« Il y avait un point de non-retour »

Wandrille Lefèvre effectue avec succès la transition entre les mondes du sport et des affaires

Le short et le maillot de l’Impact floqués du numéro 5 ont laissé leur place à une chemise et à un veston. Les déplacements à Toronto, New York, Salt Lake City ou Houston se sont mués en visites chez des clients à Montréal, à Laval ou sur la Rive-Sud.

Depuis le mois de février, l’ex-défenseur Wandrille Lefèvre occupe un autre terrain, celui des affaires, où il agit à titre de conseiller en financement d’entreprise chez Capital Conseil.

« On accompagne les entrepreneurs dans leur démarche et leur besoin de financement auprès des banquiers, démarre l’ancien joueur de l’Impact. C’est souvent plus difficile qu’on l’imagine pour eux, parce qu’il ne s’agit pas de cogner à la porte d’une banque pour que ça marche. Ça demande de la préparation et de la réflexion. »

Il n’est ni étonnant de retrouver Lefèvre dans ce domaine ni surprenant de constater la vitesse de sa transition. Quelques jours après sa libération par l’Impact, il voyait un expert de Raymond Chabot Grant Thornton pour cibler son futur domaine de prédilection. Quarante-huit heures plus tard, il rencontrait le fondateur de Capital Conseil, Martin Roy, avec qui le courant est très vite passé.

Le CV que Lefèvre, âgé de 28 ans, avait à offrir est bien rempli : un baccalauréat en administration des affaires trilingue de HEC Montréal, le titre de comptable professionnel agréé et une carrière sportive qui lui a enseigné d’autres valeurs utiles aujourd’hui.

« Si je voulais atteindre mes objectifs, qui étaient de passer professionnel, de finir mon bac et d’avoir un titre de comptable, j’étais obligé de m’imposer de la discipline. D’une certaine manière, l’un était le défouloir de l’autre. Le sport me permettait de couper des études et vice-versa. Ça m’a beaucoup aidé.

« J’ai passé sept, huit bonnes années chez l’Impact, où j’ai pu me faire plein d’amis et goûter au haut niveau. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis de me démarquer dans ma reconversion, parce que Capital Conseil ne cherche que des profils spécifiques. »

Notoriété

C’est en 2011, à l’époque de la deuxième division, que Lefèvre a fait ses débuts sous le maillot montréalais. Il a ensuite signé son premier contrat dans la MLS avant le début de la campagne 2013. Au cours des cinq années suivantes, il a fait 49 apparitions et disputé 3830 minutes de jeu.

Dans sa nouvelle carrière, il a vite constaté que cette parenthèse, et la notoriété qui l’accompagne, présentait certains avantages. « Souvent, les gens sont intrigués. Je vois qu’on reconnaît un peu mon visage, mais qu’on ne sait pas nécessairement me situer. Mais dès que je me présente, “Wandrille Lefèvre”, là, O.K., ils associent le visage au nom. C’est un avantage pour créer des liens. Ça me permet de briser la glace rapidement parce qu’il y a un sujet de conversation qui s’impose. Et dans la finance, le sport est assez prisé. »

C’est d’ailleurs dans le cadre du travail que Lefèvre a repris le chemin du stade Saputo, à commencer par la visite du Galaxy de Los Angeles au mois de mai. Lors de ses visites suivantes, il a constaté, entre deux discussions d’affaires, une progression montréalaise dans le jeu et la cohésion.

En raison des blessures et de performances individuelles décevantes, les problèmes en défense centrale ne lui ont également pas échappé. Son nom est d’ailleurs revenu dans la bouche de certains en guise de solution au manque de profondeur.

« Je sais que j’aurais pu aider et être performant en 2018. Même avec mon niveau de forme actuel, on peut me ramener dans un effectif et ça va me prendre 15 jours pour être opérationnel parce que je continue à m’entraîner sérieusement. » 

— Wandrille Lefèvre

« Il y a une logique organisationnelle, distingue celui qui possède un contrat garanti en 2018. Psychologiquement, ce n’était pas raisonnable. Tu signifies à un joueur que tu ne comptes plus sur lui, puis tu le ramènes quelque temps plus tard… J’ai l’amour du maillot, mais honnêtement, je serais arrivé en me disant : “Comment allez-vous faire pour que je me dépasse ?” C’est humain. Il y avait un point de non-retour. »

Une fin qu’il voyait venir

Lefèvre a été soumis au ballottage le 18 janvier dernier. Dans les faits, il se doutait depuis un certain temps que son séjour avec l’Impact tirait à sa fin. En 2017, il n’a participé qu’à trois matchs, dont un seul après sa brève suspension pour une publication Instagram jugée « préoccupante » par le club.

« Je ne suis pas bête, je savais depuis le courant de l’année 2017 qu’on s’en allait vers ça. Tout à coup, mon temps de jeu avait diminué et on était dans un collectif qui allait mal. Forcément, il fallait changer les choses.

« À la fin de l’année, il y a eu ce petit jeu pour savoir qui allait faire quoi. Est-ce que l’Impact allait démarcher un autre club ou ça allait être moi ? Ça a duré pendant deux mois, mais rien ne s’est fait concrètement. En attendant une issue sportive, j’ai placé mes pions pour ne pas perdre de temps dans ma reconversion, qui allait arriver tôt ou tard. »

Alors, heureux, Wandrille Lefèvre ? Sans le moindre doute, même s’il se serait vu jouer au stade Saputo encore quelques années. Nostalgique ? Pas le moins du monde, même s’il s’ennuie de l’ambiance du vestiaire et des jours de match, véritables récompenses pour tout le travail accompli dans la semaine.

Autre motif de satisfaction : son nouvel emploi lui a permis de conserver une certaine flexibilité et de s’épanouir dans un cadre déterminé.

« Tout le monde est sur la même ligne, d’égal à égal. Je sais que je peux appeler Martin Roy, qui a une quinzaine d’années d’expérience, sans barrière. C’est agréable, parce que j’avais une belle qualité de travail avant et que je la retrouve dans ma reconversion. À l’interne, il n’y a pas la nécessité d’être à des endroits donnés et à des heures données. Bien sûr, on a des enjeux à l’externe quand on doit rencontrer des clients ou des partenaires financiers. Il y a une rigidité qu’on s’impose. »

Le sport et les affaires ne sont décidément pas si éloignés.

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