Nutrition

Nourrir des athlètes olympiques, une banane à la fois

On voit d’abord les magnifiques montagnes enneigées de Sotchi, où ont eu lieu les Jeux d’hiver de 2014. Puis, on aperçoit Catherine Naulleau poussant… un chariot rempli de bananes et d’autres victuailles. Ex-athlète en aviron et en cyclisme, la jeune femme est maintenant nutritionniste de performance au Comité olympique canadien.

En août, Mme Naulleau sera aux Jeux de Rio, ses troisièmes en comptant les Jeux panaméricains de Toronto, l’été dernier. Son rôle ne consiste pas juste à trouver des bananes – ce qui devrait être plus facile au Brésil qu’au bord de la mer Noire.

« On commence deux bonnes années à l’avance à préparer ce qu’il faut pour les Jeux, indique la nutritionniste. Par exemple, je signale qu’en gymnastique ou en taekwondo, les compétitions finiront très tard. Ou qu’en natation, les athlètes seront souvent à la piscine, qu’ils n’auront pas beaucoup de temps pour revenir manger au Village olympique. Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour eux ? »

UN STEAK LE MATIN

Autre rôle : s’assurer que les athlètes ayant des allergies ou intolérances puissent s’alimenter sans problème. « Lorsqu’on est au Village, ça va très bien, dit Mme Naulleau. Mais aux sites de compétition, c’est parfois plus compliqué. »

Jacqueline Simoneau, étoile montante de l’équipe nationale de nage synchronisée, est atteinte de la maladie cœliaque. Elle doit donc éviter le gluten à tout prix. « Au déjeuner, elle mange du bœuf et du brocoli, rapporte la nutritionniste. Elle mange ça depuis des années, ça fonctionne bien pour elle. Ce sont des choses que je dois savoir à l’avance. Quand les Jeux commencent, on ne peut pas se dire : “Oups, ça prend un steak ce matin !” »

Pour bien nourrir tout son monde, le Comité olympique canadien a envoyé le mois dernier, par bateau, « deux palettes pleines d’accessoires de cuisine et de nourriture », indique Mme Naulleau. Même du café et du sucre ont fait le voyage vers le Brésil, ironiquement premier producteur de sucre au monde.

« On essaie d’avoir tout ce dont on a besoin pour rappeler la maison. On n’envoie pas d’énormes quantités. C’est juste pour s’autosuffire, les premiers jours, pour qu’il n’y ait pas d’anxiété autour de la nourriture. »

— Catherine Naulleau, nutritionniste et ex-athlète

À Sotchi, « la cafétéria des athlètes n’était pas encore fonctionnelle la veille de la cérémonie d’ouverture », souligne la nutritionniste. « Plus les athlètes arrivaient, plus on était inquiets. On devait aller manger dans la cafétéria des bénévoles. Ils ont finalement réussi, à 5 h le matin du premier jour des Jeux, à réparer les ascenseurs, avoir de la nourriture et faire fonctionner la cafétéria. On a vécu un petit stress. »

Étonnamment, « un des défis qu’on rencontre souvent aux Jeux, c’est qu’on manque de nourriture les premiers jours, témoigne Mme Naulleau. C’est difficile pour les organisateurs de planifier la quantité exacte nécessaire, de savoir qui mangera à la cafétéria, qui mangera à l’extérieur, parmi les athlètes et le personnel ».

GIGANTESQUES SUPERMARCHÉS

Le Canada prévoit le coup. « On est toujours bien préparés, assure la nutritionniste. On a un salon des athlètes et un salon du personnel. On donne accès aux athlètes à des collations, parce qu’il est extrêmement important qu’ils puissent bien carburer. »

La jeune femme est allée visiter Rio de Janeiro, en novembre. « Côté nourriture, on n’aura pas de problèmes, affirme-t-elle. C’est incroyable, les épiceries que j’ai vues là-bas. Grandes comme quatre Costco collés ensemble ! Mon interprète me disait : “On est 12 millions d’habitants [NDLR : en comptant les environs de Rio], il faut nourrir tous ces gens-là.” »

Mme Naulleau se contentera d’alimenter les quelque 300 athlètes canadiens, une livraison de bananes à la fois.

TRUCS DE CATHERINE NAULLEAU POUR AVOIR DE L’ÉNERGIE

Varier son alimentation

« Il faut avoir une grande variété d’aliments dans son alimentation, conseille Catherine Naulleau, nutritionniste de performance au Comité olympique canadien. Il vaut mieux ne pas toujours manger la même chose. C’est un défi même pour les athlètes, vu leur horaire extrêmement chargé. Le mieux est de choisir des fruits et légumes colorés, pour maximiser la quantité d’antioxydants, de fibres, de vitamines. Si on mange juste des pommes ou juste des poires, au bout de quelques mois, il va nous manquer quelque chose. »

Ne sauter ni le déjeuner ni le dîner

Petit-déjeuner est important. Bien dîner aussi. « Il ne faut jamais le sauter, recommande Mme Naulleau. Surtout si on est un athlète qui s’entraîne deux fois par jour ou monsieur ou madame qui va s’entraîner en fin de journée. Au dîner, on essaie de manger une portion de protéines de la taille de la paume de sa main, une portion de glucides de la taille d’un demi à un poing et des légumes. On peut terminer le repas avec un yogourt grec. Le chocolat est permis, avec modération. C’est bon autant pour un athlète que pour une dame qui fera sa course en fin d’après-midi. »

Prendre une collation après un gros entraînement

« Quand on a fait une heure d’entraînement à intensités variées, en haut de 65 % de sa capacité maximale, on doit prendre une collation, souligne la nutritionniste. On essaie de combiner une source de glucides et une source de protéines, pour maximiser la récupération. Ça peut être un fruit et des amandes [NDLR : Mme Naulleau a été embauchée par la Collective des amandes de Californie pour en faire la promotion], un fromage ou un yogourt grec. Je travaille avec l’équipe nationale de judo. Dans le cas des judokas de 90 et 100 kg, ils vont prendre une banane avec deux grosses poignées d’amandes et un demi-litre de lait au chocolat après l’entraînement. »

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