ET foncent les filles
En faisant défiler la programmation d’Osheaga, les noms se succèdent : Mitski, Nilüfer Yanya, The Black Madonna… De jeunes artistes féminines solo à la signature unique, à la personnalité forte, à l’attitude marquante, à tout.
La programmatrice Camille Guitton travaille depuis cinq ans chez evenko. Et elle la voit, cette nouvelle génération composée de femmes super talentueuses qui débarquent avec « des propositions inédites, des choses que l’on n’a jamais entendues ».
Elle nomme la Brooklynoise King Princess, 20 ans, qui, ce matin-là, vient de sortir un nouveau simple. Ou encore la magnétique Espagnole Rosalía, son artiste favorite du moment, qu’elle a découverte grâce au vidéoclip de sa chanson Malamente. Et dont le visionnement l’a laissée sans voix. « C’est tout ce que j’aime, en fait. Ce mélange de flamenco traditionnel, de codes très hip-hop dans sa manière de bouger, énumère-t-elle. Le plan où elle est assise sur une moto avec un genre de torero ? Je n’avais jamais vu ça de ma vie. C’est ce qui m’excite dans ce métier : toujours être surprise. La créativité des artistes est incroyable. »
Et elles sont une trentaine cette année à se retrouver sur l’affiche d’Osheaga, armées d’une telle inventivité. L’Ontarienne Lennon Stella, 19 ans, qui a joué dans la télésérie sur le country Nashville ; l’Australienne Mallrat, de son vrai nom Grace Shaw, 20 ans, qui concocte des perles de pop sucrée ; la DJ britannique Charlotte de Witte, 27 ans, qui parcourt la planète avec son électro dense et directe.
« Ces filles sont là pour de bon. Dans 15 ans, on va encore en entendre parler. J’en suis persuadée. »
— Camille Guitton, programmatrice chez evenko
Mais à quoi attribuer cette effervescence ? Sans vouloir sonner comme si nous avions 298 ans, les réseaux sociaux y sont assurément pour beaucoup. « Le fait qu’on soit tous connectés permet un mélange des genres bien plus fort qu’autrefois, analyse Camille Guitton. Nous sommes influencés par plein de musiques de partout dans le monde. »
Sans oublier la force de YouTube, qui joue un rôle considérable en nourrissant l’imaginaire non seulement sonore, mais également visuel. Elle mentionne à ce sujet la vedette montante du rap et R&B originaire de Philadelphie Tierra Whack. « On sent que sa proposition artistique est entière. Que ce n’est pas uniquement de la musique. »
Certes, on peut rester confortablement dans l’algorithme ou le top 50 de Spotify, pays par pays, et tomber invariablement sur ce bon vieux Ed Sheeran (sans rancune, Ed). Mais on peut aussi naviguer de découverte en découverte, sans cesse, partout.
Camille Guitton donne l’exemple de la « case hip-hop » à Osheaga. Elle mentionne que les représentants du genre étaient souvent programmés dans un certain ordre, afin qu’un admirateur n’ait pas de choix déchirant à faire entre deux vedettes se retrouvant en même temps sur deux scènes différentes. « Mais c’est de plus en plus difficile. Déjà, parmi les fans, certains vont aller vers le hip-hop plus jazz, d’autres plus pop, d’autres plus trap. Les festivaliers sont de plus en plus curieux, ouverts d’esprit, allumés sur des styles différents. Ils peuvent aimer un band comme, je ne sais pas moi, The Glorious Sons, et triper sur $uicideboy$. »
Parlant de girls, maintenant : arrivée de France il y a cinq ans, cette mélomane finie qu’est Camille est ravie d’en voir autant proposer « des projets complètement fous ».
Des projets que l’équipe de programmation dont elle fait partie, composée de quatre hommes et de quatre femmes – « nous avons la parité, c’est important de le souligner » –, désire mettre de l’avant. « Cette nouvelle génération d’artistes féminines est tellement talentueuse ! On sait qu’elles vont rester dans cette industrie et on veut les soutenir dès le début. »