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Un sommet Poutine-Trump positif

Le président Donald Trump a raison : « Bien s’entendre avec la Russie est une bonne chose, pas une mauvaise chose », a-t-il déclaré hier, debout à côté de son homologue russe. La question est maintenant de savoir comment atteindre cet objectif. La rencontre d’Helsinki a ouvert certaines pistes.

Aux moments de grande tension, les sommets entre les États-Unis et la Russie aboutissent rarement à des résultats immédiats. Ils cadrent plutôt la relation entre les deux pays et lancent un processus de dialogue qui peut se révéler productif.

La rencontre catastrophique entre les deux « K », Kennedy et Khrouchtchev, en 1961 à Vienne avait débouché deux ans plus tard sur la signature du Traité d’interdiction des essais nucléaires en atmosphère. Ce traité a ouvert la voie à d’autres accords tout aussi importants pour la sécurité du monde.

À Helsinki, les premiers résultats ne sont pas mauvais. Deux ressortent clairement des discussions : la Syrie et le désarmement.

La guerre en Syrie est, à proprement parler, terminée et elle a été gagnée par le régime en place. Les Occidentaux y ont mené une politique désastreuse en refusant d’appuyer massivement l’opposition, en laissant l’Arabie saoudite financer des groupes terroristes et, du fait même de ces actions, en provoquant un exode de réfugiés dont ils paient aujourd’hui les frais. C’est l’intervention russe, aussi répugnante soit-elle, qui a mis fin au conflit.

Washington et Moscou cherchent maintenant à consolider la paix et à éviter qu’un autre conflit éclate, cette fois-ci entre l’Iran, parrain du président Bachar al-Assad, et Israël. Avant même que Trump et Poutine ne se rencontrent, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou était à Moscou mercredi dernier au moment où les leaders de l’OTAN s’écharpaient en public. Il a été suivi d’un représentant iranien.

Tout indique qu’un accord a été conclu où la Russie demandera à l’Iran de retirer une partie de ses troupes de Syrie. Pour Nétanyahou, Israël peut très bien s’accommoder du régime Assad, à la condition que la menace iranienne soit neutralisée.

Si la Russie et les États-Unis se sont engagés à garantir la sécurité d’Israël, l’État hébreu n’a pas tout obtenu dans sa lutte contre l’Iran. L’Union européenne a annoncé au moment même du sommet d’Helsinki qu’elle fera tout pour protéger les entreprises européennes présentes en Iran contre les sanctions américaines et pour garantir les exportations de pétrole iranien, gage du respect de l’accord sur le nucléaire. Et, autre bonne nouvelle pour Téhéran, l’euro, et non plus le dollar, servira de monnaie de transaction.

Sur la question du désarmement, une entente est à portée de main. La Russie et les États-Unis sont engagés dans une course à la modernisation qualitative de leurs arsenaux nucléaires, mais veulent en geler l’expansion quantitative. Le traité actuel sur les armes de longue portée – START – limite à 1550 chacun le nombre de têtes nucléaires, mais il arrive à échéance en 2020. Il pourrait être prolongé de cinq ans sans déstabiliser l’équilibre stratégique entre la Russie et les États-Unis.

Le sommet d’Helsinki avait aussi une autre finalité : poser les bases, certes fragiles, du retour de la Russie au sein du système occidental. Le déroulement sans faute de la Coupe du monde et le sommet entre Poutine et le président américain quelques heures après une troisième rencontre avec Emmanuel Macron en un an soulignent l’absurdité d’isoler la Russie sur la scène internationale. Cette politique est d’ailleurs un échec.

La Russie s’est placée au centre des affaires mondiales. Elle a réussi à tisser des liens avec de nombreux pays émergents, au point où elle semble de plus en plus en mesure de se passer d’une partie de la technologie et des financements occidentaux.

Les Européens, et certainement quelques membres de l’entourage du président Trump, commencent légitimement à se demander si l’ancrage occidental de la Russie n’est pas en train de s’effriter. En particulier, on parle beaucoup de son attrait pour l’Asie et pour la Chine en particulier, cet adversaire stratégique selon l’énoncé de politique sur la sécurité nationale des États-Unis publiée en début d’année.

Si la Russie s’alliait davantage à la Chine, cela ne servirait aucunement les intérêts de l’Occident. La Russie reste encore un pays occidental par sa culture, par sa civilisation, par son économie, par sa lecture des menaces qui planent sur la sécurité internationale.

En ce sens, la rencontre d’Helsinki est un geste positif, malgré le refus du président américain de condamner publiquement l’ingérence russe dans l’élection de 2016. Sa tentative de rapprochement peut réussir, comme elle peut échouer. En tout cas, elle est raisonnable.

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