Chronique

Dix questions que Geoff Molson doit poser

Comment Geoff Molson et Marc Bergevin réagiront-ils à cette élimination rapide du Canadien ?

De toutes les questions à propos de l’équipe, celle-là est la plus importante, puisqu’elle conditionnera la suite des choses. Les deux dirigeants devront choisir entre le courage d’analyser en profondeur la dernière saison, un exercice exigeant puisqu’il suppose des remises en cause difficiles, et le déni, caractérisé par la recherche d’excuses et le refus de regarder la réalité en face.

Après un échec douloureux, les entreprises qui ont de l’ambition doivent se livrer à un exercice semblable. C’est la seule façon de progresser dans un monde où la concurrence est féroce. Si le Canadien ne s’y plie pas, l’équipe fera encore du surplace.

En tant que président de l’équipe, c’est à Geoff Molson de donner le ton. On connaît tous son admiration presque sans bornes pour Bergevin, à qui il a accordé, dès novembre 2015, une prolongation de contrat allant jusqu’en 2022, du rarement vu dans la LNH. Or, le plan du DG n’a pas produit les résultats espérés cette saison. Son patron devra avoir le cran d’exiger des explications approfondies et de lui demander comment il renversera la vapeur.

Les enjeux, en effet, ne manquent pas.

En voici 10 : 

1. Faut-il continuer de bâtir autour de Carey Price ? Dans le hockey d’aujourd’hui, est-ce vraiment la meilleure solution de presque tout miser sur son gardien ? Est-ce une approche moderne ?

2. Alex Galchenyuk est-il le seul responsable de sa lente progression ou l’organisation y a-t-elle contribué en le ballottant sans cesse de l’aile au centre, et du premier au quatrième trio, parfois dans la même semaine ?

3. Max Pacioretty est-il un capitaine capable de galvaniser ses coéquipiers ?

4. Comment expliquer le dur constat de Claude Julien à l’issue du cinquième match de la série contre les Rangers, lorsqu’il a affirmé que ses joueurs n’ont pas été assez « affamés » en attaque ? Un commentaire inquiétant, puisqu’il signifie que la prudence a été un sentiment plus fort que la confiance de gagner.

5. Faut-il exclure d’emblée, comme cela semble actuellement le cas, d’échanger un espoir de premier plan comme Mikhail Sergachev afin d’améliorer l’attaque ?

6. Et justement, à propos de cette attaque : comment l’améliorer concrètement ?

7. Comment expliquer le manque de profondeur de l’équipe, une situation ayant incité Bergevin à conclure cinq échanges avant l’heure limite des transactions le 1er mars dernier afin de combler de nombreux besoins ?

8. Le développement des joueurs, notamment des choix de premier tour, est-il optimal ? Pourquoi Nathan Beaulieu n’est-il pas devenu un défenseur plus fiable ? Michael McCarron débloquera- t-il enfin ?

9. Trevor Timmins, responsable du dépistage dans les rangs juniors, mérite- t-il toute la confiance que le DG place en lui ?

10. La théorie de Bergevin voulant que tout devienne possible pour une équipe si elle se qualifie pour les séries éliminatoires résiste-t-elle à l’analyse ? Est-ce aussi simple d’obtenir du succès ? N’y a-t-il pas des marches supplémentaires à gravir ?

Pour le bien à court terme du CH, Geoff Molson devra demander à Bergevin de décortiquer chacun de ces enjeux. Un président qui pousse à l’occasion son vice-président dans ses derniers retranchements, qui lui demande de revoir ses certitudes et d’étudier de nouvelles pistes de solution peut produire des résultats positifs si le principal intéressé accepte ce défi. L’idée n’est pas nécessairement de tout chambarder. Mais ce travail nourrit la réflexion et permet d’examiner les problèmes sous des angles nouveaux.

Geoff Molson optera-t-il pour cette voie ? Ou rassurera-t-il simplement son DG d’une tape dans le dos en lui disant que la chance n’était pas avec l’équipe cette saison ?

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Soyons réalistes : la « fenêtre d’opportunité » du Canadien, cette période où une équipe peut de manière réaliste prétendre à la Coupe Stanley, se referme lentement. Voilà pourquoi la dernière saison est un échec.

Pour le Tricolore, l’avenir est maintenant.

Si une défaite au premier tour n’est pas une catastrophe pour une jeune équipe profitant des séries pour gagner en expérience, la situation est bien différente pour le Canadien, dont certains des meilleurs éléments (Price, Pacioretty, Weber, Radulov) sont à maturité. Chaque élimination rapide est une occasion perdue.

Les meilleurs joueurs du CH vieillissent et la relève, à part quelques rares exceptions (je pense notamment à Artturi Lehkonen), est suspecte. Et si jamais Carey Price ne signe pas une prolongation de contrat cet été, ce dossier alourdira l’ambiance au prochain camp d’entraînement.

Afin de préserver les acquis du CH – on ne parle pas ici d’améliorer l’équipe, mais simplement de s’assurer qu’elle ne s’affaiblisse pas –, Bergevin devra proposer des contrats à long terme à Price (huit ans) et à Radulov (sans doute cinq ans). Ces deux joueurs, ne l’oublions pas, amorceront la prochaine saison à l’âge respectif de 30 et 31 ans. Qu’on le veuille ou non, il s’agira d’un pari.

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L’élimination contre les Rangers de New York fera mal au CH sur un autre plan. En reléguant Galchenyuk à un quatrième trio au premier match de la série et en écartant Beaulieu de la formation lors du sixième, Claude Julien a pris les décisions qu’il croyait justes. Mais du coup, la valeur de ces deux joueurs sur le marché des transactions en subit les contrecoups.

Imaginez si Bergevin veut se servir d’eux comme appâts dans une transaction d’envergure... Ses homologues auront beau jeu de lui dire qu’ils n’ont pas été jugés assez performants pour jouer un rôle significatif en séries, le moment-clé de la saison. Et ils lui rappelleront qu’il a lui-même qualifié Beaulieu de défenseur top 8 le mois dernier, ce qui n’est pas exactement un compliment.

Bref, les prochains mois s’annoncent difficiles pour Bergevin. En revanche, ce défi représente une formidable occasion de prouver sa valeur.

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