chronique

Cap sur l’Europe

À l’approche de la saison des vacances, certains voyageurs sont peut-être tentés par l’Europe. Eh bien, ils ne sont pas les seuls, car le Vieux Continent séduit aussi les gestionnaires de portefeuille, tout à coup ragaillardis par l’élection d’Emmanuel Macron en France.

C’est la nette impression que j’ai eue en écoutant les propos de différents spécialistes glanés lors de la Conférence de Montréal qui s’est déroulée cette semaine et lors de la Soirée des prévisions de CFA Montréal, la grand-messe annuelle des analystes financiers de la métropole qui avait lieu la semaine dernière.

Après des années à parler de la crise des dettes souveraines en Europe, des risques d’éclatement de l’Union européenne ou encore du Brexit, le ton ne pouvait pas être plus contrasté.

Aujourd’hui, l’Europe – la France, plus précisément – semble avoir retrouvé la faveur de nombreux stratèges. Il faut dire qu’il n’est pas si simple de trouver un endroit abordable où placer ses billes, alors que les marchés boursiers célèbrent leur huitième année de hausse.

Plus précisément, l’indice S&P 500 de la Bourse américaine, qui a plus que triplé depuis 2009, maintient sa tendance haussière depuis maintenant 2000 jours ouvrables. Il n’avait connu une plus longue séquence qu’une seule fois depuis la Grande Dépression.

La période la plus longue avait été enregistrée entre 1990 et 2000. Dois-je vous rappeler que la fête s’est terminée par l’éclatement de la bulle des technos ? (voir tableau à la fin)

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Cela fait dire à certains experts, comme André Bourbonnais, président du régime de retraite Investissements PSP, qu’on est mûrs pour une correction boursière cet automne.

Et il n’est pas le seul à voir des nuages à l’horizon. « À court terme, ça s’annonce bien, parce que nous avons eu des stimuli monétaires sans précédent. Et ça marche. Mais si on regarde plus loin, ça fait un peu peur », avoue Paul Podolsky, associé chez Bridgewater Associates.

À son avis, la vague de populisme qui déferle à l’échelle mondiale est l’un des risques les plus graves qui nous menacent. Cela pourrait mener à une situation que l’on n’a pas vue de notre vivant et qui pourrait changer complètement les règles du jeu.

« L’hégémonie des États-Unis dans le monde est en train de s’éroder. Nous sommes dans un monde plus multipolaire, ce qui signifie un monde moins stable. »

— Marko Papic, vice-président principal, stratégie géopolitique, de la firme montréalaise BCA Research

Gare à ceux qui sous-estiment les risques géopolitiques dans leur portefeuille.

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Dans ce contexte, l’élection d’Emmanuel Macron redonne de l’espoir aux marchés financiers.

« Cela réduit les probabilités d’un démantèlement de la zone euro. Je pense que ça peut aussi apporter un vent de fraîcheur et d’optimisme sur les marchés européens », estime Clément Gignac, économiste en chef à l’Industrielle Alliance. Lui-même surpondère actuellement l’Europe dans les portefeuilles de 6 milliards de dollars qui se trouvent sous sa gouverne.

Les réformes difficiles que le nouveau président veut opérer pourraient améliorer les perspectives de croissance de profits des entreprises qui sont plus limitées, notamment à cause des règles du marché du travail.

Par exemple, ces dernières années, 80 % des embauches ont été faites pour des contrats à court terme, parce qu’autrement, les employeurs peuvent difficilement éliminer le poste par la suite. « Macron est plutôt d’avis que si l’on permet aux entreprises de faire des réductions de personnel, dans des conditions raisonnables, les jeunes pourront finalement avoir des emplois de qualité plutôt que des contrats à court terme », explique Philip Stephens, commentateur politique en chef au Financial Times.

Bien sûr, la France reste la France. Les syndicats descendront dans la rue, même si Macron a l’intention de déposer plusieurs réformes au mois d’août… alors que tout le monde est en vacances !

« Mais ses chances de livrer la marchandise sont extrêmement élevées. L’électeur médian en France en a assez. Le résultat des législatives suggère que la majorité silencieuse est favorable à des réformes », insiste M. Papic.

Il rappelle que la communauté financière a toujours beaucoup de mal à prévoir les réformes politiques majeures, que l’on pense à celle de Margaret Thatcher, qui avait été sous-estimée, ou à celles de la Suède au début des années 90, de l’Allemagne dans les années 2000 ou de l’Espagne depuis cinq ans.

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Chose certaine, la Bourse européenne est moins chère que la Bourse américaine, fait valoir M. Gignac. Le ratio cours/bénéfice se situe autour de 15, contre 18 aux États-Unis. Le ratio cours/valeur comptable n’est que de 1,8, contre 3,1 du côté américain. Et le rendement du dividende est plus juteux (3 % contre 2 %).

Ces évaluations avantageuses pourraient raviver l’intérêt des investisseurs qui se sont détournés des actions européennes au cours de la dernière décennie. Par exemple, les régimes de retraite au Royaume-Uni ont réduit la portion en actions dans leur portefeuille de 61 % en 2007 à 29 % en 2017, souligne M. Gignac.

Assistera-t-on à un retour du balancier bientôt ?

Pour les investisseurs particuliers qui désirent faire un petit saut en Europe, le fonds négocié en Bourse iShares MSCI Eurozone (EZU) est une façon simple et peu coûteuse de traverser l’océan.

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