Macédoine

Une longue querelle historique

Antiquité

Au IVe siècle avant J.-C., le roi Philippe II de Macédoine conquiert et unifie les cités grecques. Son fils, Alexandre, deviendra l’un des plus célèbres hérauts de la culture hellénique, qu’il porte jusqu’aux limites du monde alors connu. La Grèce moderne a fait de cet héritage une partie intégrante de son identité nationale, même si le débat historique se poursuit sur l’origine et la langue des Macédoniens anciens.

Guerres balkaniques, 1912-1913

La région de Macédoine est au centre de la compétition acharnée que se livrent sur les dépouilles de l’Empire ottoman en Europe les États-nations naissants, Grèce, Serbie et Bulgarie, et les grandes puissances d’alors, Autriche-Hongrie, Russie, France et Grande-Bretagne. La Grèce finira par en obtenir plus de la moitié, avec comme fleuron de sa nouvelle province le port de Salonique, seul accès maritime régional. L’équivalent de l’État de Macédoine actuel devient une province du Royaume de Yougoslavie.

Guerres mondiale et civile, 1940-1949

Dans le sillage des troupes nazies, la Bulgarie envahit une partie de la Macédoine grecque. La fin du conflit mondial débouche en Grèce sur une guerre civile entre les troupes communistes et les forces royalistes. Rapidement, les combats se concentrent dans le Nord, où une minorité slavo-macédonienne, laissée par le découpage du début du siècle, est soupçonnée d’être un relais d’ambitions territoriales prêtées au régime communiste du maréchal Tito.

Démantèlement yougoslave, 1991-2008

Seule ancienne république yougoslave, avec le Monténégro ultérieurement, à avoir fait sécession sans guerre, en 1991, la Macédoine n’en est pas moins emportée dans le tourbillon nationaliste qui saisit alors la région. Athènes lui dénie le droit de conserver une quelconque mention du nom de Macédoine. Le pays voisin devient innommable pour les Grecs, qui le désignent dans le langage courant sous le nom de sa capitale, Skopje, ses habitants étant baptisés « Skopiani ».

— d’après l’Agence France-Presse

Monde

La Macédoine devient... la Macédoine du Nord

Le changement de nom du pays des Balkans devrait mettre fin à son conflit avec la Grèce et favoriser son intégration à l’Union européenne et à l’OTAN

Ce sera « République de Macédoine du Nord » : Athènes et Skopje sont finalement arrivés hier à un accord sur le nom de la Macédoine, après une querelle de 27 ans, ce qui rend possible un déblocage de l’adhésion de la petite ex-République yougoslave à l’Union européenne et à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Au terme d’un marathon diplomatique entamé l’an dernier qui a été conclu lundi et hier lors de deux entretiens téléphoniques, les premiers ministres Alexis Tsipras et Zoran Zaev ont pu annoncer l’accord au centre duquel se trouve le nouveau nom.

M. Tsipras, en allant le présenter au chef de l’État grec Procope Pavlopoulos, s’est félicité d’un « bon accord qui couvre toutes les conditions posées par la Grèce ».

En particulier, Skopje accepte de modifier sa Constitution en conséquence, en échange de la possibilité de garder le nom de Macédoine assorti d’une référence géographique.

Cette tâche s’annonce épineuse dans la mesure où M. Zaev ne dispose pas de la majorité qualifiée pour procéder à ces changements et où l’opposition nationaliste a dénoncé l’accord, le qualifiant de « capitulation ».

Le premier ministre a mené les négociations « de manière incompétente et accepté toutes les revendications de la Grèce », a déclaré Hristijan Mickoski, patron du VMRO (opposition, droite nationaliste), à la presse à Skopje.

« Le VMRO n’acceptera pas les changements du nom constitutionnel » du pays (République de Macédoine), a-t-il ajouté.

En Grèce, le nom du voisin ne sera reconnu officiellement que sous sa formulation en macédonien de « Severna Makedonja », ont annoncé les services de M. Tsipras.

M. Zaev, de son côté, a salué « une solution historique après deux décennies et demie » de querelles.

L’accord n’est cependant pas définitif et doit encore être ratifié par le Parlement macédonien puis soumis à un référendum à l’automne, avant d’être enfin ratifié par le Parlement grec une fois l’acceptation définitivement actée chez son voisin du Nord.

« Je croise les doigts »

Depuis l’indépendance de l’ancienne république yougoslave en 1991, la question du nom de la Macédoine a été un âpre sujet de discussion de part et d’autre de la frontière, attisé régulièrement au gré du plus ou moins grand nationalisme des gouvernements en place.

La Grèce ne tolérait pas que son voisin prenne le nom de sa province septentrionale et s’arroge la splendeur et les hauts faits des deux grands rois de la Macédoine antique, Philippe II et son fils Alexandre le Grand.

En conséquence, Athènes ne reconnaissait officiellement l’Ancienne République yougoslave de Macédoine que sous cet acronyme (ARYM), tout comme Berlin ou Paris, tandis que plus de 140 pays, dont la Russie, les États-Unis, la Chine ou le Royaume-Uni, avaient accepté « Macédoine ».

Surtout, Athènes a mis son veto à toute tentative de Skopje de se joindre à l’OTAN et à l’UE.

L’immense enjeu du règlement pour la Macédoine est donc de décrocher un feu vert au sommet européen de la fin de juin pour entamer des négociations d’adhésion avec l’UE et d’obtenir une invitation à rallier l’OTAN au sommet de l’Alliance des 11 et 12 juillet.

L’accord a été salué par une salve de félicitations, notamment de la part des dirigeants de l’UE et de l’OTAN.

« Sincères félicitations aux PM [Tsipras et Zaev]. Je croise les doigts. Grâce à vous l’impossible devient possible », s’est enthousiasmé le président du Conseil européen Donald Tusk, sur Twitter.

Même tonalité de la part de la vice-présidente de la Commission européenne Federica Mogherini et du Commissaire à l’intégration européenne Johannes Hahn qui, dans un communiqué, ont « salué de tout cœur » les deux premiers ministres pour « leur détermination et leur leadership dans cet accord […] qui contribue à la transformation de toute l’Europe du Sud-Est ».

Débats internes en vue

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a lui aussi « salué chaleureusement la nouvelle », au terme de « nombreuses années de patiente diplomatie ». Il a demandé aux deux pays de « finaliser l’accord », pour « mettre Skopje sur la voie de l’adhésion à l’OTAN » et « renforcer la paix et la stabilité » dans les Balkans occidentaux.

Il n’est toutefois pas certain que ce chœur de louanges, qui marque le début du chemin de Skopje vers l’intégration, convaincra les franges nationalistes qui persistent de part et d’autre de la frontière.

Proche de la droite nationaliste, le président macédonien Gjorge Ivanov avait ainsi considéré hier en milieu de journée qu’il était « irresponsable que la question du nom […] soit débattue au téléphone entre les premiers ministres ».

L’allié de M. Tsipras au sein de son gouvernement, le ministre souverainiste de la Défense Panos Kammenos, est quant à lui opposé depuis toujours à tout partage du nom de Macédoine.

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