Chronique

Garde s’est adapté à l’Impact
(ce qui n’est pas rien)

Si on attribuait une médaille d’or à l’organisation sportive la plus divertissante au Québec, l’Impact monterait sur la plus haute marche du podium. Gagne ou perd, il n’y a jamais de temps mort avec le bleu-blanc-noir. Les montagnes russes l’emportent à tout coup sur la ligne droite.

Cette turbulente saison 2018 en fournit un nouvel exemple. Rappelons-nous : l’optimisme du camp d’entraînement, avec l’arrivée aux commandes de Rémi Garde, a d’abord laissé place à la désillusion.

L’Impact s’est retrouvé au bas du classement, ce qui a provoqué une sortie explosive de Joey Saputo. Le propriétaire-président a remis en question sa décision d’avoir accordé des millions à son joueur-vedette, Ignacio Piatti. Bravo pour la franchise, mais une intervention pareille n’apaise pas l’ambiance.

On a ensuite eu droit au feuilleton Jimmy Briand, le « John Tavares » de l’Impact. On a abondamment parlé de lui, les fans espéraient qu’il signe à Montréal et règle les problèmes de l’attaque, mais l’affaire n’a pas abouti. Au moins, Briand a écouté les offres de l’équipe, lui… Mais ce n’est pas une grosse consolation.

Et puis, peut-être en manque de controverse, la direction a provoqué une mini-tempête en annonçant une hausse du prix de certains de ses abonnements saisonniers.

La réforme n’est pourtant pas bête, et on peut comprendre le désir de l’organisation d’augmenter de 30 % ses revenus de billetterie au cours des deux prochaines années. Mais l’information n’a pas été communiquée de manière optimale. L’Impact s’est retrouvé sur la défensive et a dû éteindre des feux.

Au fil de tous ces évènements, n’oublions cependant pas l’essentiel : sur le terrain, l’Impact a retourné la situation. Au point où une place en séries éliminatoires est très possible. Au point où les matchs de fin de saison, qui s’annonçaient sans grand intérêt, prennent une dimension inattendue. Au point où, pour seulement la deuxième fois du calendrier, l’équipe pourrait jouer à guichets fermés samedi prochain lors de la visite du New York FC.

Qui aurait dit ça à la fin de mai, quand l’Impact a encaissé un huitième revers en neuf matchs ?

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Plusieurs facteurs expliquent ce rebond : les performances inspirées de Piatti, le jeu solide de Rod Fanni et de Samuel Piette, l’assurance d’Evan Bush devant le filet… Mais si tous ces morceaux sont tombés en place, c’est d’abord et avant tout grâce à Rémi Garde.

Dans ce tourbillon qu’est la vie quotidienne de l’Impact, le nouvel entraîneur a conservé son calme, ce qui, avouons-le, n’est pas une mince réussite. Il avait sûrement entendu parler de l’ADN tout en ébullition de sa nouvelle équipe avant de traverser l’Atlantique. Mais baigner dans cette réalité est une autre affaire. Sa maîtrise de soi l’a aidé à remettre le train sur les rails.

Il fallait le voir, hier matin, lors de son point de presse quotidien au Centre Nutri-Lait, où s’entraîne l’équipe. Garde n’est pas particulièrement souriant, son ton est davantage celui d’un professeur concentré sur son sujet que celui d’un tribun inspirant. Il regarde ses interlocuteurs au fond des yeux, écoute chaque question avec attention et fournit une réponse intéressante.

Cela n’est pas aussi banal qu’on peut le penser. On a entendu plusieurs entraîneurs professionnels répéter les mêmes clichés, témoignant ainsi de leurs lacunes en matière de communication. Ils ne poussaient sans doute pas la machine beaucoup plus loin dans leurs relations avec les joueurs.

Or, pour réussir dans le sport d’aujourd’hui, un entraîneur doit établir un lien de confiance avec ses protégés. Cela signifie être ouvert au dialogue, tout en demeurant le patron. Cet équilibre n’est pas toujours facile à tenir, mais Garde semble en mesure de le faire.

La manière dont Rémi Garde a relancé Ignacio Piatti après la sortie de Joey Saputo montre toute son habileté. S’il avait échoué à ce test, l’équipe serait demeurée en fin de peloton.

Hier, au fil de son échange avec les journalistes, certaines de ses remarques m’ont impressionné. D’abord, son explication toute simple des récents succès de l’équipe : « Je crois beaucoup au travail. Et aujourd’hui, ce que l’équipe est capable de faire, ce n’est pas uniquement parce qu’on a passé du temps ensemble, mais parce qu’on a passé du temps à travailler ensemble. »

Ce thème du « travail » est une constante dans ses propos. Et si la leçon porte, c’est aussi parce qu’il soigne la qualité de ses liens avec les joueurs. « Ils sont tous importants, ils sont tous à respecter, dit-il. Derrière chaque joueur, il y a un homme qu’il faut respecter. »

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En plus d’apprivoiser la culture de l’Impact, Garde a découvert la MLS depuis son arrivée à Montréal.

Preuve de son talent d’entraîneur, l’équipe s’améliore à mesure que ses adjoints et lui augmentent leurs connaissances du circuit. Cette analyse serrée leur a valu une foule d’informations et contribue aux meilleures performances du club. L’Impact a sa destinée en main et peut rêver aux éliminatoires. Mais en raison de ce départ ardu, sa marge de manœuvre est mince.

Dans tous les sports, participer aux séries est important. Mais c’est encore plus vrai quand une équipe se bat pour augmenter sa base de fans. L’Impact en est à sa septième année en MLS, mais demeure à la recherche du cap des 10 000 abonnements saisonniers. Et si les foules sont intéressantes au stade Saputo, l’objectif de disputer chaque match devant des gradins remplis est loin d’être atteint.

Voilà pourquoi il est si important pour Joey Saputo que son club soit des séries. Le succès sportif renforce la crédibilité des organisations et fournit des atouts pour atteindre les objectifs commerciaux.

Si l’Impact relève ce défi au cours des prochaines semaines, le président-propriétaire pourra dire merci à son entraîneur qui, malgré les difficultés, s’est adapté à l’organisation. Ce qui n’est pas rien, quand on y pense.

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