Chronique 

Dix films pour le président Trump

L’un des films préférés de Donald Trump est le bien nommé Bloodsport, film d’arts martiaux qui a révélé au public américain le Belge Jean-Claude Van Damme. « Un film incroyable, fantastique », selon le 45président des États-Unis, qui aime revoir ce long métrage, télécommande à la main, pour passer outre les dialogues et aller à l’essentiel : les combats.

Son film préféré de tous les temps ? Citizen Kane d’Orson Welles, à propos d’un magnat de la presse qui se marie avec la nièce du président des États-Unis, avant de se lancer à son tour en politique. « Je n’ai pas fait de promesses électorales, car jusqu’à il y a quelques semaines, je n’avais pas d’espoir d’être élu », dit Charles Foster Kane (Welles) dans un de ses discours. Quand la réalité rejoint la fiction.

En cette journée de l’investiture présidentielle, voici 10 suggestions de films pour meubler les soirées du président Trump à la Maison-Blanche.

1. Wag The Dog, de Barry Levinson

À l’ère de la post-vérité, ce petit traité sur la manipulation des faits est tout indiqué. L’expression « wag the dog » signifie le fait d’accorder à un élément secondaire d’un récit assez d’importance pour qu’il finisse par supplanter la trame principale. Une façon de noyer le poisson. Cette comédie noire réalisée par Barry Levinson et scénarisée par David Mamet, qui a pris l’affiche il y a 20 ans, est toujours d’actualité. Lorsque le président des États-Unis est surpris à faire des avances à une jeune scout, deux semaines avant l’élection présidentielle, il embauche un producteur hollywoodien (Dustin Hoffman) pour mettre en scène une fausse guerre dans les Balkans afin de détourner l’attention de ce scandale sexuel.

2. Guibord s’en va-t-en guerre, de Philippe Falardeau

Philippe Falardeau met en scène un premier ministre conservateur qui tente de convaincre un député de l’arrière-ban, Steve Guibord (Patrick Huard), de faire pencher en sa faveur la « balance du pouvoir » afin d’entrer en guerre au Moyen-Orient. « Je vais vous dire ce qui va changer, moi, si on part en guerre : des jobs ! Qui c’est qui est pour la guerre icitte ? », demande le maire démagogue d’un village de sa circonscription. Fin du débat. « Je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé », déclarait lui-même Donald Trump il y a 10 jours.

3. Bowling for Columbine, de Michael Moore

« C’était un jour comme les autres. Le laitier livra le lait, les gens se rendirent au travail, et le président des États-Unis bombarda un autre pays asiatique dont il ne pouvait prononcer le nom… » Ainsi commence le pamphlet du documentariste Michael Moore, Bowling for Columbine. Un film troublant sur la manie des Américains à vouloir manier les armes. En moyenne depuis cinq ans, 112 000personnes ont été blessées ou tuées en raison d’une arme à feu aux États-Unis. God Save America.

4. An Inconvenient Truth, de Davis Guggenheim

Donald Trump a déjà déclaré que le réchauffement de la planète était « un canular », « une connerie », un concept « créé par et pour les Chinois afin d’affaiblir l’industrie américaine ». Pour ce climatosceptique, on suggère la fascinante et convaincante leçon sur les changements climatiques, réalisée par le documentariste Davis Guggenheim, d’après une conférence d’Al Gore. Vulgarisateur redoutable, l’ex-vice-président américain maîtrise parfaitement ce sujet auquel il s’intéresse depuis plus de 30 ans. Sa démonstration est claire comme de l’eau de fonte de glacier. Qu’ils soient d’allégeance démocrate ou républicaine, la grande majorité des scientifiques s’entendent pour dire que l’action de l’homme a un lien direct sur le réchauffement climatique. Reste à en convaincre l’homme le plus influent de la planète.

5. No, de Pablo Larraín

Le jeune cinéaste chilien Pablo Larraín – qui a réalisé récemment deux films biographiques singuliers (Jackie, avec Natalie Portman, et Neruda, qui prend l’affiche aujourd’hui) – a été finaliste à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère avec ce film politique fascinant qui raconte, de manière originale et captivante, comment le régime Pinochet a été défait en 1988 par référendum, grâce aux efforts d’un jeune publicitaire surdoué (Gael Garcia Bernal). On peut toujours rêver.

6. Election, d’Alexander Payne

Parfois, il vaut mieux en rire. L’ambition politique démesurée est incarnée par une jeune Reese Witherspoon, révélée au public américain grâce à Election d’Alexander Payne et ce rôle hilarant d’élève du secondaire prête à tout pour arriver à ses fins, quitte à ruiner la carrière d’un de ses professeurs (Matthew Broderick). De l’humour fin, particulièrement caustique, du cinéaste de Citizen Ruth, Sideways et About Schmidt.

7. Milk, de Gus Van Sant

Cet excellent drame biographique de Gus Van Sant raconte le destin tragique du militant gai Harvey Milk, premier politicien ouvertement homosexuel de la ville de San Francisco, qui fut assassiné en 1978. Un film porté par la performance percutante de Sean Penn, au sommet de son art, la prestation troublante de Josh Brolin, méconnaissable en élu borné et frustré, le scénario subtil et intelligent de Dustin Lance Black, qui évite l’écueil de la morale bien-pensante, et la justesse de la réalisation du cinéaste d’Elephant. Un film poignant, inspirant, d’une absolue pertinence, qui nous rappelle pourquoi il faut protéger les membres de minorités de politiciens qui disent parler au nom de la majorité.

8. Capitalism : A Love Story, de Michael Moore

Michael Moore s’attaque de front au capitalisme dans ce documentaire qui dénonce les dérives d’une société américaine sans compassion pour les laissés-pour-compte. La méfiance d’une majorité d’Américains à l’égard de l’universalité des soins de santé en est l’une des plus récentes démonstrations. Une variation sur le thème fétiche de Michael Moore : les conséquences désastreuses du capitalisme sauvage dans une société où ce modèle économique dominant est rarement remis en question. On ne comptera pas sur Donald Trump pour le faire.

9. Frost/Nixon, de Ron Howard

Il ne faut pas prendre ses rêves pour des réalités, mais… Le 9 août 1974, Richard Nixon quitte la Maison-Blanche dans l’opprobre, défait par le scandale du Watergate. Impénitent, il refuse d’admettre publiquement ses torts. Le cinéaste Ron Howard a tiré de la pièce et du scénario de Peter Morgan (The Queen, The Crown), inspiré d’entrevues télévisées accordées en 1977 par Nixon au journaliste britannique David Frost, un film intelligent et divertissant, qui rend à merveille la tension des jeux des coulisses, de pouvoir et d’influence de l’après-Watergate. Frank Langella incarne avec brio le président démissionnaire – l’ineffable « Tricky Dick » –, sans sombrer dans la caricature (ce qu’est déjà Donald Trump au premier jour de sa présidence).

10. All the President’s Men, d’Alan J. Pakula

En 1972, Carl Bernstein et Bob Woodward du Washington Post ont révélé au grand jour le scandale du Watergate. Une ode à la liberté de la presse, à la nécessité du quatrième pouvoir, à la pertinence des journalistes comme chiens de garde de la démocratie. Et un rappel des limites du pouvoir présidentiel.

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