politique

Résumé des nouvelles du jour sur la scène politique fédérale

Analyse

Le jeu des négociations commence

Ottawa — Dès le lendemain des élections fédérales du 21 octobre, l’auguste Bibliothèque du Parlement a publié une étude d’une trentaine de pages fort pertinente qui explique de long en large les aléas d’un gouvernement qui ne détient pas la majorité des sièges à la Chambre des communes.

Le titre de l’ouvrage est peut-être ronflant (Le passage à la 43e législature : Questions et réponses). Mais les renseignements qu’il contient sur les aspects constitutionnels, conventionnels et pratiques de la réalité qui est maintenant celle du gouvernement de Justin Trudeau sont si précieux qu’ils pourraient former le fil conducteur d’un livre portant un tout autre titre : Les gouvernements minoritaires pour les nuls.

Combien de temps un gouvernement minoritaire peut-il rester au pouvoir au Canada ? Quelles dispositions les partis politiques peuvent-ils prendre pour coopérer ? Quand un gouvernement minoritaire peut-il demander la dissolution du Parlement pour solliciter un nouveau mandat ? Un sénateur peut-il être nommé ministre ? Telles sont quelques-unes des nombreuses questions auxquelles les auteurs de l’étude, Andre Barnes et Laurence Brosseau, tentent d’offrir une réponse éclairée.

Les députés nouvellement élus au dernier scrutin – et pourquoi pas le premier ministre et ses proches collaborateurs aussi ? – auraient intérêt à en faire la lecture s’ils veulent mieux comprendre ce qui les attend à compter du 5 décembre, date à laquelle le gouvernement Trudeau compte présenter son discours du Trône, qui donnera le coup d’envoi aux travaux de la nouvelle législature.

C’est dans ce discours du Trône que le gouvernement Trudeau précisera ses grandes intentions du mandat qu’il entreprend.

En plus de donner lieu à une cérémonie hautement protocolaire, ce discours du Trône est lu au Sénat par la gouverneure générale Julie Payette. Mais surtout, il fait l’objet d’un vote de confiance.

Le gouvernement Trudeau, qui détient maintenant 157 des 338 sièges aux Communes, doit obligatoirement obtenir l’appui du NPD ou du Bloc québécois durant ce vote pour espérer se maintenir au pouvoir.

Ton plus conciliant

Depuis qu’il a été reporté au pouvoir à la tête d’un gouvernement minoritaire, le 21 octobre, le premier ministre Justin Trudeau a adopté un ton plus conciliant. Il multiplie les appels et les rencontres avec des alliés comme des adversaires. Il promet de travailler avec les autres formations politiques dans l’intérêt supérieur de l’ensemble des Canadiens. Il est prêt à mettre un peu d’eau dans son vin pour s’assurer que le Parlement fonctionne rondement. Il veut éviter de plonger le pays dans des élections hâtives.

En prévision de la reprise des travaux parlementaires, et de la présentation du discours du Trône, le premier ministre a entrepris de rencontrer les leaders des autres formations politiques. Le chef du Parti conservateur Andrew Scheer était le premier à se rendre à son bureau de la colline parlementaire mardi. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est le prochain à défiler au bureau de M. Trudeau. Jeudi, ce sera au tour du chef du NPD Jagmeet Singh tandis que l’ancienne cheffe du Parti vert Elizabeth May aura droit à son audience vendredi.

S’il est prêt à dire oui à certains compromis avec le NPD ou le Bloc québécois, Justin Trudeau est plutôt d’humeur à dire non à la compromission sur des enjeux qu’il juge prioritaires, comme la lutte contre les changements climatiques. La pierre angulaire de la politique de son gouvernement en la matière consiste à imposer une taxe sur le carbone. À l’instar de certains premiers ministres provinciaux comme Jason Kenney, de l’Alberta, et Scott Moe, de la Saskatchewan, le Parti conservateur réclame l’abolition de cette taxe.

« Le mois passé, les Canadiens ont élu un Parlement et ils s’attendent à ce que l’on travaille ensemble pour bien les servir. C’est exactement ce à quoi je m’attends et ce que je vais m’engager à faire. Nos priorités vont être la croissance pour la classe moyenne, la lutte contre les changements climatiques, et j’ai bien hâte de discuter de ces enjeux-là avec M. Scheer », a lancé M. Trudeau, hier, après avoir serré la main du chef conservateur devant les caméras et l’avoir invité à s’asseoir.

