Îles-de-la-Madeleine — Quand un éleveur de l’Île-du-Prince-Édouard, inquiet du réchauffement des eaux, s’est rendu en territoire madelinot, plus au nord, pour voir s’il était possible d’y cultiver des huîtres, Christian Vigneau, propriétaire de l’entreprise La Moule du large, a alors réalisé qu’il était peut-être temps que quelqu’un aux Îles-de-la-Madeleine s’intéresse à l’idée.
C’est ce qu’il a fait. Résultat : depuis 2013, il produit la Trésor du large. Il s’agit des premières huîtres 100 % québécoises commercialisées aux quatre coins de la province.
Petit retour en arrière. Au début des années 2000, ce pêcheur de métier doit se faire à l’idée, son industrie est en déclin. Il décide donc de fonder en 2007 l’entreprise La Moule du large et se lance dans l’élevage du mollusque. Puis, c’est en 2009 que Christian Vigneau commence à « jouer avec les huîtres », comme il se plaît à le dire. « Je voyais les changements climatiques, a-t-il raconté à La Presse au cours d’une entrevue dans ses bureaux de Havre-aux-Maisons, aux Îles-de-la-Madeleine. Avec le réchauffement des eaux, des espèces qui s’élevaient en lagune commençaient à avoir de la misère. »
« On y est allés par essais-erreurs. On a perdu des gros sous à un moment donné », raconte-t-il. En plus de faire différents tests, le producteur de la Trésor du large a échangé avec des producteurs d’huîtres du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard.
« Je voulais l’adapter à notre milieu. On a un milieu qui est complètement différent. Nous autres, on est vraiment en haute mer. »
— Christian Vigneau, propriétaire de l’entreprise La Moule du large
La majorité des huîtres de culture sont en effet élevées dans des baies intérieures ou des lagunes d’environ deux à trois mètres de profondeur. Les produits de M. Vigneau se trouvent quant à eux dans des cages situées à 20 m de profondeur, à 7,2 km des côtes. Un écosystème complètement différent donnant un goût en bouche qui rappelle la mer.
Charnue et salée
François-Xavier Dehedin, directeur des opérations à la poissonnerie La Mer, décrit la Trésor du large comme étant charnue et salée. « Le système de casiers mis en place permet à l’eau de bien circuler, explique-t-il. La coquille est toujours propre. Elle est facile à enlever, elle n’est pas friable. »
L’établissement montréalais est d’ailleurs l’un des premiers endroits de la métropole à s’être fait livrer le mollusque madelinot. « On a mis énormément d’efforts pour le promouvoir parce qu’on était très fiers de ce produit québécois », souligne M. Dehedin. Depuis ce temps, chaque jeudi, les huîtres de Christian Vigneau débarquent en caisses à la poissonnerie du boulevard René-Lévesque. Le précieux mollusque s’est également taillé une place dans les comptoirs de nombreux marchands de poisson ainsi que dans plusieurs supermarchés. La plus populaire ? L’huître cocktail, qui est la plus petite. Elle mesure environ 65 mm et représente 80 % de la production de l’entreprise des Îles.
Encore aujourd’hui, Christian Vigneau peine à croire à tant de succès. Très humblement, il admet être un peu étonné de la vitesse à laquelle grossit l’entreprise. La demande vient maintenant des États-Unis et même de l’Asie.
Il suivra donc la vague. Lorsque La Presse s’est rendue sur place en juin dernier, les coups de marteau qui retentissaient témoignaient de ce vent de changement. Agrandissement du bâtiment, création d’un centre d’interprétation, aménagement d’un coin boutique, construction d’un bateau pour transporter des visiteurs au large afin de leur montrer le parc aquacole sont autant de projets qui devraient se concrétiser d’ici le début de l’été prochain.
Après les moules et les huîtres, Christian Vigneau a d’autres ambitions. Son nouveau « jouet » : les pétoncles. Depuis deux ans, l’homme fait des expériences avec ce populaire fruit de mer. « Les pronostics sont bons », dit-il. À suivre…