Opinion Rio 2016

Retour à Olympie

Si, plutôt que d’imposer une pression financière insoutenable sur les villes hôtes, le mouvement olympique désignait un endroit fixe pour la tenue des jeux, comme c’était le cas avec Olympie ?

Jadis, il y a quelques millénaires, quand l’économie marchande n’avait pas encore déteint sur tout ce à quoi elle peut s’agripper, les Grecs avaient coutume de faire une pause dans les activités courantes de leurs cités respectives (et cela incluait la guerre) et de se rassembler tous les quatre ans afin d’honorer Zeus, seigneur de l’Olympe, par l’entremise de concours sportifs et culturels. Voilà pour l’essence de la chose…

Près de 2800 ans plus tard, les Jeux olympiques ont évidemment bien changé, au point où les Grecs auraient sans doute beaucoup de difficulté à y retrouver le concept d’origine ! Car si l’esprit de l’olympisme, tel qu’énoncé par la devise du baron de Coubertin (« Citius, Altius, Fortius », soit « plus vite, plus haut, plus fort » en français), peut encore se rapprocher de la tradition antique, le substantif « plus gros » doit aujourd’hui obligatoirement être accolé à la devise olympique.

Plus gros… Les Jeux olympiques de l’ère moderne souffrent d’une sérieuse inflation des coûts, et la chose tourne au ridicule. Les Jeux de Sotchi auraient coûté quelque 51 milliards de dollars, un record absolu en la matière. Dans un pays où 11 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, une telle somme frôle l’indécence. Quant aux retombées économiques et à la persistance de l’héritage olympique dans les villes hôtes, on repassera ! Les Québécois en général et les Montréalais en particulier en savent quelque chose : le coût des Jeux de 1976 a été multiplié par huit, le Stade olympique accueille aujourd’hui les courants d’air et ce sont les manchots qui profitent de l’« héritage », au Biodôme… Que garderont les Cariocas du passage des Jeux à Rio ? Bien peu, j’en ai peur…

Posons une hypothèse. Si, plutôt que d’investir des sommes colossales dans des installations éphémères et d’imposer une pression financière indue et insoutenable sur les populations locales, le mouvement olympique retournait aux sources et désignait un endroit fixe et définitif pour la tenue des Jeux, comme c’était le cas avec Olympie ? Poussons la réflexion plus loin. Pourquoi ne pas choisir une île afin d’y bâtir des installations sportives capables d’accueillir l’événement tous les quatre ans ? 

La Grèce, qui en aurait bien besoin, serait toute désignée pour cela : des îles à profusion, un climat irréprochable et une justification historique inattaquable.

Imaginez les problèmes que l’on pourrait régler ! Des équipements certes coûteux au départ, mais que l’on peut amortir au fil des Jeux ; un périmètre de sécurité bien connu et aisé à surveiller et, surtout, des sommes d’argent que le Comité international olympique (CIO) peut désormais destiner à ce qui constitue sa seule et unique raison d’être, à savoir le développement du sport et des athlètes.

Mes pensées s’envolent vers cet idéal qui apparaîtra sans doute, et surtout à l’esprit des corrompus du CIO, comme une lubie. Mais elles s’envolent aussi vers les Brésiliennes et les Brésiliens qui auront à supporter encore longtemps les coûts des deux gros partys (la Coupe du monde de football et les Jeux) auxquels leurs dirigeants, non moins corrompus, les ont conviés…

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