Les relations de travail au Québec

Bilan de l’année 2018

Les relations de travail au Québec en 2018 se sont actualisées dans un contexte de reprise économique. D’une part, le Québec déclare des surplus budgétaires depuis quelques années, et d’autre part, les entreprises, sauf exception, ont généralement engrangé des profits convenables. Par conséquent, les travailleurs ont senti le moment propice pour en tirer avantage. Ce qui, de leur part, était raisonnable.

Les relations de travail du secteur public restèrent marquées par la généreuse élévation des salaires accordée aux médecins par l’État du Québec en 2015 à la suite de l’arrivée au pouvoir du Parti libéral. Cela a eu pour effet de gonfler implicitement les aspirations salariales des autres catégories de travailleurs du secteur public qui sont toujours vivaces même sous le gouvernement de la CAQ en place depuis quelques mois. C’est dans ce terreau que des conflits ouvriers ont surgi en 2018, du moins dans le secteur public.

Dans le domaine de la santé, les parties ont finalement réglé la question des règles d’affectation des salariés sur les vastes territoires des centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). La taille des CIUSSS permettait de réaffecter par exemple un salarié de Trois-Rivières à La Tuque, ce qui ne convenait certes pas aux principes reconnus en matière d’adéquation travail-famille.

Des grèves symboliques ou tournantes des ambulanciers sont apparues un peu partout au Québec. Le désaccord incluait essentiellement deux volets : le premier était lié aux salaires. Le second concernait les horaires de faction qui obligent un ambulancier à se rendre à son ambulance, s’il est en service de garde, dans un délai très court (5 minutes).

Tout n’est pas réglé sur ces questions, mais les parties ont fait un cheminement convenable à ce jour.

Vient la négociation des ingénieurs de l’État du Québec qui aboutit à une heureuse conclusion après une longue négociation de plus de deux années. Les ingénieurs faisaient valoir leur nombre insuffisant par rapport aux besoins d’ingénierie du Québec tout en montrant du doigt la nécessité de revaloriser à la fois leur rôle professionnel et leur rémunération. C’est à la suite d’un processus objectif de résolution de problèmes que la négociation avec les ingénieurs de l’État a trouvé un dénouement satisfaisant. 

Toujours dans les officines gouvernementales, les 1100 avocats et notaires fonctionnaires, face à une négociation qui piétine, réclament essentiellement le salaire et l’autonomie professionnelle des procureurs de la Couronne. Le Conseil du trésor est d’avis que leur fonction ne l’exige pas. Par conséquent, ces derniers ont pris la voie des recours judiciaires en plaidant notamment une modification du régime de négociation dans lequel ils sont insérés. Finalement, le lock-out d’une dizaine de jours des professeurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières fut abondamment politisé.

Du côté du fédéral

Le gouvernement fédéral n’est pas en reste avec la grève tournante de ses 50 000 facteurs qui s’est finalement conclue par leur retour forcé au travail. En clair, le bât blesse chez les 8000 facteurs ruraux qui, avant leur syndicalisation en 2003, étaient des travailleurs autonomes. Or les facteurs ruraux forment une catégorie d’emplois à prédominance féminine alors que le groupe des 42 000 facteurs urbains est constitué majoritairement d’hommes, ce qui a donné lieu à une plainte en équité salariale.

Si une arbitre donna raison aux facteurs ruraux en leur accordant une majoration salariale de 25 %, la question des échelles salariales à double palier reste non résolue.

Le syndicat des facteurs entend faire éliminer cette double structure de rémunération de telle sorte que le cheminement salarial des nouveaux facteurs soit équivalent à celui des anciens.

Dans le secteur privé, les négociations se sont déroulées généralement sans recours à la grève ni au lock-out. Ce fut spécialement le cas dans les mines ou la plupart des manufactures.

Les parties ont généralement résolu leur différend en priorisant un mode de négociation patient. Les augmentations de salaire octroyées dans le secteur privé ont été généralement supérieures à celles accordées aux fonctionnaires, oscillant plutôt autour de 2,5 % annuellement.

Dans l’industrie de la construction, les grutiers firent une courte grève dont l’effet fut remarquable sur les grands chantiers du Québec, dont ceux de l’échangeur Turcot ou du pont Champlain. Essentiellement, ceux-ci s’opposaient à un règlement réduisant les exigences de qualification d’entrée dans le métier spécialement pour opérer les grues de style camion-flèche, ledit règlement autorisant les entrepreneurs à former eux-mêmes leurs propres grutiers sans transiter par une école de formation. L’insatisfaction des grutiers se manifeste toujours même si ces derniers ont mis de côté l’idée de faire la grève, les conséquences juridiques étant trop lourdes.

Le conflit ouvrier le plus important au Québec en 2018 est sans contredit celui de l’Aluminerie de Bécancour, aux prises avec un lock-out touchant plus de 1000 travailleurs qui, commencé en début d’année, est toujours en cours. Les parties en présence ne s’entendent pas sur un enjeu de changement susceptible d’affecter, d’une part, l’organisation du travail et, d’autre part, l’amplitude de la force active.

Nonobstant quelques négociations concessives où les travailleurs ont perdu des acquis comme dans le domaine des communications, la négociation collective au Québec, pendant l’année 2018, a produit de bons résultats. Syndicats et patrons ont négocié des conditions de travail qui ont généralement protégé le pouvoir d’achat des salariés tout en assurant, autant que faire se peut, l’avenir des entreprises. 

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.