Un as de la prédiction prévoit la destitution de Trump

NEW YORK — À quelques semaines de l’élection présidentielle américaine de 2016, l’historien Allan Lichtman a retenu l’attention en utilisant sa formule jusque-là infaillible depuis 1984 pour défier le consensus des experts et prédire la victoire de Donald Trump contre Hillary Clinton.

Le candidat républicain a lui-même pris bonne note de cette prédiction audacieuse. Dans une note personnelle adressée à l’historien émérite de l’American University à Washington, il a écrit : « Professeur – félicitations – bonne prédiction. »

« Ce que Trump a négligé, cependant, c’était ma ‟prochaine grosse prédiction” : à savoir qu’après avoir remporté la présidence, il ferait l’objet d’une procédure de destitution », écrit Allan Lichtman dans The Case for Impeachment, un livre qui paraît aujourd’hui aux États-Unis et dont La Presse a obtenu un exemplaire.

En prédisant la victoire de Donald Trump, le professeur d’histoire s’était appuyé sur un système de 12 « clés » mis au point avec le mathématicien russe Vladimir Keilis-Borok. Il adopte une approche différente pour présenter ses arguments en faveur de la destitution du chef de la Maison-Blanche.

« Ici, écrit-il, je ne m’appuie pas sur mon modèle habituel, je me repose plutôt sur une analyse approfondie du passé de Trump et de son comportement manifeste, de même que sur l’histoire de la politique et de la destitution dans notre pays. Dans la courte période entre l’élection de Trump et la publication de ce livre, en avril 2017, ses mots et ses actions ont renforcé mes arguments. »

Peu de précédents

Dans les premières pages de son nouvel ouvrage qui en compte 290, Allan Lichtman offre un abrégé de l’« impeachment », procédure de destitution lancée par la Chambre des représentants des États-Unis contre seulement deux présidents – Andrew Johnson (en 1868) et Bill Clinton (en 1998) –, qui ont été acquittés par le Sénat. Un autre président a failli être mis en accusation par la Chambre (Richard Nixon en 1974), mais il a choisi de démissionner avant le lancement de la procédure de destitution.

L’« impeachment » est prévu dans l’article II de la Constitution américaine. Celui-ci décrète que « le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs ».

Dans The Case for Impeachment, Allan Lichtman énumère huit dossiers ou vulnérabilités susceptibles de mener à la mise en accusation du 45e président. Figurent parmi ceux-ci l’« affaire russe », les conflits d’intérêts, les mensonges, les abus de pouvoir, le négationnisme climatique et le traitement des femmes.

« De la façon dont la présidence de Trump commence, on peut dire qu’elle connaîtra une fin calamiteuse. C’est presque une certitude. Même les républicains le savent ! »

— John Lichtman, citant l’ancien conseiller juridique de Richard Nixon, John Dean

L’affaire russe fait planer une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Donald Trump, selon Allan Lichtman. Le président pourrait être accusé de trahison s’il est prouvé qu’il a ordonné à un ou à plusieurs de ses proches de collaborer aux efforts de la Russie pour influencer l’élection présidentielle. Il pourrait être inculpé de non-révélation de haute trahison s’il n’a pas dénoncé une collusion entre un ou plusieurs de ses proches avec les Russes après en avoir eu vent.

Selon M. Lichtman, les républicains du Congrès ne pourraient ignorer de telles accusations.

Propension à mentir et conflits d’intérêts

L’historien estime par ailleurs que la propension de Donald Trump à mentir pourrait le conduire à commettre un parjure semblable à celui pour lequel Bill Clinton a été mis en accusation dans l’affaire Monica Lewinsky. Le président devra vraisemblablement témoigner dans un ou plusieurs des procès civils qui lui ont été intentés par divers groupes ou individus, dont Summer Zervos, ex-participante de l’émission de téléréalité The Apprentice.

Certaines des plaintes déposées en justice contre Donald Trump concernent les conflits d’intérêts auxquels il s’est exposé en refusant de liquider ses avoirs dans l’empire qui porte son nom. Selon une de ces plaintes, les avoirs du président l’entraînent à violer « la clause des émoluments » de la Constitution, qui lui interdit de recevoir des bénéfices financiers ou d’autre nature de puissances étrangères.

Or, l’Organisation Trump a des partenaires dans au moins 20 pays, dont certains font partie des gouvernements locaux. « Tout bénéfice financier venant d’un gouvernement étranger déclenche une violation constitutionnelle, punissable par la destitution », écrit Allan Lichtman, qui explore en détail les autres dossiers et vulnérabilités susceptibles de mener à une procédure de destitution contre le successeur de Barack Obama.

Dans le dernier chapitre de son livre, l’historien propose à Donald Trump un plan en huit points pour éviter la destitution. Ce plan obligerait notamment le président à liquider ses avoirs, à ajouter un psychiatre au personnel de la Maison-Blanche, à utiliser un vérificateur de faits et à congédier Steve Bannon.

Une prédiction : Donald Trump n’enverra pas une note de félicitations à Allan Lichtman pour son nouveau livre.

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