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Ce que dit la science

Sadique, brouillon, de la même famille que les hackers : voici ce que trois études universitaires ont trouvé en se penchant sur cet animal fascinant qu’est le troll.

PAR SADISME

Une des recherches les plus solides sur les trolls a été menée en 2014 par trois universitaires canadiens, dirigés par Erin Buckels, de l’Université du Manitoba à Winnipeg. Leur principale conclusion : c’est par sadisme que certains internautes s’amusent à faire suer leurs semblables.

Éloquemment intitulée Trolls just want to have fun (Les trolls ne veulent que s’amuser), la recherche repose sur des questionnaires pour lesquels on a recruté au total 1215 personnes, dont 188 étudiants canadiens en psychologie. Quand on leur demandait, dans un premier temps, de désigner leur motivation à publier des commentaires sur l’internet, 6 % affirmaient sans détour vouloir « troller » les autres. Dans un autre sondage, on ne demandait pas aux répondants de se dire eux-mêmes trolls, mais on a défini leur personnalité par des questions indirectes, tirées de tests de personnalité connus. Ceux qui s’identifiaient à des affirmations comme « Faire du mal aux gens est excitant », « J’aime les jets de sang dans les jeux vidéo » ou « J’aime être le méchant dans les jeux vidéo et torturer les autres personnages » recevaient une note qui classait leur sadisme.

Les conclusions de l’étude : c’est le sadisme qui est la principale motivation du troll. En fait, le lien entre sadisme et troll « est si fort qu’on pourrait dire que les trolls sur l’internet sont le parfait exemple de l’être sadique au quotidien ». « Nous avons trouvé des preuves claires que les personnes sadiques ont tendance à troller parce qu’elles en éprouvent du plaisir. »

DÉTECTER LES TROLLS

Des chercheurs de l’Université Stanford, en Californie, ont annoncé en avril 2015 avoir mis au point un algorithme permettant de repérer un troll sur un forum. Après avoir étudié 10 000 personnes bannies de trois communautés, CNN.com, Breitbart.com et IGN.com, ils ont bâti ce modèle informatique permettant de repérer un troll en moins de 10  publications, avec une certitude de 80 %.

La première découverte concerne la lisibilité des textes publiés, mesurée objectivement, qui démontre que les trolls écrivent plus mal que les autres. Mieux, la qualité de leur prose tend à décroître avec le temps.

Ces trolls ont également tendance à publier plus souvent, écrivent des textes qui se démarquent de ceux des autres et manifestent moins d’émotions positives.

Fait intéressant, les trolls ne se comportent pas de la même façon selon le forum qu’ils fréquentent. Sur CNN.com, ils ont plus souvent tendance à lancer des fils de discussion, tandis qu’ils vont plutôt polluer ceux qui sont déjà existants sur le site de discussions politiques Breitbart.com et le forum de jeux vidéo IGN.com.

WIKIPÉDIA A SA RACE DE TROLLS

L’exemple le plus abouti d’une communauté qui réussit à s’autodiscipliner est probablement Wikipédia. Des chercheurs de l’Université de l’Indiana ont eu l’idée en 2010 de demander à 11 modérateurs comment ils avaient pris en main les dossiers délicats de trolls, « un des principaux défis de la communauté », précisent les auteurs. Ils ont repéré quatre trolls bien précis, dont les obsessions étaient grandement variables. Le troll 1, qui a sévi en 2004, a été banni pour avoir publié des photos de stars du porno et de Hitler, le troll 2 sévissait en mathématiques, le troll 3 sur Harry Potter et le 4, sur la lutte professionnelle. Ils avaient tous en commun leur insistance à changer des articles de Wikipédia, ce qui en fait une race de troll bien à part. Ils tirent du plaisir à vandaliser l’encyclopédie en ligne et à susciter des conflits, y compris entre les modérateurs eux-mêmes. Ceux-ci font d’ailleurs un constat intéressant : les trolls ne sont pas si différents des pirates informatiques. Les premiers agissent sur les personnes tandis que les seconds interviennent sur des systèmes, ont résumé des modérateurs en entrevue.

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