Société  Portraits

Quand la jeunesse s’engage

Une grande marche pour le climat aura lieu vendredi prochain, un peu partout dans le monde – et aussi au Québec, où des milliers d’élèves se préparent activement. Des jeunes résolus à agir pour l’avenir de la planète ont même déjà commencé à défiler dans les rues, et d’autres défendent diverses causes au sein même de leur école. Portrait de l’engagement à l’adolescence, avec quatre militants âgés de 13 à 17 ans.

La ferveur de Sara, 17 ans

Sara Montpetit, 17 ans, était dans un parc avec des amis, il y a quelque temps. L’un d’eux a demandé aux autres s’ils souhaitaient avoir des enfants. « Tout le monde a répondu : “Ben non, avec l’avenir de la planète…”, se souvient Sara, élève à l’école Robert-Gravel, dans le Plateau-Mont-Royal. J’ai ressenti de la colère et de l’injustice. Pour l’humain, c’est naturel de vouloir des enfants. »

Cette conversation lui trottait dans la tête quand, en décembre, elle a vu le discours de la jeune militante suédoise Greta Thunberg à la conférence sur le climat COP24. « Je me suis informée sur ce qu’elle fait [NDLR : des grèves scolaires pour le climat devant le parlement de Stockholm], dit Sara, et je me suis dit : “Pourquoi on ne fait pas ça, nous aussi ?” » Depuis le 15 février, chaque semaine, des manifestations d’élèves du secondaire pour le climat ont lieu dans les rues de Montréal, à l’initiative de l’adolescente – menue, mais décidée.

« Je suis déjà flexivégane – je mange des œufs si je vais chez des amis, mais chez moi, je suis végane – je fais du compost, du recyclage, je prends le moins possible l’avion et la voiture, énumère Sara. Mais il faut des changements plus importants. »

Elle dit avoir l’appui de sa famille. « Au départ, ma mère s’est exclamée : “Non, tu vas manquer des cours si tu fais ça”, indique la jeune femme. Puis, elle a vu l’ampleur que ça a prise et elle a compris que je ne fais pas ça pour manquer l’école. Elle a même acheté le tissu de ma banderole… »

Toute petite, Sara a pleuré devant un documentaire sur l’extinction des mammouths, diffusé à la télé. « Je me posais la question : “Comment l’humanité peut-elle faire disparaître des espèces sur Terre ?” se souvient-elle. C’est la même colère que je ressens en ce moment. »

La bienveillance de Soundouss, 14 ans

Soundouss Sabbani, 14 ans, a les yeux qui brillent – littéralement – quand elle parle de son engagement. « Je fais partie du Club humanitaire, dit l’élève du collège Reine-Marie, boulevard Saint-Michel à Montréal. On fait du bénévolat pour ramasser de l’argent qu’on donne à des gens dans le besoin. »

À l’Halloween, les membres du Club humanitaire ont cuisiné des desserts pour amasser des fonds. À Noël, ils ont fait des paniers pour La Maison bleue, un organisme d’appui aux familles qui attendent un enfant. « Je trouve que c’est bien d’aider les gens, explique calmement l’adolescente. Ce n’est pas parce que nous, on a beaucoup de choses que les autres en ont nécessairement. »

Dès l’école primaire, Soundouss aimait classer les livres avec la bibliothécaire et s’occuper des petits de maternelle. « Ma mère fait aussi du bénévolat, indique-t-elle, alors c’est vraiment présent chez moi. »

La conscience d’Albert, 16 ans

Albert Lalonde, 16 ans, se souvient d’avoir tapé sur des casseroles avec ses parents lors du mouvement étudiant – et social – du printemps érable, en 2012. « Ç’a été mon baptême du feu », dit-il en souriant.

Depuis, le jeune homme a bien grandi, et c’est pour réclamer des actions environnementales qu’il prend la rue. « Je suis venu dès la première manifestation », précise l’élève de l’école Joseph-François-Perrault, dans le quartier Saint-Michel à Montréal. Comment en a-t-il entendu parler ? « Sur Instagram, c’était très partagé », répond-il.

Albert porte une chemise moutarde achetée usagée, mais n’est pas végétarien. « C’est une concession que je fais à mes parents », s’excuse-t-il. Pourquoi militer pour le climat ? « Ça va déterminer nos vies, ce à quoi on peut rêver, fait-il valoir avec lucidité. C’est capital. C’est l’espèce de clé de voûte de toutes les autres causes. Rien n’a de sens si on ne s’engage pas dans cette cause-là. »

La lecture du Leap Manifesto – le manifeste Un bond vers l’avant, en français – de l’essayiste canadienne Naomi Klein l’a particulièrement inspiré. « Ça m’a fait comprendre que plus on se préoccupe de l’environnement, plus on favorise le bien-être, résume Albert. L’évolution des enjeux sociaux va avec l’évolution de l’environnement. »

Le désir d’équité de Justin, 13 ans

« Si on achète le chocolat d’une multinationale, tout le monde est très mal payé, de la personne qui cultive la fève de cacao à celle qui fait l’emballage, dit Justin Pantazis, 13 ans, élève au Collège de Montréal. Ce n’est pas humain. Leur salaire n’est pas assez élevé pour payer l’épicerie et les impôts. »

Justin n’a l’âge de payer ni l’un ni l’autre. À 13 ans, on achète plutôt du… chocolat. À son école, l’adolescent vend justement des tablettes équitables au Magasin du monde, ouvert les mardis et jeudis midi et lors d’occasions spéciales. « En achetant équitable, on s’assure que les gens sont bien payés, à juste prix », explique avec conviction le jeune homme.

« Justin n’est plus le même petit gars depuis qu’il est au Collège de Montréal, témoigne avec une sincère admiration sa mère, Violaine Philippe. Il est engagé mur à mur, avec beaucoup d’énergie. C’est beau de le voir. »

Aussi membre du comité vert, Justin cherche des idées pour rendre son école plus écolo – il tente notamment de convaincre la cafétéria d’offrir un menu végane ou végé tous les jours. Pour les « Midis zéro déchet », il cuisine à la maison des biscuits remis aux jeunes dont le lunch ne contient que des contenants réutilisables. Pourquoi en faire autant ? « On n’a pas de planète B, répond-il. C’est vraiment important de commencer à s’occuper de l’environnement. »

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