OPINION JUSTE POUR RIRE 

Un appel au dialogue et en faveur du maintien de l’actif

L’avenir de Juste pour rire et de son festival ne concerne pas que l’organisation elle-même et les humoristes qui en sont les vedettes.

Compte tenu de l’importance des enjeux, du point de vue touristique, culturel et économique, il interpelle l’ensemble des décideurs et influenceurs de la métropole et des acteurs-clés au gouvernement du Québec et du Canada.

Bien sûr, la situation actuelle avec Juste pour rire demeure extrêmement délicate tant que le transfert de propriété du groupe n’aura pas été complété.

Rien n’excusera les comportements allégués du fondateur du festival, mais dans cette volonté de vouloir que la justice soit rendue, il faut à tout prix éviter, collectivement, de nous infliger davantage de dommages collatéraux. Si certains ont choisi de sortir de l’état de choc en créant un nouveau Festival du rire, d’autres mettent ici de côté l’attentisme et la passivité pour passer à l’action, se mobiliser, ne serait-ce que pour réaffirmer l’importance de ce rendez-vous pour la communauté.

Depuis quelques semaines, on a souvent évoqué, à juste titre, le sort des employés de Juste pour rire, tout comme de ses fournisseurs et artisans. Soit, il y a à cette histoire une dimension humaine indéniable. Aussi, nous exprimons notre plus profonde sympathie, notre soutien à l’égard des femmes qui ont pris la parole pour dénoncer.

Parallèlement, le Regroupement des événements majeurs internationaux et ses cosignataires souhaitent par la présente mettre le projecteur sur la dimension économique et industrielle de l’affaire.

Avec le Grand Prix de Formule 1, le Festival de jazz de Montréal, Juste pour rire constitue assurément l’un des piliers de l’industrie événementielle à Montréal et fait de notre ville l’un des endroits qui comptent dans le domaine à l’échelle internationale. Si ce pilier s’affaisse, c’est tout l’édifice qui repose dessus qui s’en trouvera fragilisé.

Juste pour rire occupe un créneau de choix dans le calendrier de Montréal, en plein juillet, et expose aux touristes internationaux, en français puis en anglais, mais aussi dans une langue universelle, le rire, la joie de vivre qui nous caractérise, et ce, en plein centre-ville. Il offre à la fois un rendez-vous aux professionnels de l’humour du monde entier, ce qui englobe les producteurs, programmateurs et autres, en même temps qu’aux passants amusés.

Le festival a, faut-il le rappeler, des retombées économiques de quelque 34 millions de dollars, soit à peine 5 millions de moins que le rendez-vous des jazzmen (et jazzwomen !) et environ 8 de moins que celui des coureurs automobiles.

Pourrions-nous imaginer un seul instant que la disparition du Grand Prix de Formule 1 se fasse de nos jours sans que toute la communauté d’affaires et la classe politique s’activent ? Bien sûr que non.

Depuis l’éclipse de l’événement, durant la seule année 2009, les gouvernements ont conclu des ententes à long terme et s’assurent de le subventionner comme il le faut, parce que c’est payant, parce que les revenus associés à l’événement surpassent les dépenses, ce qui est d’ailleurs le cas dans tous les événements majeurs internationaux.

Dans le domaine de l’humour et de ses festivals, les gestes qui sont faits ces jours-ci, parfois dans la précipitation ou l’enthousiasme, auront des répercussions pour des années à venir. La question n’est donc pas tant de savoir si le groupe d’humoristes autour du Festival du rire de Montréal attire la sympathie du public (nul doute que oui !), mais quel impact l’avènement d’un deuxième festival montréalais d’humour aura à court, moyen et long terme.

Il y a lieu de craindre les effets d’un morcellement. Il y a lieu de craindre qu’à terme, la guerre que s’apprêtent à se livrer les deux événements concurrents ne laisse que des vaincus, des perdants.

Il y a lieu de craindre, comme cela a été le cas avec les festivals de cinéma, qu’à travers l’éclatement, le schisme, aucun ne puisse plus se détacher du lot, en étant soutenu comme il se doit.

Il y a lieu de craindre que le volet anglophone de Juste pour rire finisse à Toronto ou à New York, parce que plus facilement « délocalisable ». Il y a lieu de craindre pour les quelque 100 employés permanents, les 4500 contractuels du festival. Il y a lieu de craindre pour les 6 millions de retombées fiscales aux gouvernements et les 100 000 nuitées à l’hôtel engendrées par des gens qui viennent à Montréal surtout pour Juste pour rire. Il y a lieu de craindre pour la perte d’un atout, d’une attraction internationale.

Par la présente, nous faisons appel aux décideurs pour qu’ils prennent en considération ces craintes dans l’analyse du dossier, de même que nous manifestons notre attachement à l’« actif » que constitue Juste pour rire pour Montréal et le Québec. Dans la foulée, nous lançons à l’avance un appel au dialogue dans le milieu de l’humour, a priori entre les promoteurs du nouveau Festival du rire et la « nouvelle administration » à venir du festival Juste pour rire. Dans l’intérêt du tourisme, de la culture et de l’économie ; en somme, dans l’intérêt public.

* Ont cosigné cette lettre : Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’ESG UQAM ; François Bédard, directeur général du Festival de Lanaudière ; Hubert Bolduc, président-directeur général de Montréal International ; Jean-Sébastien Boudreault, vice-président de Fierté Montréal ; Madeleine Careau, chef de la direction de l’Orchestre symphonique de Montréal ; Nicolas Cournoyer, président de Festivals et événements Québec ; Jean-François Daviau, président du Festival Mode & Design ; Claude Doré, directeur général par intérim du Festival d’été de Québec ; André Dudemaine, directeur de Présence autochtone ; Jacques-André Dupont, président-directeur général du Festival international de jazz de Montréal ; Yves Lalumière, président-directeur général de Tourisme Montréal ; Eugène Lapierre, directeur de la Coupe Rogers présentée par la Banque Nationale ; Stéphane Lavoie, directeur général et de la programmation de la TOHU ; Diane Lemieux, présidente du conseil d’administration de la TOHU ; Éric Pineault, président fondateur de Fierté Montréal ; Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival international Nuits d’Afrique ; Michel Archambault, professeur émérite en tourisme et fondateur de la Chaire de tourisme Transat ESG UQAM ; et Martin Soucy, président-directeur général de l'Alliance de l'industrie touristique du Québec.

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