Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire

Ceci n’est pas un cours d’éducation sexuelle

Oubliez un instant tout le discours ambiant sur le consentement, les ITS ou la contraception. Pensez plutôt : désir et pulsions. Et tous les doutes, questionnements et remises en question qui en découlent. Un peu, beaucoup, abondamment.

Ça vous rappelle quelque chose ? Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire, une comédie dramatique présentée ces jours-ci au Théâtre Denise-Pelletier, c’est ça : un récit de découvertes sexuelles, de curiosités, de questionnements et de maladresses (sexuelles, toujours). Et quelques sentiments, aussi. Dans l’ordre. Le désordre. Ou tout en même temps. Malaises et fous rires en prime.

« J’avais envie de revenir sur une époque trouble de ma vie », confie d’emblée Olivier Sylvestre, auteur de la pièce, qui se déroule en 1999, sur fond de bogue de l’an 2000, d’ambiance de fin du monde et de musique des Backstreet Boys. On comprend que le personnage d’Oli, 17 ans, « encore un garçon », est largement inspiré de lui. À ses côtés, So (« presque une femme »), sa petite copine, et Ben (« déjà un homme »), le meilleur ami.

Tout se passe donc autour de ce trio d’amis/amoureux particulier. À cet âge ambigu et maladroit, entre l’enfance et l’âge adulte, où l’on mange des Popsicle sur le bord de la piscine tout en se « frenchant » trop longtemps. C’est drôle et touchant en même temps. « Jusqu’à avoir mal au nez, mal aux joues, la langue engourdie, pis rendre tout le monde jaloux. » Vous voyez un peu le ton. Et le propos.

Car après les « frenchs » viendront les préliminaires, les caresses, les fantasmes et la première fois. Oui, tout ça. Avec quelques « interdits » au passage. Parce qu’il faut appeler un chat un chat. Et peut-être montrer sur scène ce que c’est. Le titre ne laisse d’ailleurs aucun doute sur le propos, et c’est voulu : « On ne peut pas passer à côté, c’est de ça qu’il est question. »

« On ne met pas des gants blancs, et je pense que les adolescents vont nous en remercier. C’est mon pari. »

— Olivier Sylvestre, auteur

Pour écrire son texte, sur lequel il travaille depuis 2016, Olivier Sylvestre a été conseillé par deux sexologues, question d’avoir le bon ton, justement, et de rester dans les limites voulues du bon goût, sans tomber ni dans la pornographie d’un côté ni dans la morale ou le prêchi-prêcha de l’autre.

Ce qu’il ne fait pas. Le contexte de la pièce y est certainement pour beaucoup. « Ça crée un décalage temporaire qui fait que ça n’est pas moralisateur, note-t-il. Je ne sais pas ce que c’est qu’avoir 17 ans en 2020. » Il parle donc de ce qu’il connaît. De ce qu’il a vécu. De ses 17 ans à lui. Et c’est parlant, évidemment, parce que même si ça date, il y a quelque chose d’universel dans ce vécu : « Oui, c’est daté. Mais les pulsions, les définitions de soi-même, c’est assez similaire. » Similaire, soit, sans être tout à fait clair. Et là aussi, c’est volontaire. « Mon intention, c’était de ne pas donner de réponse claire. Parce qu’il n’y en a pas. Dans la vie, on se promène un peu d’un bord, puis de l’autre… »

Zones grises

Ne vous attendez donc pas ici au classique récit de coming out du jeune garçon en crise identitaire. Il y a de cela un peu. Mais pas seulement. Il y a surtout beaucoup de flou. Des zones grises. Parce que si ça se « frenche » effectivement beaucoup dans cette pièce, entre filles et garçons, puis entre filles, et entre garçons, c’est surtout de ce gris, cette fluidité, et de la liberté qui y est associée, qu’il est question. De cette curiosité naturelle, et du droit de l’exprimer. Du droit de l’explorer. Le personnage de Ben, à la fois libéré et sage, aura cette parole d’une rare lucidité pour son âge, en apprenant qu’Oli a embrassé un garçon : « T’étais curieux, c’est normal. […] Ça ne fait pas de toi une tapette. »

Avouez qu’on est loin du cours de sexologie 101. « Ce n’est pas un outil pédagogique. Mais si ça peut servir, tant mieux », glisse l’auteur, déplorant au passage la piètre qualité du « contenu » des cours d’éducation sexuelle, tels qu’offerts dans les écoles aujourd’hui. « Ce ne sont pas des cours comme tels, et très peu de sexologues à ce jour ont été impliqués là-dedans, dénonce-t-il. C’est un peu une catastrophe. »

Si ce fameux « contenu » scolaire est axé davantage sur la « mécanique » sexuelle, sa pièce touche quant à elle plutôt au côté « humain », fait-il valoir. Un « humain » auquel la télévision s’attaque certes depuis quelque temps déjà (avec la série Sex Education, entre autres), et auquel le théâtre se prête aussi particulièrement bien. « Au théâtre, le contact est beaucoup plus direct. On a des humains devant nous, sur scène. Ça n’est pas comme être tout seul devant Netflix, plaide-t-il. Le théâtre, c’est vivre quelque chose, en commun, tous ensemble. […] On vient, tous ensemble, entendre parler de sexualité. Je pense que ça peut contribuer à briser des tabous. » À tout le moins soulever des questions, voire susciter LA fameuse discussion.

Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire, une création d’Olivier Sylvestre, mise en scène par Gabrielle Lessard, avec Chloé Barshee, Samuel Brassard et Guillaume Rodrigue, présentée au Théâtre Denise-Pelletier du 18 février au 7 mars.

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