens à l’autre et le reste aux enfants, mieux vaut indiquer clairement ce qui revient à qui. « Il est préférable d’éviter les pourcentages, précise Mme Hotte. C’est l’autre parent qui représentera les enfants mineurs. Négocier avec l’ex, ce n’est jamais agréable. On pourrait léguer les biens au conjoint et l’assurance aux enfants, par exemple. »

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Préserver les liens

Penser à préserver les liens. La loi ne prévoit pas le maintien des liens entre les enfants et le beau-parent après le décès du parent. Le défunt ne peut pas le forcer non plus. « Par contre, il peut tout de même inscrire dans le testament qu’il aimerait que la relation se poursuive, précise M. Guay. Ça donne du poids à sa volonté. » L’obligation demeure toutefois morale plutôt que légale.

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En cas d’inaptitude

Faire un mandat de protection (autrefois appelé mandat d’inaptitude). « Cela leur permettrait d’être mandataires de l’autre en cas de problèmes de santé graves, indique M. Guay. En l’absence d’un document, il y aurait un conseil de famille. Si les relations sont bonnes avec la belle-famille, le nouveau conjoint pourrait être nommé. Il pourrait toutefois aussi être écarté. »

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Fonds de pension

Nommer le conjoint comme bénéficiaire du fonds de pension. Si ce n’est pas fait, les enfants pourraient recevoir une rente, mais seulement jusqu’à leur majorité, indique M. Vézina. « Comme ceux de madame sont adolescents, ça ne représente pas une grosse somme », note-t-il. C’est la raison pour laquelle il conseille de désigner le conjoint. Il pourra en tirer une somme plus importante.

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Question REER

Transférer les REER au conjoint survivant. « C’est ce que l’on recommande habituellement, souligne M. Vézina. Le REER, s’il est transféré aux enfants, devient imposable dans la succession. On peut rapidement atteindre plus de 50 % d’imposition. Par contre, on peut le transférer au conjoint sans impôt. » Il suggère de prendre une assurance-vie équivalente à la valeur nette du REER au bénéfice des enfants pour éviter de les déshériter de cette somme. « L’assurance-vie n’est pas imposable », précise-t-il.

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