Normand Baillargeon
Une très haute idée de l’éducation
La Presse
« J’ai écrit ce livre pour exprimer la très haute idée que je me fais de l’éducation », lance tout de go Normand Baillargeon, qui a claqué la porte de l’UQAM l’an dernier. À 58 ans, le voilà donc jeune retraité de l’enseignement avec encore mille projets de livres sur son bureau. Pourquoi avoir laissé un poste de professeur bien rémunéré et une sécurité d’emploi béton ? « J’étais en désaccord avec beaucoup de choses qui s’y font, explique le philosophe qu’on peut entendre chaque semaine à l’émission
sur ICI Première. J’étais très bien vu de mes étudiants, mais mal vu de mes collègues. »Pourquoi mal vu ? Parce que depuis des années, Normand Baillargeon – qui se décrit lui-même comme un idéaliste – s’oppose à la recherche subventionnée et à la marchandisation de l’éducation.
« Je suis très attaché à l’éducation comme moyen de contribuer à la justice sociale, à l’égalité des chances.
— Normand Baillargeon
« Je ne suis pas dogmatique, mais j’estime que l’école n’est pas là pour former des gens à l’emploi, elle est là pour former l’esprit des gens dans le but de les libérer des contraintes et de les habiliter à penser, à en faire des citoyens critiques », poursuit-il.
Le philosophe ajoute ne pas être le seul de son espèce. « Sur le terrain, insiste-t-il, il y a beaucoup de gens qui pensent comme moi, qui ont les mêmes idéaux et je voulais leur donner la parole. » Son livre
est donc ponctué de témoignages d’enseignants qui font partager leur expérience ou leur vision.Cela dit, Normand Baillargeon est réaliste. « Je suis conscient qu’il y a des enseignants incompétents et qu’il y a des problèmes en éducation, précise-t-il. La pauvreté de la formation qu’on donne aux profs, l’approche clientéliste qu’ont les universités, les demandes divergentes que peuvent avoir les gens en éducation, les parents qui ont une vision clientéliste de l’éducation… Tout ça entre en jeu quand on évalue la compétence des profs. Or on devrait avoir de hautes exigences, du respect pour la profession. »
Normand Baillargeon jure qu’il va revenir, dans un autre essai, sur les raisons à l’origine de son départ de l’UQAM. Et comme il aime le débat, il invitera également une dizaine d’universitaires à réagir aux enjeux soulevés dans son livre.
D’ici là, l’ex-professeur accepte tout de même de parler avec franchise du contexte entourant son départ. « J’étais le paria dans mon département, dit-il. Il existe une espèce de clientélisme qui fait en sorte qu’on est fortement incité à faire de la recherche subventionnée. Moi, je suis un philosophe ! Je ne sais pas ce que je ferais avec 1 million de dollars. Mon travail, c’est de lire, écrire, penser… »
Aujourd’hui, Normand Baillargeon se dit prêt à passer à autre chose, à écrire encore plus de livres car, assure-t-il, c’est sa façon de redonner à la société. Il faut dire qu’il est un excellent vulgarisateur et pédagogue, comme l’a démontré son passage à
l’an dernier. Un passage rare – on ne voit pas beaucoup d’universitaires à la télé à heure de grande écoute – qui l’a fait découvrir à toute une frange de la population.« Je crois que les universitaires ont une responsabilité, un devoir de participer au débat public, de redonner à la société. Je me vois un peu comme un penseur public. »
Normand Baillargeon
VLB éditeur
128 pages