Un miracle nommé Odelein

L’ancien défenseur du CH a subi une opération extrêmement risquée à laquelle « personne n’avait jamais survécu »

Cinq pour cent. Dans le grand ordre des choses, dans toutes les sphères de la vie, 5 %, c’est toujours peu. Cinq pour cent, dans l’histoire qui nous préoccupe, c’était les chances que Lyle Odelein puisse survivre à une opération urgente et imprévue. Odelein, jadis un défenseur gros format dans la Ligue nationale de hockey, un solide gaillard de la Saskatchewan qui avait l’habitude de ne reculer devant personne, était confronté à ce plus grand des défis, allongé sur la table d’opération. Cinq pour cent. C’est tout ce qui lui restait.

Une énorme malchance l’avait placé dans cette terrible position. Une histoire un peu stupide, vraiment. C’est arrivé l’hiver dernier, en Arizona, pendant une ronde de golf, une ronde comme Lyle Odelein a dû en disputer des centaines dans sa vie. Un élan raté. Une balle perdue quelque part, à l’écart du terrain. Et puis Odelein, en compagnie de son beau-frère, part à la recherche de l’objet et entre en contact avec un cactus, sans jamais se douter de ce qui allait suivre.

Il se rappelle les épines dans sa peau, mais sur le coup, il avait choisi de ne pas en faire de cas. « Je croyais avoir réussi à toutes les enlever », explique-t-il au bout du fil.

Les jours passent, et une semaine plus tard, l’ancien défenseur remarque que ça ne va pas du tout. Quelque chose cloche. Visite chez le médecin, qui lui dit que ce n’est sans doute rien de grave. Peut-être une mauvaise grippe ? De toute façon, à peine deux semaines auparavant, il avait subi des tests sanguins, comme bien des hommes de son âge le font. Tous les résultats s’étaient avérés négatifs.

Ensuite, ça s’est mis sérieusement à débouler. En plus des épines du cactus, son médecin évoquera plus tard une visite chez le dentiste et des bactéries qui auraient pu mener à ce cauchemar.

« Il y a eu une infection, et mes reins ont été atteints, puis mon foie… mon sang était empoisonné. Et puis je voyais ma jambe qui était en train de devenir brune… »

Lyle Odelein sera admis d’urgence dans un hôpital de Pittsburgh au mois de mars. Il n’en sortira qu’en juillet.

***

Ce qui est remarquable avec lui, c’est que sa bonne humeur presque légendaire est intacte. En entrevue téléphonique avec La Presse, l’homme de 50 ans est jovial, il fait des blagues et il parle rapidement, avec un enthousiasme qui est contagieux. On a du mal à croire que ce type est passé à deux doigts de la mort il n’y a pas si longtemps.

Et pourtant.

« J’ai été dans le coma pendant 40 jours, enchaîne-t-il. Ma condition a mené à une opération d’urgence, et mes chances d’en sortir étaient de 5 %. Il fallait m’opérer au cœur et procéder à une transplantation des reins et du foie. Il y a des gens avant moi qui avaient tenté ce genre d’opération, mais personne n’avait jamais survécu… »

Il ne se souvient pas de grand-chose, sinon qu’il avait hâte de sortir de là. Qu’il avait hâte de s’en sortir, point. Au moment de retrouver la conscience et de pouvoir, enfin, ouvrir les yeux, il n’était même plus capable de bouger, plus capable de parler non plus.

« Il a fallu que je réapprenne à marcher. Ça m’a pris un bon bout de temps, des heures et des heures en réadaptation. Mais ça va mieux, maintenant. Je suis capable de marcher sans avoir à traîner une canne avec moi. J’ai finalement pu sortir de l’hôpital le 5 juillet, 115 jours après y avoir été admis. J’ai perdu 65 livres. Je savais que j’avais du poids à perdre, mais j’aurais préféré le perdre d’une autre façon… »

Peut-être était-ce le destin ? Lyle Odelein ne voulait pour rien au monde rater la réunion du Canadien de 1993, les derniers champions montréalais de la Coupe Stanley. C’est le 25e anniversaire de cette conquête, à laquelle Odelein a participé. Les joueurs de l’équipe de 1993 seront présentés au public du Centre Bell à l’occasion du match d’ouverture local du Canadien, jeudi soir, alors que les Kings de Los Angeles seront les visiteurs.

Odelein, qui a joué pour le Canadien de 1989-1990 à 1995-1996, tenait à y être.

« Après ce que j’ai vécu, on se met à apprécier la vie chaque jour. Je suis juste content d’être ici et j’ai hâte à [demain], quand je vais arriver à Montréal en vue de la fête. Ça va être incroyable. Le Canadien, c’était mon équipe, et j’ai détesté être échangé. Il y a plusieurs partisans du Canadien qui m’ont écrit cet été avec tout ce qui est arrivé, il y a des gens de Montréal qui m’appellent… Je savoure chaque moment et je crois que Dieu existe. »

On lui demande s’il a des projets pour la suite des choses. Des projets ? Pas vraiment, dit-il.

« J’ai de la famille en Californie, alors je pense que je vais aller là, et que je vais jouer au golf. Il n’y a pas de cactus sur les terrains de golf en Californie… »

Au bout du fil, il se met à rire. Lyle Odelein est en vie. Et de toute évidence, c’est pas mal tout ce qui compte.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.