NUIT BLANCHE SUR TABLEAU NOIR

L’âme de la nuit blanche

Pour bien des résidants du Plateau Mont-Royal, Michel Depatie a été un ardent défenseur des droits des commerçants et du développement économique de l’arrondissement montréalais. D’autres connaissent plutôt le Michel Depatie poète, cinéaste et photographe. La Presse a rencontré le créateur de Nuit blanche sur tableau noir à l’occasion des 20 ans de l’événement.

Combiner culture et économie est une des forces du Québec. On en connaît bien des exemples dans tous les domaines artistiques, aujourd’hui. Unissant les arts visuels, la musique, les jeux et la littérature à une foire commerciale, Nuit blanche sur tableau noir fait partie de ces activités qui ont pour but d’éveiller l’esprit, de le divertir tout en l’invitant à consommer.

Quand Michel Depatie a créé cet événement d’art urbain, il commençait à peine d’associer son goût d’entreprendre à celui de créer. Si les gens du Plateau se souviennent qu’il a été directeur général de la Société de développement de l’avenue du Mont-Royal (SDAMR) de 1992 à 2014, bien des citoyens ne savent pas qu’il a d’abord été diplômé en production cinématographique à l’Université Concordia en 1987, après y avoir étudié les beaux-arts.

Mais à la fin des années 80, il fallait bien vivre. Présenter des films dans des festivals ne suffisait pas. Michel Depatie s’est donc retrouvé à créer des vidéos pour des entreprises comme Bombardier, la Banque Nationale ou Desjardins. Quand la crise économique des années 90 l’a forcé à se recycler, il a abouti à la SDAMR, où il a pu développer, en tant que directeur général, ses talents pour l’organisation d’événements culturels.

LE COMMERCE, UN TERRAIN DE JEU

« La SDAMR a été un véritable terrain de jeu pour moi, dit-il en entrevue. Mais j’ai continué ma pratique artistique de la même façon, à côté, durant les étés et les fins de semaine. »

Michel Depatie a ainsi combiné pendant 20 ans sa vie d’artiste à celle de cadre à la SDAMR et à Odace Événements, la branche culturelle de la société de développement commercial. À la fin de 2013, il a toutefois décidé de quitter ses deux fonctions, « usé », dit-il, par les chicanes avec l’administration politique de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

« Ma relation avec le maire a été extrêmement difficile, dit-il. Quand il a été réélu, j’ai décidé de partir. »

Même s’il a conservé un pied dans le monde municipal, en gérant des concours d’art public pour des arrondissements, il regrette de ne plus pouvoir participer au développement du quartier et dit croire encore en la puissance de l’art pour créer du développement économique.

« Quand on a créé Nuit blanche sur tableau noir et, plus tard, Paysages éphémères, en 2005, c’était ça l’idée, dit-il. On se lançait dans la médiation culturelle, dans la démocratisation de la culture avant même les Journées de la culture. Juste pour rire est venu nous chercher, puis Montréal en lumière. On a fait des affaires un peu partout. »

« Ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est l’affaiblissement généralisé en termes de contenu. On est beaucoup trop dans le divertissement. C’est un phénomène de société. On confond tout. Les sièges bananes de la place Gérald-Godin, est-ce que ça fait réfléchir ? »

— Michel Depatie, fondateur de Nuit blanche sur tableau noir

Sans viser spécifiquement Nuit blanche sur tableau noir, il trouve qu’on devrait privilégier la quête de sens. À l’image de son projet La traversée/Ashu-takusseu présenté cet été (jusqu’à aujourd’hui) à la maison de la culture Frontenac et qui vise à réunir 40 000 égoportraits d’autochtones québécois. Il veut aussi relancer l’événement Paysages éphémères pour 2017. Il a créé un organisme du même nom pour organiser de nouveau des événements d’art contemporain dans l’espace public.

Ayant lui aussi mélangé le ludique à la réflexion, Michel Depatie reconnaît bien sûr qu’il y a encore des initiatives culturelles intéressantes dans le Plateau, notamment l’expo Trouver l’art sur son passage, avec des photos de la collection municipale d’art public, qui avait lieu de mai à fin juillet, et celle des photos d’Alain Chagnon, en ce moment, qu’il qualifie d’« assez forte ».

Âgé de 55 ans, Michel Depatie ira-t-il en fin de semaine prochaine assister à des activités de Nuit blanche sur tableau noir ? « Oui, bien sûr, je serai là, dit-il. J’aime bien le volet littérature avec le Belge Yves Heck qui sera au parc des Compagnons-de-Saint-Laurent, le samedi à 18 h. C’est un ami à moi, Stéphane Bertrand, qui l’a fait venir. Et puis, j’irai voir la Grande Fresque de nuit pour voir comment l’art visuel évolue. »

Michel Depatie apprécie également le volet musical de l’événement ainsi que l’initiative de mini-putt avec MASSIV’art. « J’aurais aimé qu’il y ait quelque chose de plus important à l’occasion du 20e anniversaire qui n’est pas beaucoup souligné, trouve-t-il. Mais peut-être qu’il y aura des surprises ! »

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