Montréal

Lachine-Est, premier quartier vert ?

Transports publics exemplaires, pistes cyclables, logements sociaux, certification LEED, chauffage par géothermie… Lachine-Est a conclu un partenariat avec Strasbourg pour devenir un modèle de quartier vert pour Montréal. 

« On se donne huit mois pour avoir un projet de règlement et un début de planification », a dit hier à La Presse la mairesse de l’arrondissement, Maja Vodanovic.

Pourquoi Strasbourg ? Parce que cette ville possède une grande expertise dans le domaine des quartiers verts avec 33 ÉcoQuartiers reconnus sur son territoire, dont celui de Danube situé sur une friche industrielle et portuaire. 

Lachine-Est, dans le sud-ouest de Montréal, est aussi une friche industrielle.

Son territoire est vaste : plus de 60 hectares compris entre le canal de Lachine, la 6e Avenue, la rue Victoria et les voies ferrées du Canadien Pacifique. 

10 000

Nombre de nouveaux résidants que l'arrondissement prévoit accueillir à Lachine-Est d’ici 10 ans : 500 unités d’habitation (développement VillaNova) sont déjà construites ou en voie de l’être.

Au début du mois, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a tenu des audiences sur l’avenir de ce secteur situé à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Montréal. Résultat : plus de 50 mémoires ont été déposés, dont plusieurs de grande qualité, selon la mairesse Vodanovic qui a assisté à la plupart des présentations. « Ce qui m’a étonnée, dit-elle, c’est que les gens voulaient vraiment un quartier vert. »

Ce n’est pas d’hier qu’on parle de requalifier cet ancien pôle industriel. Déjà en 2004, Lachine-Est a été désigné au Plan d’urbanisme comme secteur à transformer en raison du déclin de ses activités industrielles. L’usine de valves Jenkins a fermé ses portes en 1991, imitée par Allis-Chalmers en 2000, puis par la Dominion Bridge en 2003. 

Aujourd’hui, la plupart des bâtiments industriels sont abandonnés, sous-utilisés ou ont été détruits. Les terrains les plus convoités sont les 20 hectares qui étaient autrefois occupés par la Dominion Bridge, spécialisée dans le travail du fer et de l’acier. 

L’enjeu de la mobilité

Les obstacles à la réalisation d’un quartier vert sont toutefois nombreux, à commencer par la mobilité : le gouvernement Legault a dit non au projet de ligne rose de la mairesse Valérie Plante. « À court, moyen, long terme, ce n’est pas un projet qu’on va mettre de l’avant », a répété le ministre des Transports, François Bonnardel, à la mi-février. 

Or, sans un lien rapide entre Lachine et le centre-ville, il n’y a pas de développement durable possible. Encore moins de quartier vert.

La solution, selon la mairesse Vodanovic, passe par un système de train léger.

« On a déjà les rails le long de la rue Victoria jusque sous l’échangeur Saint-Pierre, précise-t-elle. On n’a pas besoin de faire d’expropriation. Et le ministère des Transports nous assure qu’il y a de l’espace le long de la falaise Saint-Jacques, où le REM devait passer initialement. Ça permettrait de relier le nouveau développement au centre-ville de Montréal, ce dont on parle depuis les années 70. »

En attendant, la Ville a recruté le consortium Ouranos, qui regroupe une cinquantaine de chercheurs spécialisés dans la science du climat, pour mener une étude sur le secteur à développer. « On va servir de cobaye pour repenser la communauté au XXIe siècle, dit Mme Vodanovic. Lachine-Est sera le premier grand projet de développement réalisé en amont à Montréal. »

La mairesse a aussi proposé de créer L’atelier Lachine-Est, une table ronde réunissant des architectes, des urbanistes, des promoteurs et des groupes de citoyens « pour tester des choses » durant tout le processus de reconversion. Sans parler des échanges qui auront lieu avec Strasbourg.

De nombreux critères

En règle générale, un quartier écolo est aménagé sur d’anciennes zones ferroviaires ou industrielles ; il réduit son empreinte écologique au maximum, favorise le développement économique, la qualité de vie, la mixité et l’égalité sociale. Un grand nombre de problématiques sont prises en compte avant sa construction : gestion de l’eau, traitement des déchets, transport, intégration sociale, participation citoyenne, protection des paysages, commerces de proximité… 

Montréal a instauré un programme Éco-quartier en 1995, mais celui-ci vise à aider les citoyens à adopter des comportements plus écolos. Il n’a rien à voir avec les quartiers durables tels qu’on les conçoit aujourd’hui dans le monde. 

Il y a 600 quartiers labellisés « ÉcoQuartiers » en France. « C’est une démarche qui peut s’adapter à des configurations urbaines très différentes et permet de mobiliser et d’intégrer les citoyens », précise Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg et responsable de l’urbanisme et de la transition énergétique, invité à Montréal, début mars, par l’organisme communautaire Imagine Lachine-Est.

Les ÉcoQuartiers misent sur les transports collectifs, le vélo, les espaces verts, la construction de bâtiments durables et l’accessibilité au plus grand nombre. Strasbourg fait figure de leader en France, mais le concept a vu le jour en Suède, au début des années 90.

« La France a labellisé les ÉcoQuartiers pour offrir une garantie aux futurs habitants, souligne M. Jund. L’objectif est de se servir de ces quartiers pour transformer la ville. Ce sont les collectivités publiques, plus souvent les villes, qui définissent les règles du jeu et le cadre de la démarche. Pas les promoteurs, ni les lois du marché. Après, chacun vient se mettre dans ce cahier des charges. »

Avec le retrait des États-Unis de l’accord de Paris, M. Jund aime penser que les villes ont la volonté et le pouvoir de changer les choses. 

Imagine Lachine-Est

Jean-François Lefebvre est membre d’Imagine Lachine-Est, un organisme sans but lucratif (OSBL) établi à Lachine qui fait la promotion de pratiques et de politiques favorisant le développement urbain durable et écologique. « C’est mon bénévolat », dit ce chargé de cours en études urbaines à l’UQAM. « Si on ne réussit pas, dans les nouveaux quartiers, à réduire notre dépendance à l’auto, on ne réussira pas ailleurs », fait-il valoir. 

Pour lui, la réussite du développement de Lachine-Est repose sur trois facteurs : la construction d’un lien rapide avec le centre-ville de Montréal (un métro de surface ou un tramway), l’installation de la géothermie pour l’ensemble du secteur et l’adoption d’un cadre réglementaire pour permettre la mixité sociale et le verdissement. 

« On ne réinvente pas la roue, dit-il. Mais on veut s’inspirer des meilleures pratiques dans le monde pour créer un modèle qui va devenir un label pour le gouvernement du Québec », comme le sont devenus les ÉcoQuartiers en France.

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