Cette « affaire de nom »

Hillary a adopté le nom de son mari après sa défaite lors de l’élection de 1980 au poste de gouverneur de l’Arkansas.

Cette « affaire de nom », comme l’ont appelée les conseillers de Bill Clinton, a d’abord surgi lors de sa première campagne au poste de gouverneur de l’Arkansas, en 1978 (le mandat de gouverneur de cet État était alors de deux ans). Ses adversaires politiques ont non seulement déploré le fait que sa femme exerçait une profession, mais aussi qu’elle refusait de prendre son nom. « Votre femme ne vous aime-t-elle pas ? », a demandé une électrice au candidat dans une lettre.

Ce genre de question n’a pas empêché Bill Clinton de remporter le scrutin avec 63 % des voix et de devenir, à 32 ans, le plus jeune gouverneur des États-Unis. N’empêche, quelques mois plus tard, Hillary a dû défendre sa décision de ne pas utiliser le nom de son mari lors d’une entrevue télévisée, preuve que la question n’était pas réglée.

« Je ne voulais pas que quiconque puisse penser que je profite de sa position », a dit la première dame de l’Arkansas. « Je pensais qu’il était essentiel de faire la distinction entre ma carrière juridique et mes obligations en tant que femme de Bill. Ma décision de garder mon nom de fille tenait également à la réputation professionnelle que j’avais déjà établie. »

La défaite de Bill Clinton, lors de l’élection de 1980, ne s’explique pas seulement par cette « affaire de nom », loin de là. Mais son adversaire républicain l’a exploitée à fond tout au long de la campagne, s’assurant notamment de toujours présenter sa femme aux électeurs sous le nom de « Mme Frank White  ».

Battu par 52 % des voix contre 48 %, Bill a été incapable de prononcer son discours de défaite tellement il était « anéanti », pour reprendre le mot d’Hillary. Mais celle-ci n’a pas tardé à tout mettre en œuvre pour préparer le retour politique de son mari. Elle s’est d’abord évertuée à lui remonter le moral, puis à mobiliser son amie Betsey Wright, organisatrice par excellence, et le sondeur Dick Morris. Ensemble, ils ont jeté les bases de la campagne électorale de 1982.

À la veille de cette course, Hillary a également offert à son mari un cadeau politique qu’il a d’abord refusé : elle était prête à prendre son nom.

Bill s’est finalement laissé convaincre, comme il l’a raconté en 1994 lors d’une interview à l’hebdomadaire The New Yorker. « Elle se rendait compte que cet aspect de l’image que nous donnions aux électeurs les avait éloignés de nous. Alors elle m’a dit… je ne l’oublierai jamais… je l’ai tant respectée pour ça parce qu’elle est venue me voir et m’a dit : “Il faut qu’on parle de cette affaire de nom.” Elle a dit : “Je ne pourrais pas le supporter – si on décide d’y aller, tâchons de gagner. Je ne le supporterais pas si ça devait te faire perdre les élections. Dans le fond, ça n’a plus tellement d’importance pour moi.”»

Bill a déclaré son intention de briguer à nouveau le poste de gouverneur de l’Arkansas le 27 février 1982, jour du deuxième anniversaire de Chelsea. Après cette annonce, Hillary a tenté de régler une fois pour toutes cette « affaire de nom » devant les journalistes : « Je n’ai pas besoin de changer mon nom. Je suis Mme Bill Clinton. J’ai gardé mon nom Hillary Rodham dans ma vie professionnelle, mais je vais maintenant me mettre en congé de mon cabinet pour me consacrer à temps plein à la campagne de Bill, et je serai Mme Clinton. Je crains que les gens finissent par se fatiguer d’entendre parler de Mme Bill Clinton. »

En fait, Mme Bill Clinton a joué un rôle de premier plan dans la campagne de 1982, dont elle a été dans les faits le principal stratège politique. Bill avait sans doute le charisme et l’intelligence d’un grand politicien, mais il n’aurait probablement pas réussi son retour politique sans la discipline, la détermination et l’abnégation de sa femme.

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