VÉLO D’HIVER

Rouler toute l’année

Ce matin-là, la pluie verglaçante et la neige avaient envahi les rues de Montréal. Le genre de journée où Suzanne Lareau laisse son vélo à la maison. Mais en temps normal, dès que les conditions le permettent, la PDG de Vélo Québec se rend au travail à bicyclette, hiver comme été.

Ce n’est pas d’hier que Mme Lareau s’adonne au vélo quatre saisons. Mais cette pratique, qui était auparavant l’apanage d’un noyau dur, s’est beaucoup démocratisée récemment, selon elle. « Il y a toujours eu un fond de gens qui se déplaçaient en vélo 12 mois par année. Mais je dirais que depuis huit ans peut-être, on sent un véritable engouement. »

En effet, toute une communauté d’adeptes continue de quadriller les rues sur leur monture, même pendant les mois plus froids. D’ailleurs, les conditions météorologiques ne sont pas toujours extrêmes, au contraire, rappelle Mme Lareau. « Le vélo d’hiver, ce n’est pas seulement quand il fait - 40 °C et qu’il y a une tempête de neige ; les conditions peuvent varier beaucoup entre le 1er décembre et la mi-mars. »

La Ville de Montréal déblaie maintenant une bonne part de ses voies cyclables, facilitant ainsi le passage des cyclistes. « On déneige la moitié du réseau, soit environ 400 km sur un peu plus de 800 », affirme Marc-André Gadoury, porte-parole en matière de vélo pour l’administration Coderre.

Toutefois, ce calcul inclut les bandes cyclables – comme celle de la rue Saint-Urbain, par exemple –, dont l’utilisation est moins évidente en hiver. D’autres pistes sont très bien entretenues, dont celle de la rue Rachel, selon Suzanne Lareau, qui l’emprunte régulièrement.

Cette année, le réseau blanc de la Ville s’est bonifié, notamment par l’ouverture de l’axe nord-sud (qui va de la rivière des Prairies au fleuve), et le prolongement de l’axe est-ouest le long du boulevard De Maisonneuve. Aussi, pour la première fois, la piste du canal de Lachine est demeurée praticable en partie, explique Marc-André Gadoury.

À terme, la Ville souhaite que le réseau cyclable soit entièrement déneigé et sécurisé pour la saison froide. D’ailleurs, signe que les temps changent, le principe même de saisonnalité des voies cyclables est en train de disparaître. Chaque fois que la Ville en emménage une nouvelle, elle le fait dans l’optique qu’elle soit utilisable à longueur d’année.

« Des voies cyclables qu’on démantèle à l’automne et qu’on remet en place au printemps, c’est maintenant désuet. Il faut savoir que le gros du réseau cyclable montréalais date de 1985 environ. On n’avait pas les mêmes idées à l’époque. »

— Suzanne Lareau, PDG de Vélo Québec

De plus en plus de cyclistes

Si on a l’impression que les cyclistes sont de plus en plus nombreux à braver le froid, ce n’est pas une illusion. Les compteurs de la Ville de Montréal indiquent que de 10 à 12 % de l’achalandage sur les pistes cyclables continue pendant l’hiver par rapport au plus fort de la saison d’été. « Nos compteurs montrent qu’on a un taux de rétention assez important, note Marc-André Gadoury. Notre objectif, par contre, c’est d’augmenter substantiellement l’achalandage quatre saisons. »

D’ailleurs, de plus en plus d’activités sont organisées autour du vélo hivernal. C’est du moins ce qu’a remarqué le passionné de bicyclette Jean-Pierre Huot, dont le site ADN du vélo recense le plus grand nombre possible d’événements liés au vélo récréatif.

Son constat : le nombre d’activités de vélo hivernal ne cesse de se multiplier. Plusieurs se tiennent à petite échelle ; par exemple, un tour cycliste aura lieu à Verdun samedi, ainsi qu’une course de vélo sur glace au parc Maisonneuve le week-end suivant.

Vélo Québec organise aussi la randonnée cycliste nocturne Lune d’hiver, où les participants sont invités à décorer et illuminer leur monture. Le circuit, qui va de la place des Festivals au site d’Igloofest, dans le Vieux-Port, se fera sous la pleine lune.

Cet événement est organisé dans la foulée d’un congrès international sur le vélo d’hiver, dont Montréal sera l’hôte la semaine prochaine. Ce rassemblement sera l’occasion unique de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde en termes de cyclisme hivernal, affirme Suzanne Lareau, de Vélo Québec.

Par exemple, le premier congrès de ce type a eu lieu à Oulu, en Finlande, une ville plus petite que Montréal et qui reçoit beaucoup plus de neige. Pourtant, les stationnements de vélos y sont remplis en plein hiver, explique Suzanne Lareau. « C’est une question d’adaptation, croit-elle. Il faut que la norme sociale nous dise que oui, c’est l’fun de se déplacer en hiver. Aussi, on doit aménager la ville pour que ce soit agréable de le faire. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.