Analyse

La CAQ glisse, une nouvelle campagne s’amorce

Québec — C’est une toute nouvelle campagne électorale qui a débuté cette semaine. François Legault semblait avoir le pouvoir à portée de la main. On lui prédisait un mandat largement majoritaire. Au cours des derniers jours, la situation a changé du tout au tout, à telle enseigne que Legault risque désormais de laisser échapper le ballon.

Avec encore presque deux semaines à venir avant le scrutin, on constate que le « ciment » est loin d’être pris, selon l’expression consacrée des sondeurs. Les électeurs sont encore en réflexion. Devant le réalignement, la volatilité du vote, on doit constater que la décision des libéraux de prolonger d’une semaine la campagne électorale pourrait leur être salutaire.

Le climat était maussade sur la campagne caquiste, hier. Un seul événement : un engagement sur l’autoroute 30 en matinée dans Vachon. Échaudé par ses coûteuses hésitations de la fin de semaine sur le système d’immigration, le chef caquiste a refusé de répondre aux questions pointues et a mis en « délibéré » une question simple comme : « Quelles sont les provinces canadiennes officiellement bilingues ? » Un peu plus tard, Jean-François Lisée mordait avec bonheur dans la même offrande : le Nouveau-Brunswick est la seule province bilingue.

Dans l’autocar de la Coalition avenir Québec (CAQ), on s’affairait à « stabiliser le patient », pour trouver la façon d’enrayer ce qui, depuis la fin de semaine, a des allures de débandade.

Il faut se préparer à voir Legault reprendre à bras-le-corps le thème du changement. Déjà hier, il est revenu avec la corruption libérale et, dans une formule boiteuse, a évoqué la « machine à peur » du Parti libéral (PLQ). 

Pas besoin d’être un grand clerc pour penser que le débat de jeudi, à TVA, sera déterminant. Un faux pas et il sera bien tard pour corriger le tir. Au surplus, le vote par anticipation se tiendra pendant deux jours, tout de suite après – un test important pour les organisations sur le terrain. Implantés depuis longtemps, avec des hordes de bénévoles, les libéraux et les péquistes seront plus à même que la CAQ de conscrire des électeurs.

Mauvaises nouvelles

Bien des observateurs croyaient que le chef caquiste avait franchi le premier débat sans trébucher. En fait, on comprend désormais que sa performance est restée en deçà des attentes de la population. À l’interne, on confie que les élus caquistes ne sont pas tendres dans les textos qu’ils s’échangent. L’entourage de François Legault en prend pour son rhume. Candides, les députés s’interrogent sur la décision stratégique de ne plus jouer « l’équipe » avec autant de fermeté.

Car pour la première fois, hier, les sondages quotidiens de Mainstreet montraient qu’au global, le PLQ était passé devant la CAQ, avec 30,2 % contre 27,1 %. Un sondage Léger pour LCN pointait hier dans la même direction et constatait aussi une sérieuse glissade de la CAQ.

L’enquête menée au moment où la campagne Legault éprouvait des problèmes, entre le 14 et le 17 septembre, montre que la CAQ a chuté de 4 points, à 31 %, par rapport au précédent sondage publié le 11 septembre. C’est seulement 1 point de plus que le PLQ, à 30 %.

Depuis janvier dernier, Léger observe une baisse de 8 points pour la Coalition avenir Québec, une tendance lourde, qui s’est accélérée cette semaine.

Les deux sondeurs voient maintenant le Parti québécois (PQ) au-dessus de la barre des 20 %. En fait, le parti de Jean-François Lisée ne bouge pas dans le Léger, qui le voyait déjà plus élevé que les autres sondeurs.

Québec solidaire (QS) est en montée partout, à 17 % dans les enquêtes quotidiennes et à 14 %, en hausse de 3 points, chez Léger. Avec le recul, on se surprend à penser que la convergence PQ-QS aurait mené ces partis progressistes et souverainistes à portée de main du pouvoir.

Chez les francophones, la CAQ continue de devancer ses adversaires. Elle a 27 % d’appuis dans Mainstreet, contre 22,7 % pour le PQ et 20 % pour le PLQ. Léger voyait hier la CAQ à 36 % chez les francophones, une glissade importante de 6 points depuis sa précédente enquête, publiée le 11 septembre.

Autre mauvaise nouvelle pour la CAQ, l’enquête de Léger montre que les Québécois souhaitent majoritairement qu’on maintienne ou même qu’on augmente le nombre d’immigrants accueillis chaque année. Tandis que 45 % souhaitent une diminution des nouveaux arrivants, 39 % optent pour le statu quo et 8 % en souhaitent davantage.

Des électeurs « mous »

De l’avis général, Lisée a fait la meilleure campagne. Sa combativité fait qu’il l’a emporté dans les deux premiers débats. Au surplus, l’embarras suscité par ses candidats et aspirants candidats a été balayé, occulté par les nombreux développements récents. Lisée, qui végétait avec un famélique 10 % quand on posait la question du meilleur premier ministre, a constamment grimpé dans l’opinion publique – le Léger d’hier le voit à 17 %, 3 points de mieux que le 11 septembre.

Le réalignement défavorable à la CAQ risque de se prolonger dans le temps ; c’est bien connu que beaucoup d’électeurs peu politisés ont tendance à appuyer le parti qui est clairement en tête. Ce « bandwagon effect » favorisait Legault jusqu’ici. La CAQ, selon Léger, est le parti dont les partisans sont les plus susceptibles de changer d’idée – ces électeurs « mous » ont augmenté à la CAQ, alors qu’ils diminuaient pour les autres formations.

Lorsque les projecteurs s’éteindront sur le plateau du débat de jeudi soir, les observateurs diront que tout est joué. Mais on n’en est pas à une surprise près.

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