« Plus divisés que jamais »

Autre signe que M. Trudeau croit que son gouvernement devra s’allier davantage avec le NPD qu’avec le Parti conservateur pour naviguer dans les eaux périlleuses d’un gouvernement minoritaire : il a annoncé, en présence de M. Scheer, que les travaux parlementaires reprendront seulement le 5 décembre, après la tenue d’un sommet de l’OTAN qui aura lieu à Londres les 3 et 4 décembre.

La veille, Andrew Scheer avait exhorté le premier ministre à reprendre le collier beaucoup plus tôt, le 25 novembre, soit cinq jours après le dévoilement du nouveau cabinet fédéral.

« Le pays est plus que jamais divisé. Nous devons nous mettre au travail le plus rapidement possible pour mettre en œuvre les priorités des Canadiens. »

— Andrew Scheer, chef conservateur, après avoir appris la date de la reprise des travaux, quelques minutes avant la rencontre, grâce à un gazouillis du bureau du premier ministre

Les Canadiens se sont donné un gouvernement minoritaire à trois reprises au cours de la décennie précédente. En 2004, le libéral Paul Martin a été élu à la tête d’un premier gouvernement minoritaire en 25 ans. En 2006, Stephen Harper a mis fin à 11 ans de règne libéral, mais en formant à son tour un gouvernement minoritaire conservateur. Il a été réélu à la tête d’un gouvernement minoritaire en 2008. Ce n’est qu’en 2011 que M. Harper a obtenu un mandat majoritaire, même si son parti n’a alors remporté que cinq sièges au Québec.

De tous les chefs, seul le bloquiste Yves-François Blanchet peut se targuer d’avoir connu de près l’expérience d’un gouvernement minoritaire… à l’Assemblée nationale. Il était ministre de l’Environnement dans le gouvernement péquiste de Pauline Marois, au pouvoir de septembre 2012 à mars 2014. M. Blanchet a choisi un autre ancien député péquiste, Alain Therrien, qui a siégé à l’Assemblée nationale de 2012 à 2018, pour agir comme leader parlementaire aux Communes – un poste névralgique dans un contexte minoritaire.

Justin Trudeau a fait son entrée à la Chambre des communes en 2008 sur les banquettes de l’opposition, alors que Stephen Harper obtenait un deuxième mandat minoritaire. Andrew Scheer n’a occupé aucune fonction ministérielle durant les deux mandats minoritaires conservateurs. Quant au chef du NPD, Jagmeet Singh, il a été élu pour la première fois aux Communes il y a neuf mois à peine.

Le jeu des négociations entre le premier ministre et les chefs des autres partis vient donc de commencer dans la capitale fédérale. Ils risquent tous de marcher à tâtons durant les premiers mois, sachant pertinemment bien qu’un faux pas pourrait accidentellement provoquer des élections dont aucun parti ne veut à court terme.

Politique fédérale

De retour au travail le 5 décembre

Ottawa — On aura bientôt un avant-goût de la façon dont le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau parviendra à tirer son épingle du jeu : la Chambre des communes a été convoquée le 5 décembre prochain.

« Le mois passé, les Canadiens ont élu un Parlement et ils s’attendent à ce qu’on travaille ensemble pour bien les servir, et c’est exactement ce à quoi je m’attends et ce que je vais m’engager à faire », a déclaré mardi Justin Trudeau.

Il a tenu ces propos assis dans un fauteuil en cuir de son bureau de l’édifice de l’Ouest, où il recevait pour la première fois depuis les élections du 21 octobre le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer.

En sortant des quartiers du premier ministre désigné, le leader de l’opposition a regretté que les parlementaires ne reprennent pas le collier avant, car « nous sommes confrontés à une réelle crise en matière d’unité nationale ».

Un terrain d’entente qui se profile à l’horizon, à son avis : une baisse d’impôts pour les nouveaux parents – une idée qui émane des conservateurs. Mais ultimement, « c’est à M. Trudeau de [s’assurer] que le discours du Trône soit adopté », a plaidé le chef Scheer.

Premier test

Le premier test du gouvernement de Justin Trudeau est effectivement cette allocution que prononcera le 5 décembre la gouverneure générale du Canada, Julie Payette, et qui fera ensuite l’objet d’un vote de confiance à l’issue de débats en Chambre.

