Hockey  Le Canadien

À peine remis de son match disputé hier soir, en Caroline, le Tricolore a pris la route de la Floride, où il affrontera ce soir le Lightning… et un certain Mikhail Sergachev.

Mikhail Sergachev

Un match comme un autre

Tampa — Mikhail Sergachev ne va probablement jamais oublier le 15 juin 2017. Il était en vacances, en train de relaxer avec sa famille sur l’île de Chypre, quand son téléphone s’est mis à surchauffer au moment de recevoir la nouvelle, LA nouvelle qui a ébranlé la planète hockey et surtout, pour être bien honnête, la section montréalaise : il venait d’être échangé au Lightning de Tampa Bay, en retour de Jonathan Drouin.

Il aura fallu un peu plus de six mois, mais ce soir à l’Amalie Arena, pour la première fois depuis cette onde de choc, Sergachev va revoir de près le maillot du Canadien. Le maillot de cette équipe qui l’avait repêché avec son premier choix au repêchage de 2016, mais qui l’a échangé après seulement quatre matchs à Montréal.

Imperturbable, manifestement remis de ses émotions, le défenseur de 19 ans insiste pour dire que les retrouvailles de ce soir n’auront rien de bien spécial.

« Juste un autre match, a-t-il répondu à La Presse, hier après l’entraînement du Lightning à Tampa. Je vais jouer comme je le fais chaque fois. Ce n’est pas comme si j’avais joué à Montréal pendant dix ans, de toute façon. L’équipe a choisi d’aller dans une autre direction, et j’en suis reconnaissant aujourd’hui. »

Aujourd’hui, soit, mais sur le coup, quand la confirmation a fini par tomber, le jeune homme a figé un peu. Après tout, les choix de premier tour comme lui ne doivent-ils pas passer de longues années, de longues saisons, avec leur équipe de départ ?

C’est du moins ce que Sergachev croyait. À tort.

« Cette transaction m’a pris par surprise, de toute évidence », confie-t-il.

« Personne ne s’attend vraiment à être échangé. Mais c’est arrivé, et je ne passe pas de temps à me demander ce que ça aurait pu être pour moi si j’avais continué avec le Canadien. »

— Mikhail Sergachev

« C’est surtout qu’en tant que joueur, tu crois que tu vas passer beaucoup de temps avec l’équipe qui t’a repêché, poursuit-il. Alors je ne croyais pas être échangé, même si j’étais bien au fait des rumeurs. »

Ce sont d’ailleurs ces rumeurs qui lui ont mis la puce à l’oreille. En parcourant des yeux chaque jour l’écran de son téléphone, Sergachev a compris qu’il se tramait peut-être quelque chose. « Mes amis m’envoyaient des textos pour me parler de cette rumeur avec le Colorado, selon laquelle j’allais être échangé en retour de [Matt] Duchene. C’était comme une blague, il n’y a personne dans mon entourage qui croyait vraiment que ça allait se passer. Mais ce qui est arrivé est arrivé… »

C’est arrivé, en effet, et pour l’heure, en tout cas, ce sont les dirigeants du Lightning qui s’en félicitent. Pendant que Drouin ne connaît assurément pas le départ espéré dans le maillot du Canadien, Sergachev rayonne sous les palmiers de Tampa, surtout offensivement, avec une récolte de 23 points en 35 matchs. L’entraîneur Jon Cooper lui a même permis deux fois de dépasser la barre des 20 minutes de jeu en décembre.

« Vous savez, cette transaction a provoqué une onde de choc à Tampa également, a expliqué Cooper hier. Parce que Jonathan avait été un élément important de cette équipe, surtout la saison dernière, quand nous avons dû lui en demander beaucoup en raison des blessures. Au bout du compte, l’argent est un facteur important dans cette ligue. Jonathan était le joueur qui allait nous permettre de réaliser la meilleure transaction possible, et nous avions un besoin à combler à la ligne bleue. Mais nous ne pouvions pas prédire que Sergachev allait devenir le joueur que l’on voit en ce moment. On l’espérait, mais on ne croyait pas que ça allait arriver aussi vite. »

Quand on lui demande d’expliquer l’éclosion aussi rapide d’un jeune de cet âge, à une position qui peut parfois exiger des années de raffinement, Jon Cooper se met à parler d’intelligence. « Mikhail possède un quotient intellectuel de hockey très élevé. Plus on l’a fait jouer, plus il s’est révélé à l’aise sur la glace. »

« On espère que sa progression pourra se poursuivre, parce que si c’est le cas, il va devenir un joueur très spécial. »

— Jon Cooper, entraîneur-chef du Lightning

Dans le vestiaire du Lightning, le vétéran défenseur Victor Hedman est assis juste à la gauche de Sergachev. Il le voit aller chaque jour, et il se rend compte lui aussi à quel point son collègue est très bien parti.

« C’est un jeune qui a tout le potentiel au monde, observe Hedman. Il joue comme un vétéran, surtout offensivement. Je suis pas mal certain que tout le monde a vu ce but contre Winnipeg, la façon dont il a protégé la rondelle, dont il a dégainé avec rapidité. Il joue avec assurance sans avoir peur de commettre des erreurs. Dans cette ligue, c’est très important. »

Ce qui nous ramène à ce soir, et à ce match comme un autre pour Mikhail Sergachev. Après tout, il affirme n’avoir conservé qu’un seul ami dans le camp montréalais, l’attaquant Alex Galchenyuk, et au fil de notre conversation, il rappelle souvent qu’il a rapidement tourné la page.

Enfin, il y a un autre aspect d’importance à ne pas négliger dans cette histoire : Sergachev est heureux. Heureux de la tournure des événements, mais heureux aussi de lui-même et de ce qu’il est devenu, ici, à Tampa, avec la meilleure équipe de la LNH.

« On gagne, je joue régulièrement… je ne peux pas me plaindre », offre-t-il en guise de conclusion.

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