Opinion

Un accès inéquitable aux soins de santé

Aucun Québécois ne devrait se demander s’il a les moyens de se faire soigner

Un article de La Presse nous apprenait le 10 juillet dernier que « les patients dont les opérations urgentes se voient repoussées, faute de ressources, présentent un risque plus élevé de mourir ». Toujours en juillet, le ministre Barrette négociait avec les sociétés pharmaceutiques le prix des médicaments génériques.

Malgré ce que le ministre clame avoir obtenu, nous considérons que les prix des médicaments au Québec demeurent exagérés et qu’ils viennent alourdir les frais de santé. Aurait-on besoin d’une étude sur les conséquences de ne pas prendre ses médicaments pour agir ? 

Depuis la parution de ces annonces, déjà deux personnes nous ont sollicités afin d’obtenir de l’aide financière pour des soins de santé. Julie (prénom fictif) est une personne bénéficiaire de l’aide sociale avec contrainte sévère à l’emploi, dont la vie a littéralement basculé à la suite d’un diagnostic de sclérose en plaques en 2000. Elle a reçu, après une période d’attente de trois ans chez un dermatologue (!), une ordonnance de chirurgie plastique à l’hôpital pour des tumeurs anormales, et possiblement cancéreuses, au nez et à une jambe. 

Après plusieurs mois d’attente, elle a finalement contacté l’établissement de santé qui lui a suggéré, afin d’accélérer le processus, de consulter un chirurgien au privé, ce qui lui coûterait 500 $.

Ne disposant pas de cette somme, elle a décidé de prendre son mal en patience. Pendant ce temps, ses tumeurs continuent de grossir et d’accentuer son anxiété.

Pire : Julie doit prendre, sur recommandation de son médecin, du magnésium et plusieurs suppléments alimentaires, de même que trois boissons nutritives par jour, qui ne sont évidemment pas remboursées et qu’elle doit limiter, faute d’argent. 

De son côté, Francis (prénom fictif) est sur le régime de la Régie des rentes d’invalidité. Il souffre d’asthme et de dépression chronique. N’ayant pas les moyens de payer ses médicaments, il a décidé de couper lui-même ses antidépresseurs et son médecin lui a gracieusement offert des échantillons pour une période de quatre mois afin de traiter son asthme. 

Un accès inéquitable

La question qui tue : comment se fait-il que ces situations soient devenues normales ? Ce ne sont là que deux cas récents et nous pourrions facilement allonger cette liste tant ce genre de demandes nous est familier. 

Déjà, en 2005, un sondage réalisé par l’Union des consommateurs (qui regroupe plusieurs ACEF, dont la nôtre) révélait que 74 % des personnes nous ayant contacté pour une consultation budgétaire s’étaient endettées pour se procurer un médicament prescrit pour eux-mêmes ou pour un membre de leur famille. Douze ans plus tard, la situation s’est-elle améliorée ? Poser la question, c’est bien sûr y répondre… 

L’accès aux médicaments et aux soins de santé n’est tout simplement pas équitable pour tous. Et le constat que nous faisons sur le terrain, c’est que de plus en plus de gens doivent carrément choisir entre se nourrir ou se soigner. Cette situation est d’autant plus dramatique que l’on sait combien les visites aux urgences et les hospitalisations augmentent significativement pour les personnes qui sont dans l’incapacité d’obtenir leurs médicements. À l’instar de l’Union des consommateurs, nous croyons qu’il faut en faire beaucoup plus pour réduire le coût des médicaments au Québec, et maintenir un système de santé public et accessible pour tous. 

Il n’y a pas lieu de se vanter d’une diminution du prix des médicaments génériques consentie par l’industrie pharmaceutique elle-même. On pourrait obtenir beaucoup plus ! L’explosion des coûts des médicaments au Québec et au Canada (où nous payons au moins 30 % de plus que la moyenne des pays de l’OCDE) appelle impérativement à un régime universel d’assurance médicament. Il en va de notre santé en tant que société. Nous avons l’intime conviction qu’en 2017, aucun Québécois ne devrait se demander s’il a les moyens de se faire soigner…

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