La cérémonie du discours aura lieu dans le nouveau bâtiment qui abrite le Sénat, rue Wellington – les deux chambres étaient auparavant situées dans le même édifice, celui du Centre, qui a été fermé en décembre dernier pour des rénovations majeures.

Mais la première tâche à laquelle devront s’atteler les élus à leur retour sur la colline d’Ottawa sera l’élection du président de la Chambre des communes. Cet arbitre des débats parlementaires est choisi par l’ensemble de ses collègues, par vote secret.

Les députés siègeront sept jours au total, soit jusqu’au 13 décembre. Le gouvernement libéral pourrait en profiter pour faire adopter la mesure de réduction d’impôts qu’il a promise en campagne électorale.

Tous les chefs des partis de l’opposition réclamaient l’ouverture de la 43e législature avant la fin de l’année 2019. Le leader du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a accueilli l’annonce favorablement.

« La nouvelle délégation du Bloc est prête à entamer le travail avec l’enthousiasme, la dignité et le sérieux que nous avons mis de l’avant en campagne », a déclaré par voie de communiqué celui qui sera le deuxième à échanger avec Justin Trudeau, mercredi.

Moe maugrée

Au milieu de ce blitz de rencontres avec ses homologues de l’ordre fédéral, le premier ministre désigné poursuit ses réunions avec les premiers ministres provinciaux. Mardi, c’était au tour du Saskatchewanais Scott Moe.

Le dirigeant était entre autres venu réclamer une suspension d’un an de la tarification sur le carbone et un engagement à revoir la formule de calcul de la péréquation. Sans grande surprise, il est ressorti les mains vides.

Et il n’a pas caché sa déception.

« Le soir de l’élection, [Justin Trudeau] a dit qu’il comprenait les frustrations des gens de la Saskatchewan. Après la rencontre d’aujourd’hui [mardi], ce que je constate, c’est que ce sera du pareil au même », a-t-il déclaré en point de presse.

La province dévoilera sous peu un plan pour se donner plus d’autonomie, a noté Scott Moe, qui a néanmoins dit croire en un Canada uni, alors que le mouvement du Wexit prend de l’ampleur dans sa province et sa voisine, l’Alberta.

Il n’est par ailleurs pas réfractaire à l’idée d’imiter le premier ministre albertain, Jason Kenney, et de proposer à ses concitoyens la tenue d’un référendum pour sortir du système de péréquation. « Je n’écarterai pas cette option », a-t-il laissé tomber au micro.

Aucun député libéral n’a été élu en Saskatchewan (14 sièges) et en Alberta (34 sièges). Les conservateurs d’Andrew Scheer ont tout raflé, forçant Justin Trudeau à trouver des moyens de s’assurer que les deux provinces soient représentées au fédéral.

Politique

David Johnston suggère des débats à deux ou trois

Le commissaire aux débats des chefs fédéraux, David Johnston, croit qu’on pourrait améliorer la formule en ajoutant deux autres débats, qui opposeraient seulement les deux ou trois prétendants sérieux au poste de premier ministre, selon ce que suggèrent alors les sondages. L’ex-gouverneur général a lancé cette idée mardi lors d’un événement à Ottawa pour faire la promotion de son nouveau livre. M. Johnston a entendu les nombreuses critiques formulées à la suite du débat en anglais, qui comprenait six chefs de parti et cinq modératrices. Plusieurs commentateurs ont déploré la cacophonie qui a souvent régné dans ce débat. « Je pense que six chefs, ça fait un plateau assez chargé, mais en vertu de son mandat, la Commission des débats, que je préside, devait autoriser tout chef d’un parti qui avait une chance légitime de faire élire des candidats […] dans deux circonscriptions ou plus, ce qui place la barre assez bas », a-t-il expliqué. Par contre, des débats avec plusieurs chefs permettent d’entendre « tout le spectre » politique, a-t-il ajouté. C’est la raison pour laquelle M. Johnston suggère d’ajouter deux débats, un dans chaque langue officielle, qui seraient réservés seulement aux deux ou trois chefs de parti qui mènent à ce moment-là dans les sondages. Il croit aussi qu’il vaudrait peut-être mieux recourir à un seul modérateur plutôt qu’à cinq.

— La Presse canadienne

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