Santé

La mort d’un enfant : facteur de risque pour la fratrie

Perdre un frère ou une sœur augmente de 71 % le risque de mourir avant d’arriver à l’âge adulte, selon une étude scandinave. Le risque est encore plus élevé quand l’enfant est du même sexe que le défunt et s’il a moins de deux ans de différence d’âge avec lui.

« Il y avait de petites études et des rapports anecdotiques qu’une mort d’enfant dans une famille est contagieuse, qu’elle est souvent suivie d’autres morts dans la fratrie », explique Yongfu Yu, épidémiologiste de l’Université d’Aarhus, au Danemark, qui est l’auteur principal de l’étude publiée au printemps dans la revue JAMA Pediatrics. « Nous avons décidé d’en avoir le cœur net grâce aux formidables bases de données danoises et avons été surpris de constater l’ampleur de l’effet. Ça va bien au-delà d’une prédisposition génétique à une maladie ou d’avoir des parents négligents. »

Parmi les 56 000 dossiers d’enfants, qui avaient en moyenne 7 ans, la moitié avait perdu une sœur ou un frère. L’effet était plus prononcé dans l’année suivant la mort, avec une augmentation du risque de mourir de quatre fois pour les enfants de moins de 6 ans, de 2,7 fois pour ceux de 6 à 11 ans et de 3,7 fois pour les ados. Les chercheurs danois et suédois ont tenu compte du tabagisme et de la consommation d’alcool des parents au moment du premier décès.

« Nous pensons que les parents endeuillés ont moins de temps et d’espace émotionnel à consacrer aux enfants survivants. Ça expliquerait pourquoi les enfants en bas âge et les ados, liés à deux moments où les parents ont fort à faire avec leurs enfants, souffrent davantage. » 

— Yongfu Yu, épidémiologiste de l’Université d’Aarhus, au Danemark

« Une réaction courante au deuil est la dépression, l’alcoolisme, l’abus de drogue, autant de facteurs qui ne sont pas bons pour les capacités parentales. Il y a aussi, évidemment, un effet direct, peut-être lié à une dépression due au deuil chez l’enfant survivant, qui explique pourquoi plus un enfant est proche en âge de son frère ou sa sœur mort, plus le risque de mourir est élevé. » Les causes de mortalité sont diverses, allant des accidents aux maladies, mais n’étaient pas formellement écrites dans la base de données.

État psychologique à suivre

Quelles sont les conséquences cliniques de cette étude ? « Il faut que le médecin de famille soit conscient du risque, dit le Dr Yu. Ça dépasse les analyses génétiques pour voir si les autres enfants ont la même maladie. Il faut surveiller l’état psychologique des parents et des enfants, les informer du phénomène. Ça renforce également la pertinence d’une analyse sociopsychologique par les services de protection de l’enfance. Un enfant qui meurt est parfois un signal d’alarme, et pas seulement dans les cas de bébés secoués. »

Le Dr Yu envisage-t-il de faire un suivi à son étude ? « Nous voulons maintenant voir les effets de la mortalité d’un frère ou d’une sœur dans d’autres domaines de la santé, par exemple, l’état du système cardiovasculaire, la haute pression, le diabète ainsi que les troubles psychologiques. Il se peut qu’un deuil durant l’enfance mine la santé à l’âge adulte encore davantage que l’augmentation de la mortalité. »

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