Des frais supplémentaires de 600 millions pour les employeurs
Philippe Couillard l’avait annoncé il y a un an : la réforme de la Loi sur les normes du travail, déposée hier, accordera plus de vacances aux salariés. Première réforme importante depuis 2002, le projet de loi 176, qui couvre plus de 3,2 millions de salariés, entraînerait des frais supplémentaires dépassant les 600 millions par année pour les employeurs, « ce qui représente un peu plus de 0,4 % de leur masse salariale totale ». Tour d’horizon.
Trois semaines de vacances
Si elle est adoptée, la loi forcera les employeurs à accorder une troisième semaine de vacances payées aux employés en service depuis trois ans et plus. La loi actuelle accorde cette troisième semaine après cinq ans d’emploi continu. Avec cette mesure, le Québec se place dans le peloton de tête au pays – devancé seulement par la Saskatchewan. La règle des deux semaines de congé payé après une année de service s’applique toujours.
Refus de travailler
Un salarié peut refuser de travailler s’il n’est pas informé au moins cinq jours à l’avance, sauf si ses fonctions exigent qu’il demeure disponible. Aucune disposition en ce sens n’existait jusqu’ici. L’employé peut refuser de travailler si on lui demande plus de deux heures de plus que ses heures habituelles de travail.
Étalement des heures
L’employeur peut étaler sur quatre semaines les heures de travail d’un employé, à condition de ne pas dépasser de plus de 10 heures la semaine normale de travail. Par exemple, à un travailleur à 40 heures par semaine, on pourrait demander de travailler jusqu’à 50 heures en une semaine, à condition de ne pas dépasser 160 heures sur quatre semaines. Les heures excédant ces 160 heures devraient être payées à taux et demi. Cette disposition, destinée à favoriser les employeurs soumis aux aléas de la température, par exemple, leur permettra d’économiser 40 millions par année.
Disparité de traitement
Une fois adoptée, la loi interdirait toute nouvelle disparité de traitement. Les salariés d’une même entreprise devront avoir, par exemple, le même type de régime de retraite, quelle que soit leur date d’embauche, un « geste historique », a souligné la ministre du Travail, Dominique Vien. Là où on a déjà en place des disparités de traitement, comme des entreprises où se côtoient des régimes de retraite à prestations et à cotisations déterminées, par exemple, ces différences perdureront. Il aurait été trop difficile de modifier rétroactivement les régimes de retraite, explique-t-on.
Harcèlement sexuel
Les dispositions sur le harcèlement psychologique existent depuis plus de 15 ans dans la Loi sur les normes du travail. Le projet de loi ajoute, explicitement, que le harcèlement sexuel fait partie du harcèlement psychologique. Les entreprises devront diffuser à leurs employés leur politique de prévention en cette matière – un texte type sera mis en ligne sur le site du ministère du Travail.
Agences de placement
Beaucoup de dispositions viennent baliser l’activité des agences de placement, responsables de bien des abus à l’endroit des travailleurs précaires, souvent nouvellement arrivés au Québec. Les agences devront obtenir un permis de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et fournir aux employés un salaire équivalent à celui des salariés qu’ils remplacent temporairement. Il sera aussi interdit de conserver des biens ou des documents appartenant aux employés – de retenir leur passeport, par exemple – ou d’exiger d’eux des frais pour leur placement.
Congés de maladie
Les employés auront encore le droit de prendre 10 jours de congé de maladie par année sans perdre leur emploi. Le projet de loi prévoit toutefois que deux de ces journées seront rétribuées. Dans le cas de violence conjugale, une disposition sera ajoutée au projet de loi pour permettre à une victime de réclamer deux jours de congé payés. Lors de la mort d’un parent, cinq jours de congé sont prévus, dont deux sont rétribués.
« Proche aidant »
Le projet de loi intègre pour la première fois la notion de proche aidant pour justifier l’absence d’un salarié. Le nombre de semaines, sans salaire, allouées pour assister un parent ou un proche passe de 12 à 16. Dans le cas d’un enfant mineur, un salarié peut prendre jusqu’à 36 semaines de congé sans salaire, sans que son lien d’emploi soit compromis. La victime de violence conjugale pourra prendre jusqu’à 26 semaines de congé, sans rétribution.
Mort d’un proche
Dans les cas de la mort d’un proche, l’employé se verra rétribuer deux jours de congé sur les cinq auxquels il a droit – actuellement, une seule journée est payée. Dans le cas de la disparition d’un enfant mineur, du suicide d’un enfant, d’un conjoint ou d’un des parents, la période d’absence sans salaire passe de 52 à 104 semaines.