Opinion Transgenrisme

La fabrication du consentement

« Bonjour Nicole Tremblay. Dois-je vous appeler Madame ou Monsieur ? Donnez-moi le nom de votre parent-1. » C’est ainsi que les employés de Service Canada devront désormais s’adresser aux citoyens, selon une nouvelle consigne les appelant à éviter les mots « genrés » tels que madame, monsieur, maman, papa.

Comment se fait-il que cette nouvelle ait provoqué un tollé ? Pourtant, elle est une conséquence directe des lois votées par Ottawa et Québec, permettant d’inclure l’identité de genre dans les chartes des droits, et de faire changer la mention de sexe à l’État civil par une simple déclaration. Lors des auditions parlementaires sur le sujet en avril 2015, Gabrielle Bouchard, une personne transgenre présentement à la tête de la Fédération des femmes du Québec, affirmait qu’« il y a des pères qui vont accoucher ». Les citoyens ont-ils été informés de ce changement de paradigme ou faisons-nous face à un déficit démocratique grave ?

La tendance lourde est au remplacement de la notion de sexe, fait biologique, par celle d’« identité de genre », relevant du ressenti. Le site du ministère fédéral de la Justice la définit comme le « sentiment d’être une femme, un homme, les deux, ni l’un ni l’autre, ou d’être à un autre point dans le continuum des genres ». Comment expliquer que des lois, basées sur une conception aussi vaporeuse de l’homme et de la femme, soient passées comme une lettre à la poste, sans aucun débat public ?

De graves conséquences

Ce changement a des conséquences réelles sur les droits des femmes. Par exemple, des hommes qui se sentent femmes peuvent maintenant participer aux compétitions sportives féminines, et ils gagnent ! C’est ainsi que l’haltérophile Laurel Hubbard, athlète masculin jusqu’en 2016, s’est présenté comme femme en 2017 et a remporté tous les championnats féminins.

Mais il y a plus grave. Peu de temps après l’adoption de la loi s’appliquant aux adultes, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à toute vitesse, et sans véritable consultation parlementaire, le projet de loi 103 s’appliquant aux enfants. Celui-ci permet de faire modifier la mention de sexe à tout âge, et sans l’autorisation des parents dès 14 ans. Présentée comme une mesure progressiste, cette loi reflète plutôt l’inconscience de nos parlementaires.

Quel problème à ce que Justin devienne Jade, comme imaginé pour la série Hubert et Fanny, une des nombreuses initiatives télévisuelles pour amener le public à intégrer le concept fantaisiste de personnes « nées dans le mauvais corps » ?

Une fois ce changement inscrit à l’État civil, un médecin peut difficilement refuser des traitements médicaux permettant de faire correspondre l’apparence physique de l’enfant à sa nouvelle mention de sexe.

À ce chapitre, la liste est longue : mammectomie ou autre ablation d’organes sains, « binders » pour compresser les seins pouvant causer de multiples lésions, hormones et bloqueurs de croissance entrainant de multiples risques pour la santé, et notamment des risques de stérilité irréversible.

L’Ordre des psychologues du Québec a d’ailleurs fait parvenir aux parlementaires une lettre soulignant l’absence d’études d’impact et la prudence qui s’impose avant d’intervenir de façon drastique et précipitée auprès des enfants.

Les dérives ne sont pas hypothétiques, elles sont avérées. Selon le journal britannique The Times du 17 novembre 2017, la clinique Tavistock de Londres a signalé une augmentation de 1000 % d’enfants dits transgenres rencontrés au cours des six dernières années. Dans tout autre domaine, une telle explosion du nombre de consultations aurait provoqué la tenue immédiate d’une enquête.

Diaboliser les sonneurs d’alerte

Le groupe Pour les droits des femmes du Québec a pourtant sonné l’alerte à plusieurs reprises. Quelles tragédies devrons-nous attendre avant que nos gouvernements ne sortent de la léthargie provoquée par l’effet de mode, et prennent la pleine mesure des conséquences de l’idéologie transgenre sur l’intégrité physique et psychologique des enfants ? À ce chapitre, l’argument massue avancé est celui de la prévention du suicide. Or, les études scientifiques sont loin de s’accorder sur les résultats, certaines rapportant même des comportements suicidaires significativement accrus à la suite d’une « réassignation de sexe ».

Les personnes qui se sentent de l’autre sexe ont droit au respect et doivent être protégées contre la discrimination. Cela ne passe pas par l’effacement de la notion de sexe mais, en premier lieu, par une politique vigoureuse de lutte contre les stéréotypes.

Il est stupéfiant de constater à quel point, au nom des sacro-saintes libertés individuelles, on perd de vue le sens commun et on déroge aux règles de précaution les plus élémentaires. Tout comme pour les accommodements religieux, les mesures liées à l’identité de genre sont présentées sous un vernis d’inclusion, d’ouverture à la diversité et de lutte contre la discrimination. Cela leur confère un statut d’intouchabilité, permet d’accuser les sonneurs d’alertes des pires anathèmes et rend impossible tout débat constructif. C’est ainsi que, selon un essai célèbre de Noam Chomsky, on fabrique le consentement.

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